ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ
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Rhaeticus regarde[1] ces hypothèses comme tellement adéquates aux phénomènes, qu’hypothèses et phénomènes se jpeuyent échanger comme on peut échanger la définition et le défini : « Et vero gratiorem tibi utramque Narrationem fore spero, quo clariusartificumproposîtisobservationibus îta D. Praeceptoris mei hypothèses toiç cpatvofxévotç consentire videbis, ut etiam inter se tanquam bona definitio cum definito converti possint.»

Fidèle disciple de CopernicRhaeticus n’est ni Averroïste, ni Ptoléméen ; mais il conçoit de la théorie astronomique le même idéal que le Ptoléméen Capuano ou que TAverroïste Nifo. Un bon système astronomique n’est pas seulement un système qui sauve les phénomènes célestes et permet de calculer avec précision le mouvement des astres, c’est, en outre, un système construit sur des hypothèses qui ont leur fondement dans la nature même des choses.


VI
De la préface d’Osiander a la réforme grégorienne du calendrier.


Le livre même oix Copernic exposait sa théorie astronomique publiait, au sujet des hypothèses qui portent cette théorie, des idées absolument opposées à celles qui semblent avoir inspiré Copernic et Rhaeticus. Ce livre, en effet, s’ouvrait par une préface anonyme qui portait le titre suivant : Ad lectorem^ de hypothesibus hujus Operis. « Je ne doute point, disait cette préface, que la renommée n’ait déjà répandu la nouveauté de l’hypothèse admise en cet Ouvrage, hypothèse selon laquelle la Terre est en mouvement tandis que le Soleil demeure immobile au centre du Monde ; je ne doute pas, non plus, que certains érudits ne s’en soient véhémentement offensés et qu’ils n’aient jugé mauvais que l’on troublât les disciplines libérales fermement établies depuis longtemps. S’ils veulent bien, toutefois, peser exactement leur jugement, ils trouveront que l’auteur de cet Ouvrage n’a rien commis qui méritât d’être repris. Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/88 — 79 — du livre de Copernic, rapproche [2] les propos que nous venons de lire de ceux que l’on trouve en l'Almageste. A ce rapprochement, parfaitement justifié d’ailleurs, Nicolas Mûller en aurait pu joindre beaucoup d’autres. L’opinion que la préface anonyme au livre Des révolutions fait entendre si clairement, c’est l’écho de la tradition hellénique qui, par l’intermédiaire de Geminus, de Ptolémée et de Proclus, s’étend de Posidonius à Simplicius ; c’est l’écho de la critique de Maïmonide ; c’est aussi l’écho de la tradition parisienne, née de l’enseignement de Thomas d’Aquin et de Bonaventure, et transmise par Jean de Jandun et par Lefèvre d’Étaples ; c’est, en un mot, l’écho de cette tradition qui se déroule au cours de l’histoire de l’Astronomie, protestant sans cesse contre le réalisme des Adraste d’Aphrodisie et des Théon de Smyrne, des physiciens arabes, des Averroïstes et des Ptoléméens italiens, des Copernic et des Rhaeticus. Quel était l’auteur de cette préface ? Kepler va nous l’apprendre. En 1597, Nicolas Rymer Baer (Raimarus Ursus) publia un écrit [3] où il pensait défendre des opinions analogues à celles de cette préface. Kepler voulut répondre à Rymer ; il composa dans ce but, trois ans après la publication du traité de ce dernier, c’est-à-dire vers 1600 ou 1601, un libelle violent [4] ; ce pamphlet demeura inédit ; de nos jours, il a été retrouvé, incomplet, dans les papiers du grand astronome, et publié par M. Ch. Frisch [5].

Nous aurons, tout à l’heure, à revenir sur ce débat entre Rymer et Képler ; pour le moment, un seul point nous retiendra. Rymer ignorait l’auteur de Praefatio ad lectorem qui précédait le livre de Copernic : « Je vais, dit Kepler [6], venir en aide à Ursus. L’auteur de cette préface est André Osiander [7],comme l’atteste, sur l’exemplaire que je possède, une note de la main de Jérôme Schreiber de Nuremberg, à qui Schoner a adressé quelques-unes de ses préfaces. » Kepler expose alors que la préface ajoutée, après la mort de l’auteur, au traité De revolutionibus n’exprime ni la véritable pensée de Copernic, ni même celle d’Osiander. Copernic, en son écrit, avait fait connaître, en toute candeur, son sentiment sur les hypothèses qui portent son livre ; Osiander a craint que l’apparente absurdité de ces hypothèses n’effrayât la foule de ceux qui philosophent (vulgus philosophantium) ; il a jugé prudent d’atténuer le scandale qu’il prévoyait ; de là, l’idée de mettre cette préface célèbre en tête du livre Des révolutions. A l’appui de ses dires, Kepler cite deux lettres d’Osiander. Le 20 avril 1541, celui-ci écrivait à Copernic : « Au sujet des hypothèses, voici ce que j'ai toujours pensé : Ce ne sont pas des articles de foi, ce sont seulement les fondements du calcul ; fussent-elles fausses que cela importerait peu, pourvu qu’elles reproduisissent exactement les [patvofxeva] des mouvements (De hypothesibus ego sic sensi semper, non esse articulos fidei, sed fundamenta calculi, ita ut etiamsi falsae sint, modo motuum ([patvofxeva] exacte exhibeani, nihil référât). « Si, par exemple, nous suivons les hypothèses de Ptolémée, qui pourra nous assurer si le mouvement inégal du Soleil se produit plutôt en vertu de l’épicycle ou en vertu de l’excentrique, alors qu’il peut être également produit par l’un ou par l’autre de ces deux procédés ? Il me semblerait plausible qu’en votre préface vous touchassiez un mot de Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/91 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/92 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/93 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/94 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/95 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/96 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/97 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/98 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/99 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/100 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/101 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/102 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/103 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/104 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/105 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/106 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/107 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/108 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/109 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/110 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/111 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/112 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/113 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/114 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/115 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/116 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/117 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/118 d'accord avec les observations et avec les tables de Copernic. Quant aux hypothèses mêmes de Copernic, je suis d’avis qu’en aucun cas, on ne les doit introduire dans les écoles. »

Il est clair qu’un changement d’opinion se prépare dans l’esprit de ceux qu’intéressent les choses de l’Astronomie ; avec Gemma Frisius et Osiander, on a tenu pour utile toute hypothèse capable de sauver les phénomènes, alors même que cette hypothèse n’était, pour le philosophe, ni vraie, ni vraisemblable ; désormais, on exigera d’une hypothèse, avant d’en user en Astronomie, qu’elle soit, d’une manière certaine ou tout au moins probable, en conformité avec la nature des choses ; on va donc mettre l’Astronomie sous la dépendance de la Philosophie et de la Théologie.


VII
De la réforme grégorienne du calendrier à la condamnation de Galilée.


Les hypothèses astronomiques sont de simples artifices destinés à sauver les phénomènes ; pourvu qu’elles atteignent à ce but, on ne leur demande ni d’être vraies, ni même d’être vraisemblables.

Cette opinion, depuis la publication du livre de Copernic et de la préface d’Osiander jusqu’au moment de la réforme grégorienne du calendrier, semble avoir été généralement reçue des astronomes et des théologiens. Au contraire, durant le demi-siècle qui s’écoule de la réforme du calendrier à la condamnation de Galilée, nous la voyons reléguée dans l’oubli, voire même violemment combattue au nom d’un réalisme général ; ce réalisme veut trouver dans les hypothèses astronomiques des affirmations sur la nature des choses ; il exige, dès lors, que ces hypothèses s’accordent avec les doctrines de la Physique et avec les textes de l’Écriture. Le savant jésuite Christophe Clavius, de Bamberg, a composé un ample commentaire à la Sphaera de iesn de Sacro-Bosco. Les deux premières éditions de ce livre, imprimées à Rome en 1570 et en 1575, ne s’attardaient pas à la discussion des hypothèses astronomiques ; en 1581 ,

  1. Rhaeticus, Op. et/., Quomodoplanetae abecliptica discedere appa. reant ; éd. cit., p. 489.
  2. Nicolai Copernici Torinensis Astronomia instaurata, libris sex comprehensa, qui de Revolutionibus orbium cœlestium inscribuntur. Nunc demum post 75ab obitu authoris annum integritati suae restituta. Notisque illustrata, opera et studio D. Nicolai Mulerii Medicinae ac Matheseos Professoris ordinarii in nova Academia quae est Groningœ. Amstelrodami, excudebat Wilhelmus Iansonius, sub Solari aureo. Anno MDCXVII.
  3. Nicolai Raimari Ursi Tractatus astronomicus de hypothesibus astronomicis, seu systemate mundano ; item, astronomicarum hypothesium a se inventarum, oblatarum et editarum, contra quosdam, eas temerario ausu arrogantes, vindicatio et defensio, eum novis quibusdam subtilissimisque compendiis et artificiis in nova doctrina sinuum et triangulorum, Pragae, 1597.
  4. Joannis Kepleri Apologia Tychonis contra Nicolaum Raymarum Ursum.
  5. Joannis Kepleri Opera omnia edidit Ch. Frisch ; Frankfort sur le Mein et Erlangen, 1858 ; 1. 1, p. 215.
  6. Joannis Kepleri Opera, t. I, p. 245.
  7. Hossmann, qui, à la mode de l’époque, avait ainsi grécisé son nom.