Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 03/Géométrie élémentaire, article 8

QUESTIONS RÉSOLUES.

Démonstrations des deux théorèmes de géométrie énoncés
à la page 196 de ce volume ;
Par MM. Le Grand, élève à l’école normale,
Ferriot et Lambert, professeurs au lycée de Besançon,
Vecten, professeur au lycée de Nismes,
Labrousse, professeur à Montélimart,
Rochat, professeur de navigation à St-Brieux,
Penjon, professeur au lycée d’Angers,
Gobert, élève de M. Penjon,
C. Beaucourt, élève au lycée de Nismes,
J. F. Français, professeur à l’école de l’artillerie et du génie,
Etc., etc., etc.
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THÉORÈME I. Le plan qui divise l’un des angles dièdres d’un tétraèdre en deux parties égales, partage l’arête opposée en deux segmens proportionnels aux aires des faces correspondantes de ce tétraèdre.

THÉORÈME II. La droite qui, partant du sommet d’un tétraèdre, fait des angles égaux avec les trois faces adjacentes, rencontre sa base en un point tel qu’en le considérant comme le sommet commun de trois triangles, ayant pour bases les trois côtés de cette base, les aires de ces triangles sont proportionnelles aux aires des faces correspondantes du tétraèdre.

Les démonstrations qui ont été fournies de ces deux théorèmes étant extrêmement variées, nous croyons devoir nous borner à celles qui nous ont paru les plus remarquables par leur simplicité.

MM. Ferriot, Vecten, Rochat, C. Beaucourt et un géomètre de Lyon qui ne s’est pas nommé, ont fondé les leurs sur les deux Lemmes suivans, qui nous sembleraient devoir trouver place dans tous les élémens de géométrie, mais que nous nous dispenserons pourtant de démontrer, attendu que leur démonstration ne saurait offrir aucune difficulté.

LEMME I. Le plan qui divise un angle dièdre en deux parties égales, a chacun de ses points également distans des deux faces de cet angle dièdre. C’est évidemment le lieu des centres de toutes les sphères et celui des axes de tous les cylindres et cônes de révolution qui touchent à la fois les deux faces de l’angle dièdre.

LEMME II. Les plans qui divisent en deux parties égales les angles dièdres d’un angle trièdre se coupent tous trois suivant une même droite, qui fait des angles égaux avec les trois faces de l’angle trièdre, et dont chacun des points est également distant des ces trois faces. Cette droite est le lieu des centres de toutes les sphères tangentes aux faces de l’angle trièdre. C’est encore l’axe du cône de révolution inscrit à ce même angle.

Cela posé, soient [1] les quatre sommets d’un tétraèdre ; soit le point où l’arête est coupée par le plan qui divise en deux parties égales l’angle dièdre dont l’arête est  ; soit en outre le point de où la face est rencontrée par la droite qui, partant du sommet , fait des angles égaux avec les trois faces adjacentes à ce sommet.

I. En considérant les deux tétraèdres et comme ayant leur sommet commun en , leurs volumes seront proportionnels aux aires de leurs bases  ; et, comme ces bases sont des triangles qui ont leur sommet commun en , leurs aires seront elles-mêmes proportionnelles à leurs bases , ainsi, l’on aura

D’un autre côté, en considérant ces mêmes tétraèdres comme ayant leur sommet commun en , ils auront même hauteur (Lemme I), puisque est un des points du plan qui divise en deux parties égales l’angle dièdre dont l’arête est  ; les volumes de ces tétraèdres seront donc proportionnels aux aires de leurs bases et  ; c’est-à-dire, qu’on aura

d’où on conclura, à cause du rapport commun,

ce qui est le premier des deux théorèmes.

M. Gobert a fourni une démonstration analitique fort élégante de ce théorème.

M… de Lyon, a remarqué que la recherche du point se réduit à partager en parties proportionnelles aux aires des triangles ou, plus simplement, proportionnelles aux perpendiculaires abaissées des points sur la base commune de ces deux triangles.

II. Si l’on considère les tétraèdres comme ayant leur sommet commun en ils auront même hauteur, et l’on aura conséquemment

Si, d’un autre côté, on considère ces mêmes tétraèdres comme ayant le point pour sommet commun, ils auront encore même hauteur (Lemme II), puisque est un des points de la droite qui forme des angles égaux avec les trois faces  ; on aura donc encore

on aura donc, par la comparaison de cette suite de rapports égaux avec la précédente,

ce qui est le dernier des deux théorèmes.

M… de Lyon, a remarqué que la recherche du point se réduit à déterminer, sur deux des côtés du triangle des points qui soient situés, sur ces côtés, de la même manière que l’est le point sur et à joindre ces points aux sommets opposés par des droites, dont l’intersection déterminera le point cherché.

Les démonstrations de M. Penjon diffèrent peu des précédentes.

M. Français démontre le premier des deux théorèmes comme il suit :

Soit faite une projection orthogonale du tétraèdre, sur un plan perpendiculaire à et conséquemment aux plans et en désignant les projections des points par les mêmes lettres qui désignent ces points, mais affectées d’accens, on aura d’abord

mais, en considérant les triangles et comme ayant leur sommet commun en , on aura

enfin, les triangles et formant respectivement des angles dièdres égaux avec leurs projections et , on aura encore

et, en rapprochant ces trois proportions, on en conclura

Au lieu de faire la projection sur un plan perpendiculaire à , on peut la faire sur un plan perpendiculaire à  ; cette projection sera alors évidemment un triangle dans lequel divisera l’angle en deux parties égales) on aura donc, par le théorème connu de géométrie plane,

mais, parce que et sont les hauteurs respectives des triangles de mêmes bases et on aura aussi

on aura donc également

C’est à peu près à cela que reviennent les démonstrations du premier théorème, fournies par MM. Le Grand, Labrousse et Lambert. Ils en déduisent ensuite celle du second.

M. Français démontre ce dernier de la manière suivante. Soient l’angle que fait avec les trois faces latérales, et l’angle que fait la même droite avec le plan de la base. Soit projeté orthogonalement le tétraèdre sur un plan perpendiculaire à cette droite  ; les projections des faces latérales se confondront avec les projections des segmens de la base ; et l’on aura, par un principe connu,

d’où on conclura, sur-le-champ,

Ces diverses considérations peuvent, pour la plupart, être employées à démontrer, autrement qu’en ne le fait communément, que la droite qui divise l’un des angles d’un triangle en deux parties égales, partage le côté opposé en deux segmens proportionnels aux côtés correspondans.

M. Le Grand, à qui l’on doit les deux élégans théorèmes qui font le sujet de cet article, remarque que, de même que de celui qui vient d’être rappelé, et qui est leur correspondant dans la géométrie plane, il résulte que le centre des moyennes distances du contour d’un triangle est le centre du cercle inscrit au triangle dont les sommets seraient les centres des moyennes distances des côtés du premier[2] ; on peut semblablement conclure de ces deux-ci, que le centre des moyennes distances de la surface d’un tétraèdre est le centre de la sphère inscrite au tétraèdre qui aurait ses sommets aux centres des moyennes distances des aires des faces du premier. Nous observerons, à notre tour, que tout ceci forme un très-beau supplément aux Analogies, entre le triangle et le tétraèdre, données par M. Ferriot à la page 133 du deuxième volume de ce recueil.

Nous remarquerons, en terminant, que, de même que le théorème de géométrie plane qui correspond à ces deux-ci, peut facilement être démontré par la formule qui donne l’aire d’un triangle en fonction de deux de ses côtés et de l’angle qu’ils comprennent, ces derniers peuvent aussi se démontrer à l’aide de la formule suivante, qui est son analogue pour le tétraèdre, et à laquelle il est aisé de parvenir.

Soit le volume d’un tétraèdre dont les sommets soient  ; en désignant par les trois lettres placées à leurs sommets les aires des faces, et par les deux lettres placées à leurs extrémités tant les longueurs des arêtes que les angles dièdres auxquels ces arêtes appartiennent, on a

Le tétraèdre fournit huit équations de cette forme qui, combinées soit entre elles soit avec les quatre équations qui donnent l’aire d’une face en fonction des aires des trois autres et des angles que forment leurs plans deux à deux, peuvent conduire à diverses-conséquences remarquables.


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  1. Nous nous dispensons de faire la figure, qui est fort simple, et qu’il est très-facile de suppléer.
  2. Voyez les Élémens de statique de M. Poinsot, page 172.