Almanach des muses de l’École centrale du département des Deux-Sèvres/Le pourceau et les abeilles

Almanach des muses de l’École centrale du département des Deux-Sèvres

LE POURCEAU ET LES ABEILLES.
Fable.

Que j’aime Lafontaine et ses charmans écrits,
Où, d’Ésope et de Phèdre, imitateur habile,
Il plaît par ses détails, enchante par son style
Et par ses tours naïfs charme tous les esprits !

De cet auteur divin je connois tout le prix ;
Et si ma Muse téméraire
Se hasarde, après lui, dans la même carrière,
C’est sans prétention : je ne veux que glaner
Les épis qu’en sa route il n’a pu moissonner[1].

Dans un verger où vivoient des abeilles,
Entra par hasard Dom Pourceau.
Notre égrillard, en ce séjour nouveau,
Va, revient, bondit ; puis, croyant faire merveilles,
Droit à la ruche il porte son museau,
Laboure tant et tant, qu’on le pique aux oreilles.
L’animal irrité s’en prend à la cloison,
L’ébranle et veut, dans sa furie,
De ses débris épars étonner la prairie.
À son sens, il avoit raison.
Mais voici bien une autre affaire :
À peine à l’œuvre il s’étoit mis,
Que sur lui fond l’essaim ; et, sans la jardinière,
Sans les valets de ferme accourus à ses cris,
C’en étoit fait du pauvre hère.

Hommes, sans vous humilier,
Ce trait-ci, de leçon peut vous servir, je pense.
Vous a-t-on fait une légère offense ?

Il est sage de l’oublier :
En écoutant la voix de la vengeance,
Peut-être un plus grand mal seroit votre loyer.

La cit. BRIQUET.
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  1. Mais ce champ ne se peut tellement moissonner,
    Que les derniers venus n’y trouvent à glaner.
    (Lafontaine. liv. 3 fab. 1.)