Gauthier-Villars (p. 1-8).

DÉMONSTRATION
D’UN
THÉORÈME SUR LES FRACTIONS CONTINUES PÉRIODIQUES ([1]).


On sait que si, par la méthode de Lagrange, on développe en fraction continue une des racines d’une équation du second degré, cette fraction continue sera périodique, et qu’il en sera encore de même de l’une des racines d’une équation de degré quelconque, si cette racine est racine d’un facteur rationnel du second degré du premier membre de la proposée, auquel cas cette équation aura, tout au moins, une autre racine qui sera également périodique. Dans l’un et dans l’autre cas, la fraction continue pourra d’ailleurs être immédiatement périodique ou ne l’être pas immédiatement ; mais, lorsque celle dernière circonstance aura lieu, il y aura du moins une des transformées dont une des racines sera immédiatement périodique.

Or, lorsqu’une équation a deux racines périodiques répondant à un même facteur rationnel du second degré, et que l’une d’elles est immédiatement périodique, il existe entre ces deux racines une relation assez singulière qui parait n’avoir pas encore été remarquée, et qui peut être exprimée par le théorème suivant :

Théorème. — Si une des racines d’une équation de degré quelconque est une fraction continue immédiatement périodique, cette équation aura nécessairement une autre racine également périodique que l’on obtiendra en divisant l’unité négative par cette même fraction continue périodique, écrite dans un ordre inverse.

Démonstration. — Pour fixer les idées, ne prenons que des périodes de quatre termes ; car la marche uniforme du calcul prouve qu’il en serait de même si nous en admettions un plus grand nombre. Soit une des racines d’une équation de degré quelconque exprimée comme il suit :

l’équation du second degré, à laquelle appartiendra cette racine, et qui contiendra conséquemment sa corrélative, sera

or, on tire de là successivement

c’est-à-dire

c’est donc toujours là l’équation du second degré qui donne les deux racines dont il s’agit ; mais, en mettant continuellement pour dans son second membre, ce même second membre, qui en est, en effet, la valeur, elle donne

c’est donc là l’autre valeur de , donnée par cette équation, valeur qui, comme l’on voit, est égale à – 1 divisé par la première écrite dans un ordre inverse.

Dans ce qui précède, nous avons supposé que la racine proposée était plus grande que l’unité ; mais, si l’on avait

on en conclurait, pour une des valeurs de ,

l’autre valeur de serait donc, par ce qui précède,

d’où l’on conclurait, pour l’autre valeur de ,

ou

ce qui rentre exactement dans notre théorème.

Soit une fraction continue immédiatement périodique quelconque, et soit la fraction continue qu’on en déduit en renversant la période ; on voit que, si l’une des racines d’une équation est , elle aura nécessairement une autre racine  ; or, si est un nombre positif plus grand que l’unité, sera négatif et compris entre et  ; et, à l’inverse, si est un nombre négatif compris entre et , sera un nombre positif plus grand que l’unité. Ainsi, lorsque l’une des racines d’une équation du second degré est une fraction continue immédiatement périodique, plus grande que l’unité, l’autre est nécessairement comprise entre et  ; et réciproquement, si l’une d’elles est comprise entre et , l’autre sera nécessairement positive et plus grande que l’unité.

On peut prouver que, réciproquement, si l’une des deux racines d’une équation du second degré est positive et plus grande que l’unité, et que l’autre soit comprise entre et , ces racines seront exprimables en fractions continues immédiatement périodiques. En effet, soit toujours une fraction continue immédiatement périodique quelconque, positive et plus grande que l’unité, et la fraction continue immédiatement périodique qu’on en déduit, en renversant la période, laquelle sera aussi, comme elle, positive et plus grande que l’unité. La première des racines de la proposée ne pourra être de la forme

car alors, en vertu de notre théorème, la seconde devrait être

or ne saurait être compris entre et qu’autant que la partie entière de serait égale à , auquel cas la première valeur serait immédiatement périodique. On ne pourrait avoir davantage, pour la première valeur de , , car alors l’autre serait

or, pour que cette valeur fût comprise entre et , il faudrait d’abord que , fût égal à , plus une fraction. Il faudrait donc que fût plus petit que l’unité, ce qui exigerait que fût égal à , plus une fraction ; d’où l’on voit que et devraient être respectivement égaux aux deux premiers termes de la période qui répond à ou aux deux derniers de la période qui répond à de sorte que, contrairement à l’hypothèse, la valeur serait immédiatement périodique. On prouverait, par un raisonnement analogue, que les périodes ne sauraient être précédées d’un plus grand nombre de termes n’en faisant pas partie.

Lors donc que l’on traitera une équation numérique par la méthode de Lagrange, on sera sûr qu’il n’y a point de racines périodiques à espérer tant qu’on ne rencontrera pas une transformée ayant au moins une racine positive plus grande que l’unité, et une autre comprise entre et  ; et si, en effet, la racine que l’on poursuit doit être périodique, ce sera tout au plus à cette transformée que les périodes commenceront.

Si l’une des racines d’une équation du second degré est non seulement immédiatement périodique, mais encore symétrique, c’est-à-dire si les termes de la période sont égaux à égale distance des extrêmes, on aura  ; de sorte que ces deux racines seront \mathrm A et  ; l’équation sera donc

Réciproquement, toute équation du second degré de la forme

aura ses racines à la fois immédiatement périodiques et symétriques. En effet, en mettant tour à tour pour l’infini et , on obtient des résultats positifs, tandis qu’en faisant et , on obtient des résultats négatifs ; d’où l’on voit d’abord que cette équation a une racine positive plus grande que l’unité et une racine négative comprise entre et , et qu’ainsi ces racines sont immédiatement périodiques ; de plus, cette équation ne change pas en y changeant en  ; d’où il suit que, si est une de ses racines, l’autre sera , et qu’ainsi, dans ce cas,

Appliquons ces généralités à l’équation du second degré

on lui trouve d’abord une racine positive comprise entre 3 et 4; en posant

on obtient la transformée

dont la forme nous apprend que les valeurs de sont à la fois immédiatement périodiques et symétriques ; en effet, en posant tour à tour

on obtient les transformées

L’identité entre les équations en et en prouve que la valeur

positive de est

sa valeur négative sera donc

les deux valeurs de seront donc

dont la dernière, en vertu de la formule connue

devient



  1. Tome XIX des Annales de Mathématiques de M. Gergonne, page 294 (1828-1829). Galois était alors élève au collège Louis-le-Grand. (J. Liouville.)