Œuvres posthumes (Verlaine)/Marceline Desbordes-Valmore

MARCELINE
DESBORDES-VALMORE

(Fragment de Conférence.)


Marceline Desbordes Valmore naquit à Douai, ville triste, que pour ma part j’aime, parce que c’est presque le pays de ma mère, Arras, et qu’elle est baignée par la même Scarpe si bien célébrée par notre héroïne. Douai n’a pas d’ailleurs besoin d’apologie, avec ses rues si calmes et vertes d’herbe entre les pavés, son magnifique hôtel-de-ville et ses églises vraiment religieuses. Notre-Dame fut la paroisse de notre Muse, j’allais dire de notre Sainte ; — et par le fait, il y a,


… Si parva licet componere magnis,


de la Sainte Thérèse en Marceline Desbordes : le cœur immense, un certain amour de la souffrance et véritablement un mysticisme très humain et, sinon surhumain, plus qu’humain, vulgairement parlant.

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Chacun connaît sa vie toute de sacrifice et d’affection, son talent, si pur, si fluide, pour ainsi parler, si délicat et si profond à la fois. Elle n’a pas eu trop à subir les caprices de l’oubli, non plus que les sautes de l’engouement ; à ses débuts, presque enfant encore, elle fut appréciée — ô miracle ! — par le gouvernement. Il est vrai que le gouvernement était représenté par ce que l’on appelait alors un fin lettré, Louis XVIII, et après lui par Charles X, ce gentilhomme de toute bonne volonté pour les artistes. Sous le sceptre bourgeois de Louis-Philippe, elle se vit, sans l’avoir cherché, distinguée et protégée par un de ses compatriotes, M. Martin (du Nord), député et ministre, qui eut, depuis, des aventures où la poésie n’avait rien à démêler.

Le public et la critique lui furent indulgents, en somme. Tous ses contemporains illustres, Victor Hugo, Lamartine, Sainte-Beuve, l’honorèrent de nombreuses marques de sympathique admiration. De nos jours, Charles Baudelaire, Barbey d’Aurevilly ne lui marchandèrent pas un enthousiasme qu’ils n’avaient guère l’habitude de prodiguer, et, tout récemment, M. le comte Robert de Montesquiou Fezenzac, poète lui-même glorieux déjà, et à qui je suis heureux de rendre hommage publiquement, attirait au Théâtre d’Application une foule de gens du monde et de lettrés, qu’il captivait par l’éloquent éloge et de judicieuses citations de ce poète délicieux et puissant.