Veuve Duchesne (p. 50-51).


LXVme LETTRE.

Peter Anger,
à Staal Anger ſon Épouſe ;
à Raimbow.

Il étoit inutile, ma chère Femme, de m’écrire pour ne me dire que des demi-mots. Tu m’annonces un ſecret, & tu le gardes. Ta confiance m’auroit flatté, mais ta réſerve me mortifie ; & puis tant de myſtère ne me fait rien préſager de bon. Une conduite ſans reproche ne doit pas être myſtérieuſe. Je ſuis ſévère, dis-tu ; non, Staal, je ne ſuis qu’honnête-homme, & je n’approuverois pas que notre Fille dut ſa fortune, ſon bonheur même à des moyens ſuſpects. Achève donc tes confidences, ou ne me parle plus de cela. Je vis tranquille, je voudrois te ſavoir heureuſe, & voilà tout. Je ſuis, comme tu vois, fort loin d’accepter tes propoſitions. Quitter mon Maître, le Ciel me garde d’une pareille idée ! Calme-toi, je n’ai pas plus d’ouvrage que je n’en puis faire. Mon ſort eſt de ne jamais quitter ma condition actuelle. Abandonner un auſſi bon Maître, parce qu’il n’eſt pas heureux, cette action eſt loin de ma penſée. Connois mieux celui qui t’aime malgré tes défauts.

Peter Anger.

De Saint-Germain-en-Laye, ce … 17