Œuvres de La Rochefoucauld - T.1/Notice biographique

Texte établi par D. L. Gilbert, Librairie de L. Hachette et Cie (Tome premierp. i-cxviii).

NOTICE BIOGRAPHIQUE

SUR LA ROCHEFOUCAULD

La vie du duc de la Rochefoucauld se divise en deux périodes bien distinctes. Dans la première, le futur auteur des Maximes, méconnaissant ses facultés, et prenant, pour ainsi dire, au rebours sa fortune, se range au parti de ces mécontents qui, après avoir conspiré contre Richelieu, s’arment en guerre contre Mazarin. Esprit critique et spéculatif, fourvoyé dans l’action, il subit toutes sortes de mécomptes, et, sur cette scène bruyante, où il aspire vainement à tenir le grand rôle, ses qualités ne lui nuisent pas moins que ses défauts. À ces stériles orages de la jeunesse succèdent utilement chez la Rochefoucauld ce qu’on peut, d’un mot de Montaigne, appeler les ravisements de l’âge mûr. Revenu ou, si l’on aime mieux, déchu des passions et de la politique, il se repose, se calme peu à peu dans la paisible atmosphère des salons et dans une douce intimité ; par manière de passe-temps et, tout d’abord, sans le dessein prémédité de faire un livre, il compose une suite de maximes où, visant à nous peindre tous d’après lui-même, il a fois à la fois l’aveu et la revanche de ses déceptions ; si bien que cette gloire qu’il a poursuivie, sans l’atteindre, par les sentiers de l’intrigue et le grand chemin des aventures, il la rencontre au bout de sa plume, sans quitter sa chaise de goutteux : tant il est vrai que les hommes le mieux doués ne se démêlent souvent que fort tard, ne se résignent à être eux-mêmes que par une sorte de pis-aller, et que, s’ils passent à la postérité, ce n’est pas toujours sous le personnage qu’ils avaient d’abord souhaité de faire dans l’histoire !

I

François VI, duc de la Rochefoucauld, naquit à Paris, rue des Petits-Champs, le 15 septembre[1] de l’année 1613, et fut baptisé[2], le 4 octobre suivant, en l’église Saint-Honoré[3].

Il était le vingt et unième descendant de Foucauld I, seigneur de la Roche en Angoumois[4], qui vivait sous le règne du roi Robert, au commencement du onzième siècle. André du Chesne, cité par le P. Anselme[5], dit, dans sa Généalogie de la maison de la Rochefoucauld[6], que Foucauld I « fut en si grande réputation que sa maison a depuis tenu à honneur d’être surnommée de son nom. » Foucauld I est, par son troisième fils, le quadrisaïeul d’Aliénor, duchesse de Guyenne, première femme du roi Louis VII. Son quinzième descendant, par les aînés, Jean de la Rochefoucauld, qualifié dans des lettres de Louis XI (1468), de « féal et amé cousin[7], » fut choisi, en 1467, comme le plus grand des vassaux de Charles d’Orléans, comte d’Angoulême, pour être son gouverneur et avoir la conduite de sa personne et de toutes ses seigneuries.

Le fils de Jean, François I de la Rochefoucauld, quadrisaïeul de notre auteur, successivement chambellan des rois Charles VIII et Louis XII, fut choisi, à son tour, par ce dernier « pour avoir le gouvernement de la personne et la direction des biens de François, lors comte d’Angoulême, » qui devait régner sous le nom de François Ier ; et il eut l’honneur de le tenir, en 1494, sur les fonts de baptême[8]. Son royal filleul, devenu roi, le fit son chambellan ordinaire, puis, par lettres d’avril 1515, enregistrées au mois d’août 1528, après la mort du titulaire, qui eut lieu en 1517, érigea la terre, seigneurie et baronnie de la Rochefoucauld en titre de comté. Dans ces lettres, il est traité de « très-cher et amé cousin et parrain[9]… »

François III, petit-fils du comte François I, se distingua dans plusieurs sièges et batailles, embrassa le parti des Calvinistes, et fut tué à la Saint-Bartliélemy, en 1572. Son fils, François IV, continua sans doute d’appartenir, d’abord de cœur[10], à la religion protestante, puis il y revint ouvertement. Il servit très-fidèlement le roi de Navarre et fut tué par les Ligueurs devant Saint-Yrier-la-Perche, en 1591. Avant lui, son frère du second lit Josué avait péri au combat d’Arques, en 1589. Le recueil des Lettres de Henri IV, publié dans la collection des Documents de l’Histoire de France, contient deux lettres écrites à François IV en 1580 et 1588, avec cette adresse : « À mon cousin le comte de la Rochefoucauld[11]. » Nous donnons en appendice une autre lettre qui n’est pas comprise dans le recueil et dont l’original appartient à M. le duc de la Rochefoucauld-Liancourt. Elle est écrite de Bergerac, le 18 septembre 1577, le lendemain du jour où le roi de Navarre y signa la sixième paix conclue avec les Calvinistes, et elle montre bien l’estime qu’il faisait du comte et le haut rang qu’à ses yeux il tenait parmi ses partisans[12].

François V, père de l’auteur des Maximes, fut élevé dans la religion catholique par sa mère, Claude d’Estissac. Il épousa, en juillet 1611, Gabrielle du Plessis, fille de Charles, seigneur de Liancourt, lieutenant général pour Sa Majesté en la ville et prévôté de Paris, et d’Antoinette de Pons, cette belle marquise de Guercheville, dame d’honneur de la Reine, qui « inspira une vive mais vaine passion à Henri IV[13]. » En 1619, le roi Louis XIII le nomma chevalier de ses ordres, et, en avril 1622, il érigea le comté de la Rochefoucauld en duché-pairie. Dans les lettres d’érection[14], où il lui donne les titres de « capitaine de cent hommes d’armes de nos ordonnances, gouverneur et notre lieutenant général en notre province de Poitou[15], » il le loue en ces termes de la part qu’il eut à la répression de la révolte des Calvinistes dans son gouvernement :

« Il s’est montré si soigneux d’égaler la gloire de ses pères, qu’il ne s’est offert aucun sujet dedans notre royaume et pendant les mouvements dont il a été agité, qu’il n’ait employé sa créance, fidélité et affection au bien de notre service, même en cette dernière occasion de la descente du sieur de Soubise[16] et des rebelles en cette province, où il a si prudemment et vertueusement ménagé les terres qui étoient sous sa charge, qu’il auroit engagé lesdits rebelles en la défaite qui est arrivée, ayant contribué par cette conduite à l’heureuse victoire que nous avons remportée sur eux[17]. »

Louis XIII passa, le 22 avril 1622, par Fontenay-le-Comte, et y descendit chez le gouverneur. « Quelques jours plus tard, Marie de Médicis se fit présenter, chez Mme de la Rochefoucauld, l’échevinage, qui lui demanda la démolition de tous les châteaux forts du bas Poitou n’appartenant pas au Roi… La Reine mère fut reçue dans l’hôtel situé à côté de la porte de la Fontaine (maison Boumier), où le comte de la Rochefoucauld avait établi son domicile, et qui a porté depuis le nom de Maison du Gouverneur[18]. »

C’est tantôt dans cette résidence, tantôt dans les diverses maisons de son père en Angoumois, la Rochefoucauld, Verteuil et autres[19], que notre auteur passa une partie de son en fance et de sa jeunesse. Cette période de sa vie n’est point connue, et peut-être ce qu’on en pourrait savoir n’offrirait-il

pas un grand intérêt. En ce temps-là, l’éducation des fils de famille tendait surtout au développement de l’être physique. Élevé ainsi à la campagne, le jeune Marcillac (c’est le titre qu’il porta[20], jusqu’à la mort de son père, en qualité d’ainé ; il l’était de douze enfants[21]) excella sans doute, dès l’adolescence,

dans les divers exercices du corps. Pour ses études, elles durent être assez sommaires, car Segrais rapporte et Mme de Maintenon confirme qu’il avait peu de savoir[22]. Il avoue lui-même qu’il n’entendait pas très-bien le latin[23]. Son maître de littérature fut un certain Julien Collardeau[24], de Fontenay, qui succéda à son père comme avocat et procureur du Roi au siège de cette ville, et qui fut ensuite (17 janvier 1650) pourvu d’une charge de conseiller d’État en récompense de sa fidélité au parti de la cour durant les troubles de la Régence. Ce ne fut donc pas la faute du précepteur si l’élève devint un frondeur.

Il se peut que les romans aient été de bonne heure un aliment favori de l’esprit de notre auteur, qui paraît en avoir conservé le goût jusqu’à la fin de ses jours. Mme de Sévigné, dans une lettre du 12 juillet 1671[25], se console par son exemple de « la folie qu’elle a elle-même pour ces sottises-là : » ce qui s’accorde avec ce souvenir, gardé d’une de nos lectures, mais dont nous avons négligé de prendre note, que la Rochefoucauld ne manquait point de lire l’Astrèe au moins une fois l’an et qu’il s’enfermait pour n’être point distrait de ce plaisir. Cette chaleur naturelle d’imagination, que rien ne put refroidir entièrement, expliquerait à elle seule, au besoin, plus d’un épisode étrange de sa jeunesse.

D’après un document conservé au Cabinet des titres de la Bibliothèque nationale, c’est le 20 janvier 1628, donc avant l’âge de quinze ans, qu’on lui fit épouser[26] Andrée de Vivonne, laquelle a passé fort silencieusement dans l’histoire, et même dans la vie de la Rochefoucauld, entre Mme de Longueville et Mme de la Fayette. « On sait assez, nous dit-il, qu’il ne faut guère parler de sa femme[27] ; » et, nous le faisons remarquer au tome II (p. 29, note 4), il se conforme bien au précepte. La mention sèche d’une maladie, un mot sur « le tabouret, » ce fait, constaté sans détail, qu’en 1650, lorsqu’on rasa Verteuil, « la mère, la femme et les enfants du duc de la Rochefoucauld » furent un moment « sans retraite, » voilà tout ce que nous trouvons dans les Mémoires[28] et, quand nous aurons noté encore deux passages de l’Apologie[29], relatifs au même tabouret, et, dans la correspondance, deux ou trois autres mentions de maladie, celle d’une lettre que son mari lui adresse, d’un voyage qu’elle va faire, et des compliments ou remerciements envoyés en son nom[30], nous n’aurons rien omis de ce que notre auteur nous dit d’Andrée de Vivonne. Elle était la seconde fille (l’aînée, Marie, était morte jeune) d’André de Vivonne[31], seigneur de la Béraudière, puis de la Châteigneraye, etc., chevalier de l’ordre du Roi, capitaine des gardes de la reine Marie de Médicis, élevé à la cour d’Henri IV, lequel lui porta toujours une singulière affection, nommé, en 1612, par Louis XIII, grand fauconnier de France, mort, « dans la fleur de son âge[32], » le 24 septembre 1616; et d’Antoinette de Loménie, fille d’Antoine, seigneur de la Ville-aux-Clercs, secrétaire d’État. On croit qu’elle mourut en 1670[33] ; Jal n’a pu, dit-il (p. 740), s’assurer du fait.

Nous donnons dans l’appendice i du tome III, trois lettres d’elle à Lenet, écrites en 1652, l’une (n° 16, p. 265), en juillet, par « ordre » de son mari, peu de temps après sa grave blessure du faubourg Saint-Antoine ; les deux autres en novembre et en décembre ; dans la première de celles-ci (n° 18, p. 268), elle parle de lui affectueusement et de la douleur que lui a causée l’état où elle l’a vu partir pour aller auprès de Condé, puis à Damvilliers. Dans la seconde (n° 20, p. 274) : « Je pars dans huit jours, dit-elle, pour aller aider M. delà Rochefoucauld à passer son hiver à Damvilliers ; » et elle ajoute, en femme qui fait peu valoir ce qu’elle est pour son époux : « Depuis qu’il y est, sa santé est si mauvaise, qu’il a cru que je lui pouvois aider, en quelque petite chose, à supporter son chagrin. »

Du mariage de François VI de la Rochefoucauld et d’Andrée de Vivonne, naquirent huit enfants, cinq garçons et trois filles[34], tous, hormis les deux derniers fils, sous le règne de Louis XIII ; le dernier seul après la participation du père à la guerre civile, en 1632. Notons en passant qu’en 1644, à la naissance de l’aîné François VII, qui fut baptisé dans la chapelle du cardinal François de la Rochefoucauld et tenu par lui sur les fonts, comme l’avait été son père, celui-ci demeurait dans la rue des Blancs-Manteaux[35]. De tous les enfants de notre duc, cet aîné fut le seul qui se maria, à moins que nous n’ajoutions foi à ce que nous dit Saint-Simon[36], du mariage, secret d’ailleurs, d’une des trois sœurs avec Gourville[37].

En 1629, à seize ans, Marcillac fit ses premières armes en Italie, où il fut mestre de camp du régiment d’Auvergne[38]. C’est au retour de cette campagne qu’il parut à la cour. Le vent soufflait aux aventures périlleuses, et la jeune noblesse, en dépit des terribles leçons déjà infligées par Richelieu, se faisait comme un point d’honneur d’intriguer ou de conspirer contre le ministre. On a écrit dans une notice, nous ne savons sur quel fondement, que notre héros prit, en novembre 1630, une part active à la Journée des Dupes. C’est fort peu vraisemblable : Marcillac avait à peine dix-sept ans, et nous ne voyons le fait rapporté ni dans ses Mémoires, qui remontent à 1624, ni ailleurs. Ce qu’il y a de sûr, c’est que le futur auteur des Maximes appartenait d’avance à l’opposition, comme l’on dirait de nos jours, par cette fièvre de mouvement qui tourmente la jeunesse, par cette pente naturelle des esprits fins vers l’intrigue, par un sentiment exagéré de sa personne qui faisait de lui un important avant même qu’il y eût un parti des Importants[39], enfin par un fond inné d’humeur chagrine, qui s’armera de la plume après s’être armé de l’épée, et qui frondera l’espèce humaine quand il n’y aura plus moyen de fronder les ministres. En attendant les fruits amers de l’expérience, Marcillac est tout aux illusions, et, comme les héros de ses chers romans, il débute par ce quart d’heure de désintéressement et d’enthousiasme qu’on retrouverait peut-être, à bien chercher, dans la vie des hommes le plus foncièrement personnels et le plus vite désabusés. Avec le nom qu’il portait, il avait de grandes espérances, et partant une grande ambition, cette double ambition de la jeunesse, qui aspire à la fois à la gloire et à l’amour. L’une et l’autre, au demeurant, semblaient, en ce temps, on ne peut plus légitimes, et la seconde surtout était de saison. Bien fait de sa personne, fort désireux et fort capable de plaire, le prince de Marcillac n’était point de ces jeunes gens qu’il nous dépeint, et dont « l’air composé se tourne… en impertinence[40]. » Il avait, au contraire, un certain air discret, ou plutôt un air honteux, comme il dit, une timidité en public, dont il souffrit toute sa vie[41], mais qui, couverte avec soin, pouvait passer pour une réserve de bon goût. Il écoutait plus qu’il ne parlait, pratiquant déjà cet art d’observer qui prépare, puis achève le moraliste. « Je commençai, dit-il[42], à remarquer avec quelque attention ce que je voyois. » Or ce qu’il remarqua tout d’abord, ce fut Mlle de Hautefort, qui était l’objet des assiduités peu entreprenantes du roi Louis XIII. La Rochefoucauld ne dit point qu’il ait soupiré lui-même pour cette fille d’honneur ; mais il nous semble bien qu’on peut se passer de son aveu. C’est par elle, en tout cas, qu’il obtint l’attention et la confiance d’Anne d’Autriche ; c’est elle qui obligea la Reine à lui « dire toutes choses sans réserve ; » et Mlle de Chemerault, qui avait ses raisons pour tendre l’oreille, était en quart dans ce commerce de confidences[43]. Tout ambitieux qu’il est, Marcillac, ainsi accueilli dans l’intimité d’Anne d’Autriche, commence par se montrer plus capable de dévouement que de calcul ; car, par intérêt pour deux femmes, et deux femmes alors sans crédit, il s’engage, les yeux fermés, contre le terrible cardinal. Au rebours de tant de personnages de son temps, plus habiles ou moins chevaleresques, il entrait dans la politique en homme d’imagination, par ce que l’on pourrait appeler l’héroïsme de la galanterie. Il confesse en effet dans ses Mémoires qu’entre la Reine et Mlle de Hautefort, il fut « ébloui, » comme « un homme qui n’avoit presque jamais rien vu, » et fut entraîné dans un chemin tout opposé à sa fortune. Il ajoute que sa « longue suite de disgrâces » fut la conséquence de ce premier pas imprudent[44].

Elle fut aussi la conséquence de ce je ne sais quoi[45] qui devait dominer toute sa conduite politique : c’était quelque chose d’irrésolu et d’incohérent, qu’on peut définir en disant que la Rochefoucauld, au moment d’agir, était toujours pris d’une arrière-pensée raisonneuse et critique ; il y avait en lui deux hommes qui se contredisaient et s’entravaient mutuellement, l’homme du premier mouvement et l’homme de la réflexion. L’élan pris, il s’arrêtait souvent à rai-chemin, impatient de se dérober, à condition toutefois que l’honneur fût sauf. Les esprits vraiment nés pour la politique, pour ses luttes, pour ses grandes intrigues, comme Richelieu et comme Retz, ne connaissent point ces brusques retours ni ces désaccords intérieurs : ils savent prévoir à temps, se décider sans regrets, au besoin même sans scrupules, et s’ils raisonnent des événements, l’action, après tout, chez eux n’y perd rien.

Le prince de Marcillac n’en semble pas moins tout d’abord mener de front, selon son vœu, l’amour et la guerre. Dans les années 1635 et 1636 on le voit prendre part, sous les maréchaux de Châtillon et de Brezé, à deux campagnes, qui échouèrent par la mésintelligence des capitaines français et de Guillaume de Nassau, et s’y conduire vaillamment. Il combattit comme volontaire, avec les ducs de Mercœur, de Beaufort et autres, à la journée d’Avein (20 mai 1635)[46]. Mais il avait de soudaines échappées de langue, comme il arrive souvent aux jeunes gens, qui ne cessent d’être trop timides que pour devenir trop hardis. Il parla, au retour, des fautes militaires commises en Flandre, avec une liberté qui déplut à Richelieu, et il enveloppa dans sa disgrâce plus d’un de ses camarades, compromis par ses propos. Il prétend toutefois dans ses Mémoires[47] que la vraie cause de cette disgrâce fut la jalousie du Roi et « le plaisir qu’il sentit de faire dépit à la Reine et à Mlle de Hautefort en l’éloignant » d’elles : toujours est-il qu’il reçut l’ordre de rejoindre son père dans ses maisons. Il n’en sortit que pour retourner à l’armée, sans s’arrêter à Paris ou du moins sans séjourner à la cour.

L’événement le plus grave pour lui qui marqua ce temps d’exil, d’éloignement de la cour, ce fut la liaison qu’il forma avec la belle duchesse de Ghevreuse, alors reléguée à Tours[48], et qui, nous dit-il, souhaita de le voir sur la « bonne opinion » que la Reine lui avait donnée de sa personne ; on verra plus loin quelles furent les suites de cet engagement.

La disgrâce de son père ayant cessé tout à coup, après que le refus d’entrer dans le parti de Monsieur, refus, dit Montrésor dans ses Mémoires (p. 210), imputable plutôt à la faiblesse qu’à un principe d’honneur, lui eut reconquis enfin les bonnes grâces du Cardinal, Marcillac revint à la cour (1637), au moment même où Anne d’Autriche était soupçonnée, non sans raison, d’entretenir, ainsi que Mme de Chevreuse, des intelligences avec l’Espagne. Louis XIII, excité par Richelieu, parlait hautement de la répudier et de l’enfermer au Havre. C’est alors, si l’on en croit la Rochefoucauld, que la Reine lui proposa de l’enlever avec Mlle de Hautefort et de les conduire à Bruxelles[49]. On a quelque peine à imaginer une reine de France courant ainsi les chemins, avec une jeune fille, sous la conduite d’un galant gentilhomme de vingt-quatre ans. Cette

proposition n’était-elle, comme le veut croire V. Cousin, qu’une plaisanterie mal à propos prise au sérieux par la Rochefoucauld, et que celui-ci ne rapporte que « pour se donner… un air d’importance[50] » ? Il est à remarquer qu’il n’y a nulle trace de ce projet d’enlèvement, ni dans les Mémoires de Mme de Motteville, ni dans ceux de la Porte, le porte-manteau de la Reine, lequel raconte longuement (p. 344-381) ces intrigues de 1637, suivies, pour lui aussi, d’une courte demeure à la Bastille. Tallemant seul le mentionne[51], en l’enjolivant ; il nous dit de la Reine : « Marcillac… la devoit mener en croupe. » Celui-ci, en tout cas, était certainement d’humeur à se charger d’une entreprise aussi romanesque que téméraire ; et s’il peut passer bien des idées étranges par la tête d’un jeune ambitieux inexpérimenté, il en peut également naître de bizarres, à une heure donnée, dans le cerveau d’une reine, jeune encore, consumée d’ennui, menacée du déshonneur et de la prison, et, par surcroît, espagnole. « Je puis dire, écrit la Rochefoucauld, en parlant de ce dessein, qu’il me donna plus de joie que je n’en avois eu de ma vie. J’étois en un âge où on aime à faire des choses extraordinaires et éclatantes, et je ne trouvois pas que rien le fût davantage que d’enlever en même temps la Reine au Roi son mari, et au cardinal de Richelieu, qui en étoit jaloux[52]. » On le voit, ce qui le séduit dans cette singulière aventure, c’est la singularité même, c’est aussi l’éclat qu’elle devait produire, plutôt que le profit, fort douteux, qu’en pouvait retirer son ambition : ici encore le roman domine dans sa conduite, qui est d’un vrai paladin, non d’un politique et d’un homme de parti. Il lui semble aussi que cet enlèvement serait un tour bien joué, et l’on sent déjà percer chez lui cette malicieuse disposition d’esprit qui se retrouve dans ses Maximes, où, sous un faux air de gravité, il se raille et se joue cruellement de la nature humaine. Heureusement, cette folle équipée en resta là ; le prince de Marcillac eut l’honneur du choix sans avoir le péril du rôle ; à la suite d’un interrogatoire en règle, la Reine consentit à faire amende honorable, et Mme d’Aiguillon acheva d’apaiser le Cardinal son oncle. Mais le départ précipité de Mme de Chevreuse, qui était du complot, et qui prit l’alarme sur un malentendu, vint gâter, au dernier moment, les affaires de Marcillac. Quelque mystère que celui-ci y eût mis, le Cardinal connut la part qu’il avait eue à la fuite de la duchesse. Mandé à Paris pour rendre compte de sa conduite, le favori de la Reine ne craignit pas de heurter Richelieu par ses réponses, et le Ministre, impatienté plus encore qu’irrité, l’envoya pour huit jours à la Bastille[53]. « Ce peu de temps que j’y demeurai, dit la Rochefoucauld avec une exagération égoïste qui fait sourire, me représenta plus vivement que tout ce que j’avois vu jusqu’alors l’image affreuse de la domination du Cardinal ; » et il se félicite d’être sorti si vite de prison « dans un temps où personne n’en sortoit[54]. » C’est que Richelieu l’avait mesuré d’un regard et n’avait pas cru découvrir en lui un adversaire bien redoutable. La Rochefoucauld, dans ce passage de ses Mémoires, a beau enfler son personnage, il ne réussit point à se faire prendre au sérieux. La Meilleraye et Chavigny le dépeignent au Cardinal comme une sorte de Jehan de Saintré qui n’a d’autre politique que sa galanterie ; lui-même, il s’avoue tel involontairement, lorsqu’il nous dit que la secrète approbation de la Reine, les « marques d’estime et d’amitié » de Mlle de Hautefort, la reconnaissance de Mme de Chevreuse l’ont trop bien payé de ses disgrâces[55].

Aussi le voyons-nous supporter « avec quelque douceur[56] » un nouvel exil de deux ans à Verteuil. Là où un homme d’action véritable eût rongé son frein, Marcillac prend volontiers son parti : « J’étois jeune, dit-il,… j’étois heureux dans ma famille, j’avois à souhait tous les plaisirs de la campagne ; les provinces voisines étoient remplies d’exilés, et le rapport de nos fortunes et de nos espérances rendoit notre commerce agréable[57]. « Au reste, l’exil ne paraît pas avoir été bien rigoureux : dans une lettre à son oncle, M. de Liancourt[58], notre auteur, nous apprend qu’il vint à Paris en septembre 1638, pour les affaires de la succession de sa belle-mère, Mme de Mirebeau ; c’est à ce voyage que se place une réclamation de pierreries par Mme de Chevreuse[59].

De retour à l’armée, en juin 1689, il se distingue, entre les volontaires de qualité, par sa valeureuse conduite, aux combats de Saint-Venant-sur-Lys et du fort Saint-Nicolas (le 4 et le 24 août)[60] ; si bien que le Cardinal, après l’avoir puni, songe à le récompenser : le maréchal de la Meilleraye lui offre, de sa part, « de le faire servir de maréchal de camp'[61]. » Un mérite militaire même plus haut que celui de

Marcillac se fût tenu pour l’heure satisfait ; cependant, après avoir consulté la Reine, il refuse, pour rester libre de comploter contre Richelieu. Dans ce métier de conspirateur, il a encore, il est vrai, certains scrupules qui sont à l’honneur de sa loyauté. Il n’entre pas dans l’odieux complot que, peu de temps après, Cinq-Mars ourdit contre le Cardinal, son bienfaiteur. Si, à un certain moment, il s’est trouvé, comme il dit[62], dans les intérêts de Monsieur le Grand, qu’il n’avait presque jamais vu, c’est uniquement comme ami de l’infortuné de Thou[63]. Étranger à l’affaire même, il se mêle, en homme de cœur, dans ses suites : il fournit à Montrésor, un des conjurés les plus compromis, les moyens de se soustraire à la vengeance de Richelieu ; il prête également son assistance au comte de Béthune, accusé, bien qu’à tort, d’avoir trahi ses complices. On le voit, dès qu’il s’agit de déployer du courage et de servir ses amis, Marcillac ne boude jamais : il a beau prévoir le péril, il est toujours prêt aux « rechutes » par la « nécessité indispensable » de faire son devoir de gentilhomme tel qu’il le comprend[64].


Richelieu mourut le 4 décembre 1642[65], et l’on prévoyait que le Roi ne survivrait guère à son ministre. Toutes les ambitions, rompant leurs chaînes, s’élançaient d’avance dans la lice ; les unes tenaient pour la Reine, les autres pour Gaston d’Orléans, à qui Louis XIII destinait la Régence. Par ses précédents, par ses goûts et aussi par ses espérances, qui n’avaient pas encore été déçues, Marcillac appartenait au parti d’Anne d’Autriche. Il offrit donc ses services à la Reine, et lui proposa de s’unir à la maison de Condé contre Monsieur. Dès ce mois de décembre même, nous le trouvons à Paris, et, aux fêtes de Noël, il assiste, à Beaumont, chez M. de Harlay, à ce dîner qui fit grand bruit, et dont les convives reçurent bientôt le nom d’Importants[66].

Jusqu’alors simple porteur de paroles ou de messages de femmes, il voyait son rôle grandir ; il avait trouvé l’emploi le plus propre à sa nature ; car, si les affaires générales, comme dit Retz[67], ne furent jamais son fort, il avait, en revanche, la plupart des qualités qui font ce qu’on appelait au dix-septième siècle une « personne de créance, » et par lesquelles on mène à bien une négociation particulière : des manières polies et engageantes, un grand fonds de réflexion, de la finesse, bien qu’un peu subtile, de l’insinuation, « cet esprit de pénétration et d’habileté, » dont parle Mme de Motteville[68]. Aussi réussit-il, avec l’aide de Coligny, il est vrai, dans cette première campagne diplomatique, où tout fut résolu en paroles, sans conditions écrites. La Reine s’engageait par devant les deux négociateurs à réserver pour Monsieur le Prince « tous les emplois dont elle pourroit exclure Monsieur sans le porter à une rupture ouverte[69]. » Cette union avec les Coudés ne fut pas du reste trop malaisée à conclure ; car d’abord, avec de l’argent, on pouvait tout sur le père, qui, après avoir vécu jadis pour l’ambition, ne vivait plus désormais que pour l’avarice ; puis la mère, Madame la Princesse, avait un attachement de reconnaissance à la Reine, qui lui avait rendu les biens confisqués sur son frère, le malheureux duc de Montmorency, décapité à Toulouse ; quant à la sœur du duc d’Enghien, Mme de Longueville, toute aux charmes de sa beauté et de son esprit, charmes qu’un livre célèbre a vantés avec complaisance[70], elle ne connaissait encore d’autres manœuvres et d’autres intrigues que celles de la coquetterie[71].

Marcillac, en récompense du mouvement qu’il se donne, a-t-il enfin la satisfaction d’être en vue et au premier rang ? Non ; le devant du théâtre, dans cette nouvelle période, appartient encore à un autre : c’est le duc de Beaufort, personnage d’un mérite inférieur au sien, mais plus populaire par ses qualités et par ses défauts mêmes, qui attire les regards de la foule, et à qui, sur l’ordre de la Reine, il est obligé de s’unir[72]. Par une malechance qui n’étonne plus quand on a bien analysé son caractère, la Rochefoucauld, à aucun moment de sa vie politique, n’emplira la scène, comme Retz, ou comme Mme de Longueville ; il fera très-belle figure dans les groupes d’élite, il n’occupera jamais le cadre à lui seul ; toujours à la suite de quelqu’un, il restera lui-même sans escorte.

Les choses étaient nouées de la sorte lorsque le Roi mourut, le 14 mai 1643, jour anniversaire de son avènement. Le Parlement se hâta de casser le testament qu’il avait laissé, et, du consentement de Monsieur et des Condés, il donna la Régence à la Reine. Le soir même, Mazarin, sortant tout à coup de l’ombre, était nommé chef du Conseil. Ce dut être un moment de vif déplaisir pour tous ceux qui s’étaient flattés de l’espoir d’une haute faveur. Personne cependant n’était encore découragé, La Reine était « si bonne ! » elle prodiguait à tous de si rassurantes promesses ! Elle ne les plaignait point en particulier à Marcillac : « Elle m’assura plusieurs fois, dit-il[73], qu’il y alloit de son honneur que je fusse content d’elle, et qu’il n’y avoit rien d’assez grand dans le Royaume pour me récompenser. » Il fout l’avouer, l’expression de cette reconnaissance de cour dépassait quelque peu la mesure des services rendus par notre héros, et cette disproportion même eût averti un homme moins satisfait de lui-même ou d’un sens plus rassis. Cet ambitieux, qui, en ce moment, semble être à l’affût, va-t-il du moins saisir l’occasion et presser sa fortune ? Non. Il ne demande rien tout d’abord, ou, s’il demande quelque chose, c’est la grâce de Miossens, en fuite depuis son duel avec Villandry, et le retour de Mme de Chevreuse. Et ici se montrent, singulièrement mêlés et confondus l’un dans l’autre, les deux hommes qui étaient en lui. La cour était partagée entre Beaufort et Mazarin ; la Reine ne s’était pas encore prononcée, et les mécontents espéraient que le retour de Mme de Chevreuse viendrait jeter dans la balance le poids vainqueur d’une ancienne intimité. Si Marcillac en jugeait ainsi, c’était un coup de politique adroit que d’obtenir le rappel de la remuante duchesse ; mais Marcillac confesse qu’il ne se faisait pas sur ce point la moindre illusion : il avait pénétré le cœur d’Anne d’Autriche, et il y voyait décliner chaque jour le crédit de Mme de Chevreuse. Il insiste toutefois sur sa requête, et, au risque d’aigrir la Reine, il prend celle-ci par l’honneur et la bienséance, qui défendent aux personnes royales, non moins qu’aux simples particuliers, d’avoir l’air de sacrifier tout d’un coup de vielles affections. Il lui arrache enfin la permission d’aller au-devant de la duchesse[74], qu’il rencontre à Roye le 12 juin 1643. Comme font d’ordinaire les exilés, Mme de Chevreuse revenait sans avoir ni rien oublié ni rien appris. Marcillac, avec ces habiles réticences qui ménagent l’avenir, lui donne des avertissements pleins de sagesse et d’opportunité ; il la prie de ne point trop s’étonner de ce qu’elle va voir : les temps sont bien changés ; désormais il s’agit, non plus de gouverner la Reine, mais de lui plaire, de suivre ses goûts, et de ne pas résister de front à Mazarin, qui est, après tout, l’homme le plus probe et le plus capable qui soit à la cour. Puis il ajoute qu’il sera toujours temps de le combattre, s’il vient à manquer à son devoir : ce qui signifie vraisemblablement, dans la bouche de ce mentor d’occasion, si le Cardinal ne compose pas, comme il convient, avec la tourbe des ambitieux.

À voir la docilité avec laquelle la duchesse écoute ces prudents avis, il semblerait que Marcillac va être dorénavant son guide et son tuteur ; mais il y fallait une force continue d’initiative qui n’était point dans la nature de ce dernier ; il fallait aussi, tout au moins, qu’il payât d’exemple : or, à quelque temps de là, ce beau donneur de conseils se trouve engagé lui-même, presque au dépourvu, à la remorque de la duchesse, dans la cabale des Importants. Cette fois encore, s’il l’en faut croire, il ne péchait ni par erreur ni par engouement : il jugeait mieux que personne tous ces gens « dont l’ambition et le dérèglement étoient si connus[75], » et dont l’exigeant orgueil ne pouvait, selon la maxime que plus tard son expérience lui dictera, convenir avec l’orgueil de leurs bienfaiteurs du prix des bienfaits[76]. Mais, dit-il, « pour mon malheur, j’étois de leurs amis[77]. » En même temps, sur les instances de la Reine, il consent à voir le Cardinal[78] ; mais il y met des conditions qui, pour être d’un galant homme, ne laissent pas d’être assez naïves chez un ambitieux[79]. Par cette conduite ondoyante et bigarrée, il trouve moyen de froisser la Reine et de se rendre suspect à ses ombrageux amis les Importants, sans rien gagner, d’autre part, auprès d’un ministre qui, séduisant à la fois l’esprit et le cœur, entrait chaque jour plus avant dans la faveur d’Anne d’Autriche. Marcillac estimait-il donc, comme tant d’autres à ce moment, que le crédit de Mazarin n’était qu’éphémère ? Loin de là : s’il ne se targue pas dans ses Mémoires d’une clairvoyance venue après coup, il avait deviné que la puissance du Cardinal ne ferait qu’aller en se consolidant ; mais, outre que l’indécision dans les idées était le fond de sa nature, il avait lui-même le travers qu’il relève si sévèrement chez ses compagnons d’intrigue : il s’exagérait sans cesse son importance et ne pouvait jamais tomber d’accord de la récompense due à ses mérites. Il prétendait que Mazarin vînt à lui ; mais Mazarin, en vrai politique, allait d’abord au plus pressé, c’est-à-dire à ceux de ses adversaires qu’il jugeait les plus redoutables, Avec quelle habileté, par exemple, il se hâte d’attaquer de son doux parler et de ses caresses simulées Mme de Chevreuse ! comme il affecte de rendre à la galante duchesse, alors âgée de quarante-cinq ans, ces tendres respects qui séduisent davantage les femmes à mesure qu’elles les sentent devenir plus rares ! comme il feint de se prendre à ses pièges, pour la mieux attirer dans les siens[80], sans craindre de lui laisser pour un temps ces vaines apparences de crédit dont s’enivrent, aveugles jusqu’à la fin, les incorrigibles ambitions ! Mme de Chevreuse, étalant un pouvoir qu’elle n’avait pas, sollicitait chaque jour pour elle et pour ses amis ; elle voulait que la Reine donnât à Marcillac le gouvernement de la place du Havre : du même coup, elle comptait s’acquitter ainsi envers son plus fidèle auxiliaire et se venger de la famille de Richelieu, aux mains de laquelle était ce gouvernement. La Reine y consentait[81] ; mais quelle apparence qu’en une affaire aussi grave on se passât de l’approbation du Cardinal ? Celui-ci ne refusa point[82] : seulement il louvoya selon sa coutume. Il convint que la Reine avait sujet de « faire des choses extraordinaires[83] » pour un serviteur aussi dévoué que le prince de Marcillac ; en aucun cas cependant sa bonté ne devait aller jusqu’à dépouiller la famille de Richelieu. Là-dessus il fit proposer à Marcillac la charge de général des galères, puis celle de mestre de camp des gardes à la place du maréchal de Gramont, puis la survivance du duc de Bellegarde dans les fonctions de grand écuyer, enfin, un peu plus tard, la succession de Gassion comme mestre de camp de la cavalerie légère. Mais toutes ces offres, ou ne donnaient à Marcillac que des espérances éloignées, partant incertaines, ou allaient à déposséder des gens que, par reconnaissance ou scrupule, il voulait et devait ménager : il refusa donc ce qu’il ne pouvait accepter, et ce fut un beau succès pour l’artificieux cardinal, qui d’ailleurs s’entendit toujours à gagner du temps et à mettre dans son jeu les qualités de ses adversaires aussi bien que leurs défauts. Avec ce noble désintéressement, Marcillac se laisse amuser et néglige de saisir à point les occasions de sa fortune. Peut-être aussi visait-il plus haut, par une de ces ambitions si déraisonnables qu’elles ne sont pas même soupçonnées[84] ; mais des Mémoires, quelque sincères qu’on les suppose, ne poussent jamais à fond la sincérité, et la Rochefoucauld, dans les siens, a beau se vanter d’avoir mesuré le premier la puissance du Cardinal son ennemi, il est permis de croire qu’un reste d’illusion entretenait en lui de vagues espérances qui allaient au delà d’une charge de grand écuyer ou de mestre de camp. En tout cas, il ne veut point quitter la place, ni s’éloigner de la Reine : il supplie celle-ci de ne l’établir « que dans ce qui seroit utile à son service particulier[85]. » Mais, depuis que Mazarin était auprès d’elle, Anne d’Autriche voyait de moins en moins la nécessité d’accaparer le dévouement et la personne du chevaleresque Marcillac.

Sur ces entrefaites eut lieu le fameux incident des lettres trouvées chez Mme de Montbazon[86], et que la malignité de cette dernière fit attribuer un instant à Mme de Longueville. Il est inutile de revenir, après V. Cousin[87], sur les détails de cette curieuse affaire, qui, amenant la disgrâce de Mme de Montbazon, poussa Mme de Chevreuse, Beaufort et les Importants à un maladroit complot contre le Cardinal ; il suffira de dire que Marcillac, qui avait alors « peu d’habitude avec Mme de Longueville[88]. » s’entremit dans cette aventure avec des façons de parfait gentilhomme, propres à prévenir en sa faveur la belle et sensible duchesse, dont Coligny passait, à cette époque, pour le soupirant agréé. Mais tout l’avantage qu’il gagna de ce côté, il le perdit de l’autre ; car le Cardinal, qui venait de reléguer à Tours Mme de Chevreuse, le mit en demeure de sortir de son attitude expectante, en le réduisant à la nécessité de déplaire à la Reine ou d’abandonner la duchesse son alliée. Marcillac aima mieux se perdre une seconde fois, c’est lui-même qui le dit[89], que d’être infidèle à ses premiers engagements ; il ajoute, avec tristesse, que sa constance ne fut pas mieux récompensée plus tard par Mme de Chevreuse qu’elle ne l’avait été auparavant par la Reine. Aussi, un jour, la plume à la main, déduisant une dizaine de maximes générales de ses expériences personnelles, il niera intrépidement la reconnaissance[90].

C’est dans le même temps que, par ennui[91], il se met assez étourdiment à la suite d’un de ses amis, le comte de Montrésor, et se laisse imposer par lui des façons très-impertinentes à l’égard de l’abbé de la Rivière, favori du duc d’Orléans, et que, quelques années après (1649), s’il faut en croire Mme de Motteville[92], ce prince, et surtout les Coudés, et Marcillac lui-même, songèrent, un moment, à substituer à Mazarin. Après avoir ainsi blessé Monsieur, il demande à Montrésor la permission d’être plus poli avec la Rivière, et ne réussit qu’à offenser Montrésor sans apaiser Monsieur. Le voilà donc, par un scrupule de galant homme, si l’on veut, mais aussi par faiblesse et tout à la fois par un singulier défaut de conduite, compromis avec l’oncle du Roi et brouillé avec un de ses propres amis et des meilleurs. Aussi, plus tard, traduisant en une cinquantaine de maximes générales ces épreuves et ces accidents de sa vie, il niera intrépidement l’amitié[93], comme il a fait la reconnaissance, et il essayera d’expliquer et de couvrir ses mécomptes en affirmant que c’est par ses défauts bien plus que par ses qualités qu’on fait son chemin dans le monde[94].

Un instant (1645), las de sa « fortune désagréable » et des déconvenues de son ambition, il songe à laisser de côté les intrigues pour « s’attacher à la guerre[95] ; » mais déjà il est trop tard : il a rebuté toutes les bienveillances par ses bouderies et ses refus. La Reine traite cet incommode ami comme elle a traité Mme de Chevreuse ; elle lui refuse les mêmes emplois militaires que, trois ou quatre ans auparavant, elle l’avoit empêché d’accepter du cardinal de Richelieu. Marcillac, blessé dans son amour-propre par « tant d’inutilité et tant de dégoûts[96], » se résout alors à ne plus se contenter de bouder et à prendre hardiment « des voies périlleuses pour témoigner son ressentiment. »

Cette voie, il se vante, après coup, de l’avoir trouvée dans sa liaison avec Mme de Longueville, laquelle lui apportait en même temps cette gloire, comme on disait alors, à savoir ce bruit et cet éclat, dont il était surtout épris. V. Cousin nous a raconté cet épisode de l’histoire du dix-septième siècle avec une partialité éloquente autant que sincère[97] ; personne n’ajoutera rien, après lui, à la peinture flatteuse de Mme de Longueville. Les fautes même de cette brillante héroïne de la Fronde, il a eu soin de l’en décharger pour les faire peser sur la Rochefoucauld. C’est la pente où glisse forcément le panégyrique, et, si la vérité n’y trouve point son compte, l’intérêt et l’art y gagnent à coup sûr. Sans trop faire ombre au tableau que V. Cousin nous a présenté, peut-être y a-t-il moyen de mettre en meilleure lumière la personne de la Rochefoucaud.

En 1646, Mme de Longueville était âgée de vingt-sept ans, et déjà, nous l’avons vu, en bien comme en mal elle avait fait parler d’elle. Les jeunes membres de la famille des Coudés portaient une grande vivacité dans leurs mutuelles affections, si bien que, d’un côté, l’attachement du prince de Conty pour sa sœur, et, d’autre part, celui de Mme de Longueville pour le duc d’Enghien ne laissaient pas de donner lieu à de méchants propos. La duchesse avait montré, de bonne heure, une ardente imagination, qui, tournée d’abord vers les choses du Ciel, fut ramenée ensuite impétueusement vers le monde. À l’époque où Marcillac commença ses assiduités auprès d’elle, elle semblait avoir ajourné le soin de son salut. Elle et lui avaient alors plus d’un trait commun dans l’esprit et le cœur : ils étaient épris tous deux des beaux sentiments, engoués du sublime des passions, tous deux d’abord généreux et naïfs jusqu’en leur ambition. Leurs défauts les rapprochaient non moins que leurs qualités ; manifestement sincères au début, ils furent également dupes peut-être de l’idée imaginaire et surfaite qu’ils avaient prise l’un de l’autre. Il est vrai que la Rochefoucauld, dans ses Mémoires[98], semble venir lui-même à l’appui de la thèse soutenue par V. Cousin : il affecte de se donner pour un roué qui a savamment machiné d’avance le théâtre de son ambition, et qui n’a cherché dans l’amour d’une princesse du sang, telle que la sœur du grand Condé, qu’un instrument, et, comme dit Retz[99], qu’un « hausse-pied » de sa fortune. N’en déplaise au duc lui-même, l’auteur de tant de maximes sur l’amour n’a point porté d’un cœur si léger cet illustre attachement : le prendre au mot sur ce point, ce serait trop de déférence pour la lettre écrite. Lui-même a laissé percer la vérité dans des aveux significatifs, dont le sens est encore éclairci par des témoignages contemporains : « Un honnête homme, dit-il, peut être amoureux comme un fou, mais non pas comme un sot[100]. » Or, sa liaison avec la duchesse ayant mal tourné, il aurait craint, en avouant qu’il a été l’un, de paraître avoir été l’autre. Ce qui domine chez lui, c’est le soin de sa considération : il n’est occupé qu’à se couvrir, qu’à sauver, aux yeux du monde, son personnage. Puis il aime mieux calomnier son cœur que de faire tort à son jugement. Mme de Sévigné, qui le connaissait bien, dit qu’il ne redoutait rien tant que le ridicule[101], et lui-même a écrit cette phrase : « Le ridicule déshonore plus que le déshonneur[102]. » C’est pourquoi il veut qu’on sache que les circonstances et les personnes ont pu manquer à ses desseins mais que du moins il ne s’est pas manqué à lui-même ; il veut donner à entendre que, si sa noble amie et les hommes l’ont déçu, il ne s’est pas trompé lui-même ; que, si l’amour lui fut infidèle, il en a pris son parti d’autant mieux que l’amour, pour lui, était le moyen et non le but. De cette froideur et force d’âme il a réussi à persuader jusqu’à ses amis intimes. Mme de Motteville, qui sans doute l’aimait peu, n’est pas seule à dire de lui[103] : « Ce seigneur qui étoit peut-être plus intéressé qu’il n’étoit tendre. » Mme de Sévigné, qui le goûtait fort et l’avait beaucoup pratiqué, rend le même témoignage : « Je ne crois pas que ce qui s’appelle amoureux, il l’ait jamais été[104]. » Mais, à y regarder de près, cette vanterie d’insensibilité paraît peu d’accord avec les faits. Assurément, dans le plein mouvement de la Fronde, quand le premier enivrement de la passion et de la vanité fut quelque peu apaisé, l’ambition et le calcul furent aussi de la partie ; mais la Rochefoucauld n’eut pas dès le début ces arrière-pensées dont il fait parade, et surtout elles ne furent pas son principal et unique mobile. Voyons-le pendant la période qui suit immédiatement la liaison. Agit-il ? Non. Est-ce bien la conduite d’un intrigant « au long espoir et aux vastes pensées, » qui, sûr désormais d’un auxiliaire puissant, donne hardiment le coup d’épaule à sa fortune ? N’est-ce pas plutôt l’indolence d’un amant satisfait, tout aux douceurs de l’heure présente ? Il n’y a pas à en douter, il a aimé passionnément Mme de Longueville ; celle-ci a été la seule affection ardente et opiniâtre de sa jeunesse ; il a souffert cruellement de l’avoir perdue ; il a tant souffert qu’il s’est vengé. L’image de la duchesse est restée longtemps au fond de son cœur blessé, et c’est la douce et sereine Mme de la Fayette qui eut plus tard cette plaie à panser. Qui donc, sinon Mme de Longueville, aurait initié la Rochefoucauld à toutes les tortures de la jalousie, tortures qu’il a si longuement et si minutieusement analysées dans ses Maximes[105] ? On ne trouve pas de tels enseignements dans les badinages et les passe-temps littéraires des salons et des ruelles. Où est d’ailleurs ce prétendu renfort prêté par Mme de Longueville à l’ambition de la Rochefoucauld ? A-t-il tiré plus de profit véritable de cette tendresse passionnée que des bienveillantes dispositions de la Reine ou de l’intérêt sans cesse agissant de Mme de Chevreuse ? Loin de l’avoir avancé auprès de Condé, cette liaison semble plutôt lui avoir nui. Il est certain qu’elle ne plaisait pas à Monsieur le Prince, et, malgré les services dévoués et effectifs de la Rochefoucauld, il n’y eut jamais, tant que dura la Fronde, entre celui-ci et Condé une entière communication d’esprit, ni ce qu’on appelle une intimité à cœur ouvert. Enfin ce qui, à nos yeux, malgré bien des jugements contraires, achève de détruire l’hypothèse qui prête à la Rochefoucauld de longues visées d’ambition et veut que sa liaison avec Mme de Longueville ait été affaire d’intérêt plus que de sentiment, c’est que jamais, comme nous le dirons dans un instant, il ne fut plus près de s’accommoder avec Mazarin qu’au moment même où se nouait son commerce affectueux avec la duchesse.

Il est vrai que les contemporains (nous avons déjà tout à l’heure commencé à les entendre) témoignent diversement sur ce point ; mais peut-être, en cette matière délicate, les contemporains ne sont-ils pas les plus aptes à juger. Un des passages les plus remarquables, à tous égards, des Mémoires de Mme de Motteville, est celui où elle nous peint Mme de Longueville et parle de ses relations avec la Rochefoucauld[106]. Il commence par ces lignes où, sans être nommé, le duc est très-clairement désigné : « Son âme (de la princesse), capable des plus grands desseins et des plus fortes passions, s’étant laissé enchanter des illusions du plus haut degré de gloire et de considération auquel la fortune la pouvoit mettre, suivit, avec un peu trop de complaisance, les conseils d’un homme qui avoit beaucoup d’esprit, et qui l’avoit fort agréable ; mais, comme il avoit encore plus d’ambition, il s’étoit peut-être attaché à elle autant par le dessein de s’en servir pour se venger de la Reine, pour chasser son ministre, et venir ensuite à toutes les choses dont l’esprit humain se peut flatter, que par la seule passion qu’il eût pour elle… » La duchesse de Nemours, fille d’un premier mariage du duc de Longueville, et qui n’avait aucune raison de se montrer tendre pour sa belle-mère, ne laisse échapper aucune occasion de médire de celle-ci dans ses Mémoires. Elle déprécie avec une sévérité malveillante sa capacité et son caractère, et, pour la mieux rabaisser, elle prend plaisir à vanter la supériorité d’esprit de celui qui l’inspire, tout en ne lui prêtant, à lui aussi, que de méprisables vues d’intérêt[107], en affirmant qu’il ne pensait qu’à lui-même et que « son compte lui tenoit d’ordinaire toujours lieu de tout[108]. » Elle « savoit très-mal, nous dit-elle, ce que c’étoit de politique[109], » tandis que lui est « fort habile[110], » est « politique[111], » cf d’un meilleur sens[112] » qu’elle. Il la gouvernoit, la « gouvernoit absolument[113]. » « Depuis qu’il cessa de la conseiller, elle parut ne savoir plus ce qu’elle faisoit[114]. » La duchesse de Nemours accuse formellement Marcillac d’avoir entraîné Mme de Longueville dans la Fronde : « Ce fut la Rochefoucauld qui insinua à cette princesse tant de sentiments si creux et si faux. Comme il avoit un pouvoir fort grand sur elle, et que d’ailleurs il ne pensoit guère qu’à lui, il ne la fit entrer dans toutes les intrigues où elle se mit que pour pouvoir se mettre en état de faire ses affaires par ce moyen[115]. » De ces deux jugements, de Mmes de Motteville et de Nemours, on peut rapprocher celui de Montglat, qui assurément exagère fort l’influence politique de la Rochefoucauld, quand il nous dit dans ses Mémoires (tome II, p. 147), au début de la rébellion : Mme de Longuealle « étoit de cette cabale, de laquelle le prince de Marcillac étoit le premier mobile. » On peut aussi comparer le témoignage de Lenet, ami particulier de notre auteur, qui affirme, d’une part (p. 195), que la sœur de Condé « avoit une entière créance à son habileté, » et (p. 204) qu’il était « l’arbitre de tous ses mouvements ; » puis, d’autre part, nous le représente (p. 223) « tout plein d’un désir passionné de sacrifier ses intérêts et sa vie au service de la duchesse de Longueville. » La Rochefoucauld lui-même, si nous en croyons Retz[116], était loin de convenir que ce fût lui qui eût entraîné la princesse. Retz lui fait dire, dans un moment, il est vrai, où il nous le montre, après le combat du faubourg Saint-Antoine, « très-incommodé de sa blessure et très-fatigué de la guerre civile, » qu’il n’y est « entré que malgré lui, et que si il fût revenu de Poitou deux mois devant le siège de Paris, il eût assurément empêché Mme de Longueville d’entrer dans cette misérable affaire. » Mais le Cardinal mérite-t-il grande confiance quand il parle d’un homme qui le hait, dit-il[117], et qu’il paye de retour[118] ? Il affecte de ne le pas prendre au sérieux : lorsque, à l’endroit précité de ses Mémoires (p. 171 et 172), il rappelle le temps où la princesse trônait à l’Hôtel de Ville, il s’exprime, au sujet de son adorateur, d’une façon aussi légère que méprisante, se bornant à répéter un aparté, une ironique allusion à l’Astrée, qu’il s’était permis, à cette époque, contre ce dernier, dans la chambre même de Mme de Longueville. Retz avait eu lui-même, dit Guy Joli[119], « des sentiments fort vifs et fort tendres pour Mme de Longueville, » et « il regardoit le prince de Marcillac comme son rival. » Au reste, Guy Joli ne prête aussi à celui-ci que des motifs intéressés. Son vrai mobile, c’est l’espoir « qu’étant, comme il étoit, dans les bonnes grâces de la duchesse, il lui seroit aisé de tirer (de cette liaison) de grands avantages pour lui, quand il seroit question de traiter et de s’accommoder avec la cour[120]. »

Il y a presque unanimité, on le voit, sur les vues intéressées de Marcillac ; Lenet, un fidèle et constant ami, fait seul exception et parle de dévouement. Pour le degré d’habileté et d’influence sur la duchesse, l’accord est moindre. Après avoir dédait des faits mêmes notre avis sur ce que fui cette liaison fameuse d’amour et d’ambition, nous avons cru que le lecteur nous saurait gré de mettre sous ses yeux, comme éléments d’appréciation, les jugements que nous en ont laissés quelques témoins du temps même. Reprenons maintenant notre récit.

Grâce à son père, qui savait mieux que lui se ménager à la cour, Marcillac avait obtenu la permission d’acheter, du comte de Parabère, le gouvernement du Poitou[121] ; faveur dérisoire, selon l’Apologie : on lui vendait « trois cent mille livres » ce que son père « avoit été contraint de bailler pour deux cent cinquante. » Et le brevet encore ne lui fut expédié que plusieurs mois après[122], sur les instances toutes-puissantes du victorieux duc d’Enghien, qu’il avait, comme volontaire, rejoint en Flandre[123]. Il est permis de croire que la présence de Mme de Longueville à Munster, où son mari négociait la paix de Westphalie, avait accru son désir de faire cette campagne. C’est le 20 juin 1646 que la duchesse quitte Paris, pour aller en Allemagne, et le 28 du même mois, nous trouvons Marcillac à la prise de Courtray[124]. Toujours brave, mais toujours malheureux à la guerre, il figure parmi cette poignée de gentilshommes qui, à Mardick, le 13 août[125], soutient la vigoureuse sortie de deux mille assiégés, mais qui paye de son sang le plus pur cette opiniâtre résistance. On sait que l’impétueux Condé ne ménageait pas plus ses soldats ou ses officiers qu’il ne se ménageait lui-même. Le comte de Fleix, le chevalier de Fiesque restèrent sur la place, ainsi que le comte de la Roche-Guyon, « qui ne laissa, dit Gourville (p. 219), pour héritier de la maison de Liancourt, qu’une petite fille âgée d’un an et demi, » laquelle épousa, en 1659, François VII, fils de notre auteur, et lit passer dans la famille de la Rochefoucauld le titre de Liancourt[126]. Marcillac reçut, pour sa part, trois coups de mousquet[127]. Rapporté à Paris « dans un brancard[128], » il s’en va bientôt en Poitou : nous le voyons (avril 1647), guéri de ses blessures, faire son entrée à Poitiers[129], où le duc son père le présente aux magistrats comme leur nouveau gouverneur ; et quand l’agitation fomentée à Paris par les parlementaires, à la suite de l’emprisonnement de Blancmesnil et de Broussel au mois d’août 1648, menacera de gagner les provinces, il soutiendra dans son gouvernement, où l’avait envoyé un ordre de la Reine[130], la cause du Cardinal et de la cour.

C’est qu’à ce moment, et lui-même nous l’explique dans ses Mémoires et son Apologie[131], il était, tout en évitant, selon sa coutume, de s’engager sans retour, tombé d’accord avec Mazarin sur les clauses d’une soumission. Le ministre lui avait promis de mettre bientôt sa famille sur le même pied que celles des Rohan, des la Témoïlle, quelques autres encore, en lui réservant les premières lettres de duc qui seraient données et par conséquent le tabouret à sa femme[132]. II était parti sur cette assurance. Le Poitou commençait d’ailleurs à se soulever : des bureaux de recettes des deniers publics y avaient été pillés ; il pacifia les désordres et rétablit, « en moins de huit jours, l’autorité du Prince sans qu’il en coûtât la vie ni l’honneur à aucun de ses sujets[133]. »

Mais c’était Paris qu’il eût fallu pacifier, et il n’y avait plus le moindre espoir d’y réussir. Sans refaire ici l’histoire si connue des journées d’août 1648, nous ne chercherons à démêler dans ce mouvement que le rôle de la Rochefoucauld. Comment ce même homme, qu’on vient de voir si favorable à Mazarin, se retrouva-t-il, du jour au lendemain, dans le camp des Frondeurs ? C’est que le Cardinal l’avait joué. On avait fait une promotion de dues et pairs, et Marcillac n’en était point. Aussi, dans le premier bouillonnement de colère, se hâte-t-il d’accourir à Paris[134], sur l’appel de la duchesse de Longueville, qui l’informe du traité de Noisy et du plan général de guerre. Ici encore on ne voit point que Marcillac ait l’initiative ; la duchesse, il est vrai, réclame son intervention et ses conseils ; mais l’accord des Frondeurs s’est fait loin de lui et sans lui ; c’est Mme de Longueville, c’est Retz, c’est le Parlement qui ont tout rais en mouvement. Marcillac ne s’en réjouit pas moins de sentir qu’il lui reste encore des moyens de se venger. C’est l’histoire de tout ambitieux déçu : lorsqu’on n’a plus rien à espérer, on s’efforce de se faire regretter ou de se faire craindre ; mais il n’est pas au pouvoir de tous les rebutés d’exciter la crainte ou les regrets. Marcillac devait s’en apercevoir un jour.

C’était contre la volonté de son père qu’il était revenu à Paris : il est à peine besoin de le dire, après qu’on a vu François V dénoncer lui-même à Mazarin la présence de son fils au souper des Importants[135]. Il avait peu d’argent, dit Gourville (p. 220), « parce que, outre que sa famille n’en avoit guère, on auroit fort souhaité qu’il n’y fût pas retourné, » et le même Gourville nous conte par quel tour, un peu à la Scapin, il procura à son jeune maître les moyens de rester éloigné du Poitou.

Le rôle de notre héros, eu cette occurrence, est d’abord tout diplomatique ; il redevient, comme autrefois, porteur de messages : ou le charge de ramener dans la capitale le duc de Longueville et Conty, qui, par une résolution assez étrange, avaient suivi la cour dans sa fuite à Saint-Germain, et dont les allures paraissaient aux Frondeurs au moins très-suspectes. Marcillac va et vient entre cette ville et Paris. Gourville, son domestique, se mêle fort heureusement de l’affaire[136] ; les Princes, mis au pied du mur, se décident enfin, bien qu’un peu à contre-cœur. Quant à notre auteur, Mme de Motteville (Mémoires, tome II, p. 304) « ne doute pas qu’il n’allât gaiement au crime de lèse-majesté, et que ce voyage (le retour de Saint-Germain à Paris, dans la nuit du 9 au 10 Janvier) ne lui parût la plus belle et la plus glorieuse action de sa vie. » On sait le reste : l’évasion hardie de Beaufort du donjon de Vincennes, son arrivée à Paris, où le peuple l’accueille comme un libérateur, et le siège de la ville par Condé. Marcillac, bien que revêtu du titre de lieutenant général, joue avec dépit un rôle assez effacé ; ce n’est pas lui qui est en vue, c’est Beaufort, c’est d’Elbeuf, c’est Bouillon, c’est Retz ; c’est aussi la sœur de Condé, qui siège à l’Hôtel de Ville et même y accouche. Marcillac, en ces circonstances, n’a ni la supériorité du rang, ni celle du rôle, ni celle de l’habileté et de l’expérience : une chose lui reste en propre, sa bravoure[137], qui se prodigue dans les combats livrés autour de la ville. Atteint d’une grave blessure dans un de ces engagements[138], il ne prend point part à la fin de la lutte, que l’arrivée des auxiliaires espagnols donnait les moyens de prolonger, mais qui se termina néanmoins par la lassitude du Parlement et du peuple[139].

II

Une mousquetade « à bout touchant[140] », c’est tout ce que l’ambitieux Marcillac retirait de la première Fronde. La déconvenue dut lui paraître d’autant plus dure que presque tous les autres fauteurs du mouvement avaient soigneusement stipulé leurs avantages dans le traité de Rueil ; mais on ne tarda pas à connaître que cette paix boiteuse et mal assise n’était autre chose qu’une trêve armée. Condé, le sauveur de la cour et du Cardinal, faisait sonner bien haut ses services, et Mazarin, de son côté, avait pour maxime que la politique doit primer la reconnaissance. Obligé de rentrer à Paris, mais plein d’appréhension pour sa sûreté, l’adroit ministre travaille sans relâche à diviser les Frondeurs ; il s’efforce principalement de rendre Condé odieux au peuple, en le faisant passer pour l’auteur de tous les maux que le peuple a soufferts. Ses menées réussissent et la lutte s’engage vivement. Suspect en haut, impopulaire en bas, Monsieur le Prince se trouve pris, pour ainsi dire, entre l’enclume et le marteau. Impatient de sortir de cette situation intolérable, il s’imagine qu’il suffit de « faire peur » au Cardinal pour le dominer[141]. Il ne cesse dès lors de le heurter, de le desservir auprès de la Reine, ou d’exercer contre lui cet amer esprit de raillerie qui lui était naturel. Les occasions, à vrai dire, ne manquaient pas à sa vengeance. Mme de Longueville, sa sœur, n’était plus cette femme, presque uniquement occupée de coquetterie et d’intrigues galantes, qui naguère regardait derrière un rideau le duel de Guise et de Coligny ; elle était maintenant pleine d’ambition, ferme et résolue. Ce changement n’était-il dû qu’à l’influence de Marcillac ? Il est permis d’en douter ; tout au plus a-t-il contribué à mettre la belle duchesse dans le chemin de sa vocation. Mais, après avoir avivé le feu de son ambition naturelle, il eût été fort embarrassé de lui communiquer, par surcroît, cette fermeté politique qu’il ne posséda jamais lui-même. Mazarin ne s’y trompait pas ; il redoutait plus la duchesse que ses frères et surtout que la Rochefoucauld. Ce dernier ne laissait pas toutefois de se donner du mouvement : il est, à ce moment, l’intermédiaire par lequel s’entament les négociations des Frondeurs avec le duc d’Orléans. Toute cette agitation ne tarde pas à produire son effet. Condé, qui ne veut pas rester isolé entre la cour et la Fronde, se réconcilie avec les siens « et même avec Marcillac ; » mais, huit jours après, il se ravise, et croit plus conforme à ses intérêts de revenir vers le Cardinal. Que fait alors celui-ci ? Il entre habilement dans les vues de Monsieur le Prince, et, afin d’exciter de plus en plus ses prétentions, il feint d’avoir peur. La cour décide que désormais on ne donnera plus de gouvernements ni de charges sans l’approbation de Condé, de son frère Conty, de M. et de Mme de Longueville, et qu’on rendra compte à Monsieur le Prince de toute l’administration des finances. Par ricochet, Marcillac est pris au même piège : on affecte de le traiter comme un homme à craindre et à ménager[142] ; on lui accorde, sur les instances de Condé, les honneurs du Louvre ; mais on a soin de susciter en même temps une assemblée de la noblesse pour réclamer contre cette faveur et en imposer la révocation à la cour[143].

Ce désappointement fut cruel au protégé de Monsieur le Prince et à Monsieur le Prince lui-même, chez qui la méfiance reprit le dessus. Excité par Mme de Longueville, Condé retire tout à coup la parole qu’il avait donnée de consentir au mariage du duc de Mercœur avec une nièce de Mazarin. Ce fut le tour du Cardinal d’être irrité et désappointé : dès ce jour, l’arrestation et l’emprisonnement de Condé furent résolus dans son esprit, et c’est alors, comme dit la Rochefoucauld, qu’il « se surpassa lui-même[144]. » Tous les incidents ultérieurs, le coup de pistolet de Joli, l’attaque contre le carrosse de Monsieur le Prince[145], sont autant de machinations ourdies par le Cardinal afin de brouiller irrévocablement Condé avec les Frondeurs, et de l’amener à se livrer lui-même. Quand la rupture est complète, le vainqueur de Rocroy, son frère Conty et le duc de Longueville sont arrêtés au Palais-Royal, dans l’appartement de la Reine, et, le même jour, ils sont conduits à Vincennes[146]. On voulait arrêter en même temps Marcillac[147] et Mme de Longueville ; mais, avertis, ils s’étaient mis en sûreté[148]. La duchesse, accompagnée par Marcillac jusqu’à Dieppe, s’embarqua précipitamment, pour passer en Hollande, et celui-ci se retira dans son gouvernement du Poitou[149] pour s’y disposer à la résistance[150], et soulever ensuite la ville de Bordeaux, dont le parlement et le peuple, en haine du gouverneur, le duc d’Épernon, étaient mûrs pour la guerre civile.

Ainsi voilà une partie des Frondeurs unis à Mazarin contre les Princes, et Mircillac armé, dans cette seconde Fronde, pour ce même duc d’Enghien qu’il a combattu dans la première ; en somme, il est toujours dans le camp hostile au Cardinal, et par là il semble demeurer fidèle à lui-même ; tout au moins il continue de satisfaire son goût pour les aventures. Mais les affaires s’engagent mal pour le parti des factieux ; toutes les places des Frondeurs se rendent, les unes après les autres, sans résistance. Alors, comme il arrive d’ordinaire, les défections commencent de la part des plus avisés, et bientôt Monsieur le Prince a plus d’amis pour le plaindre qu’il n’en a pour le secourir. Cependant Bouillon tient dans la ville de Turenne,

et son frère dans Stenay, où se trouve Mme de Longueville, qui, à partir de ce moment, va se montrer l’impétueuse amazone de la Fronde. Quant à Marcillac, devenu, sur ces entrefaites, duc de la Rochefoucauld par la mort de son père (8 février 1650), il prend comme prétexte la cérémonie des obsèques paternelles, et, mariant adroitement ses devoirs de piété filiale avec le soin de la guerre civile, il appelle auprès de lui à Verteuil toute la noblesse du pays[151] ; mais il arrive trop tard pour se saisir de Saumur[152], déjà occupé par les troupes du Roi, et, après avoir jeté dans Montrond, la forteresse des Condés, quelques centaines d’hommes, il se retire à Bordeaux avec le duc de Bouillon (31 mai 1650).

Qu’on nous permette d’interrompre ici, un moment, le récit, pour placer à sa vraie date un portrait, « avant la lettre, » dit Sainte-Beuve[153], que Saint-Évremond a tracé du la Rochefoucauld de cette époque, dans son opuscule intitulé : Conversation avec M. de Candale, conversation qui est supposée tenue en 1650, mais qui ne fut en réalité rédigée que de 1655 à 1668 : « La prison de Monsieur le Prince a fait sortir de la cour une personne considérable que j’honore infiniment ; c’est M. de la Rochefoucauld, que son courage et sa conduite feront voir capable de toutes les choses où il veut entrer. Il va trouver de la réputation où il trouvera peu d’intérêt, et sa mauvaise fortune fera paroître un mérite à tout le monde, que la retenue de son humeur ne laissoit connoître qu’aux plus délicats. En quelque fâcheuse condition où sa destinée le réduise, vous le verrez également éloigné de la foiblesse et de la fausse fermeté ; se possédant sans crainte dans l’état le plus dangereux, mais ne s’opiniâtrant pas dans une affaire ruineuse, par l’aigreur d’un ressentiment, ou par quelque fierté mal entendue. Dans la vie ordinaire, son commerce est honnête, sa conversation juste et polie. Tout ce qu’il dit est bien pensé, et, dans ce qu’il écrit, la facilité de l’expression égale la netteté de la pensée[154]. »

Une fois dans la capitale de la Guyenne[155], la Rochefoucauld y déploie une énergie guerrière qu’il est impossible de méconnaître. Dans cette période il est avant tout soldat ; car la direction générale des affaires appartient au frère aîné de Turenne, un des politiques les plus capables de son temps. Malheureusement la défense de la ville était entravée par les cabales et les dissensions du peuple et du parlement ; puis on manquait d’argent, et cette détresse pécuniaire demeura le mal chronique de la Fronde. La princesse de Condé, retirée, elle aussi, à Bordeaux, ne donna d’abord que vingt mille francs, encore le fit-elle de mauvaise grâce et après toutes sortes d’atermoiements ; on avait, il est vrai, traité conclu avec l’Espagne ; mais l’Espagne n’entendait fournir que juste assez de subsides pour alimenter la guerre sans permettre de la terminer. La Rochefoucauld dit lui-même que le parti ne reçut en tout d’au delà des monts que deux cent vingt mille livres ; le reste fut pris sur le crédit de Madame la Princesse, du duc de Bouillon, de la Rochefoucauld et de Lenet[156]. Ce fut donc un dur et difficile moment à passer. Tandis que Mme de Longueville, pour défendre Stenay, engage ses pierreries en Hollande, la Rochefoucauld sacrifie généreusement sa fortune[157]. Le 9 août, il apprend que son château de Verteuil a été rasé par ordre de la cour. Lenet dit dans ses Mémoires (p. 332) : « Le 7 (août 1650)…, l’on sut (à Bordeaux) que l’on travailloit, par ordre de la cour, à démolir Verteuil, maison du duc de la Rochefoucauld. » La constance de celui-ci n’en paraît point ébranlée : il est heureux, au contraire, de pouvoir offrir ce sacrifice à la duchesse, qui, à l’autre extrémité de la France, combat si courageusement pour la même cause. Lenet dit un peu plus loin (p. 335) : « On fut assuré…, ce jour-là, que l’on continuoit la démolition du château de Verteuil, appartenant au duc de la Rochefoucauld, qui reçut cette nouvelle avec une constance digne de lui ; il sembloit en avoir de la joie pour inspirer de la fermeté aux Bordelois. On disoit encore que ce qui lui en donnoit une véritable étoit de faire voir à la duchesse de Longueville, qui étoit toujours à Stenay, qu’il exposoit tout pour son service[158]. » C’est la période héroïque de la liaison, ce point culminant où l’on ne demeure guère ; il semble bien qu’après une telle ardeur de mutuel dévouement, elle ne pouvait plus que se relâcher, qu’elle était en danger de se rompre d’un côté ou de l’autre.

Si la belle résistance de Bordeaux faisait valoir le courage de la Rochefoucauld et de Bouillon, elle n’avançait guère les affaires des Frondeurs. Les Espagnols ne se pressaient pas de tenir leurs promesses ; le Parlement se lassait ; le duc d’Orléans et les autres chefs de la Fronde comprirent qu’il valait mieux, pour sauver du moins les apparences, négocier plus tôt que plus tard, et l’accommodement avec la cour fut signé le 29 septembre 1650[159]. La Rochefoucauld, au lieu d’aider à la conclusion de la paix, y résista de tout son pouvoir, nous dit Mazarin dans une lettre à Mme de Chevreuse, où il le nomme, avec ressentiment, parmi ceux « qui ne se sont pas démentis de leur première conduite jusques au dernier moment[160]. » Au reste, à cette paix, il ne gagna que la permission de se retirer chez lui sans exercer sa charge de gouverneur du Poitou et sans nul dédommagement pour sa maison de Verteuil, qui n’était plus qu’un monceau de ruines. À quelque temps de là, Turenne, entré en France avec une armée espagnole, se faisait battre à Rethel (15 décembre 1650) par le maréchal du Plessis-Praslin, On le voit, si la Fronde ne grandissait pas les uns, en revanche, elle diminuait les autres. N’est-ce pas là, à toutes les époques, l’effet le plus ordinaire des guerres civiles ?

Toutefois, tant que les Princes n’avaient pas recouvré leur liberté, la lutte n’était pas finie. Aux combats suspendus, après Rethel, faute de combattants, avaient succédé les négociations secrètes ou publiques, et jamais on n’en avait vu d’aussi complexes. Le principal intermédiaire entre les diverses factions était Anne de Gonzague, l’intrigante Palatine, dont l’oraison funèbre sera plus tard pour Bossuet le plus délicat triomphe d’éloquence. Embarrassée dans les fils de sa trame, elle prend le parti d’appeler à son secours la finesse bien connue de la Rochefoucauld, qui, à Bordeaux même, et malgré la « netteté » de sa conduite[161], n’avait pu complètement s’abstenir de négocier, ou du moins d’essayer de négocier, s’exposant par là aux défiances, déjà éveillées[162], des Frondeurs[163]. Le duc se rend secrètement à Paris, et, caché chez la princesse, il travaille à débrouiller l’écheveau avec elle[164]. Cette fois encore, ce n’est donc pas lui qui marche en tête et dirige ; il est simplement à la suite, et à la suite d’une femme. Ses Mémoires nous exposent clairement les prétentions des divers mécontents. Les Frondeurs les plus avancés voulaient avant tout « la ruine entière du Cardinal, » à la place duquel Mme de Chevreuse, dont le prince de Conty devait épouser la fille eût rais M. de Châteauneuf. Cette solution radicale n’était pas du goût de la Rochefoucauld, qui n’aimait pas à s’engager trop avant et craignait toujours de trancher dans le vif. Il empêche donc la ratification du traité, et entre directement en relation avec le Cardinal. Mazarm et lui ont plusieurs entrevues mystérieuses, qui sont racontées avec complaisance dans les Mémoires[165]. Quel rôle flatteur pour sa vanité ! Voilà qu’il traite en personne avec Mazarin, de puissance à puissance, au nom de son parti. Tout se passe, il est vrai, dans l’ombre et sous le manteau ; mais il estime que son personnage, aux yeux des autres et aux siens, n’en est pas moins singulièrement rehaussé. Au fond, bien qu’il se croie un frondeur, il n’est ici qu’un important attardé, dont le rôle rappelle encore le fameux je ne sais quoi du portrait peint par Retz.

Il y avait eu précédemment, à Bourg, près de Bordeaux, une entrevue, publique celle-là et officielle, entre Mazarin et les ducs de la Rochefoucauld et de Bouillon. Elle « se fit en sortant de Bordeaux après l’amnistie, » dit (p. 226) Gourville, qui la ménagea ; « le jour de saint François (4 octobre), » ajoute (p. 413) Lenet, qui en fut témoin. C’est immédiatement avant, tandis qu’on se rendait en carrosse à la messe, que la Rochefoucauld avait fait au Cardinal la réponse demeurée célèbre : « Tout arrive en France. » Puis il avait regagné les ruines de Verteuil, le 6 octobre 1650. Ni Lenet, ni Gourville ne parlent dans leurs Mémoires du retour secret à Paris et de ces visites nocturnes, que Mme de Motteville elle-même (tome III, p. 266) dit ne tenir que de la bouche de la Rochefoucauld. Gourville a seulement cette phrase (p. 234) : « Je m’en retournai à Paris (1651) ; et M. de la Rochefoucauld y étant revenu quelque temps avant la liberté de Monsieur le Prince, alla au-devant de lui jusqu’à sept ou huit lieues du Havre. »

Toute cette diplomatie fut cependant en pure perte. Mazarin, qui sans doute présumait encore trop de ses propres forces, ne voulut point contracter d’engagement formel sur l’article fondamental, la liberté des Princes. Il se méfiait d’ailleurs de la franchise du négociateur. On lit dans les Mémoires de Lenet[166], qui, le soir de l’entrevue de Bourg dont nous venons de parler, eut un entretien particulier avec le Cardinal : « Il passa à me parler de la duchesse de Longueville et du duc de la Rochefoucauld, comme de gens dont il lui seroit malaisé d’avoir l’amitié, parce qu’ils n’en avoient, disoient-ils, que l’un pour l’autre. » Ainsi le duc se trouva rejeté forcément vers ceux des Frondeurs qu’il n’aimait point ou qu’il n’aimait plus, Châteauneuf, Retz, Mme de Chevreuse, auxquels le duc d’Orléans venait de se rallier. Quant à Mazarin, il paya cher cette défaillance de son habileté ordinaire : déclaré par le Parlement ennemi de l’État, il fut contraint de sortir, d’abord de Paris, puis du Royaume, abandonnant ainsi à elle-même la Reine régente. La Rochefoucauld fut chargé en personne de porter l’ordre de délivrance au Havre-de-Grâce : triomphe sans pareil, si le malicieux Cardinal ne l’en eût frustré au passage, en ouvrant lui-même aux Princes la porte de leur prison[167].

Le règne de Mazarin semblait donc à jamais fini, quand les Princes rentrèrent à Paris, le 16 février 1651, au milieu des acclamations de ce même peuple, qui, un an auparavant, avait fêté par des feux de joie leur arrestation. Si Condé avait été alors un habile politique, il eût profité du premier moment de surprise pour enlever toute autorité à la Régente, incapable de gouverner par elle-même. Mais, en ce cas, la direction des affaires revenait de droit a au duc d’Orléans, qui étoit entre les mains des Frondeurs, dont Monsieur le Prince, dit la Rochefoucauld, ne vouloit pas dépendre[168]. » Condé préféra donc laisser à la Reine son titre et ses pouvoirs, croyant qu’il lui suffirait de maintenir son alliance avec Monsieur et les Frondeurs pour forcer la cour à compter avec lui. Certes, si cette union des Princes et de la Fronde eût duré, la cour aurait couru grand risque de ne jamais reprendre barres sur ses adversaires ; mais, tandis que Mazarin, de sa retraite de Brühl, près de Cologne, continue de gouverner par messages la Reine et l’État, Condé trouve moyen de se fâcher avec tout le monde, et de rejeter les Frondeurs du côté de la Régente, en rompant, sans aucun égard, le mariage de Conty et de Mlle de Chevreuse[169], base principale du traité d’union. En vain, le duc de la Rochefoucauld, pour qui la faction et les factieux commençaient sans doute à perdre de leur attrait, s’ingénie, essaye de nouvelles combinaisons pour restaurer tant bien que mal les affaires de Condé auprès de la cour et du Cardinal : il acquiert la triste certitude qu’il s’est engagé, à la suite des Princes, dans une impasse véritable, d’où le point d’honneur lui défend de sortir à reculons. D’ailleurs cet arrangement, ce replâtrage, qu’il cherchait, Mme de Longueville n’en voulait point. La paix, c’était, pour elle, le retour en Normandie, près de ce mari dont elle avait peur, qui la rappelait avec des instances pleines de menaces. La guerre seule pouvait la sauver[170] : elle résolut que de nouveau la guerre éclaterait.

Nous voilà de plus en plus loin des débuts de l’illustre duchesse. Si la Rochefoucauld a donné le premier coup de fouet à cette nature audacieuse et remuante, il n’a pas gardé bride en main pour la retenir ou l’exciter à son gré ; naguère, en 1650, quand il signait à Bourg son accommodement, la fière princesse demeurait à Stenay, inexpugnable ; à présent, tandis que Monsieur le Prince lui-même hésite à jeter le gant une seconde fois, tandis que nous le voyons quitter, un moment, Paris pour se retirer à Saint-Maur, puis revenir anxieux de Saint-Maur à Paris, c’est sa sœur qui, prenant toute l’initiative, précipite les choses ; c’est elle qui répète, envers et contre tous, le cri forcené des Ligueurs dans la Satire Ménippée : Guerra ! Guerra ! Ni Bouillon, ni la Rochefoucauld, qui, selon le mot de Matha rapporté par Retz[171], « faisoit tous les matins une brouillerie, et… tous les soirs travailloit à un rabiennement (raccommodement), » ne sont à la hauteur de cette constance féminine, bien que le même Retz nous parle encore (juillet 1651) du « pouvoir absolu » que le duc avait sur l’esprit de Mme de Longueville[172]. Les Mémoires de ce dernier contiennent, à cette occasion, un passage fort remarquable, l’empli de philosophie et de vérité, et où plus d’une maxime se trouve en germe. Bouillon et lui, nous dit-il, « venoient d’éprouver à combien de peines et de difficultés insurmontables on s’expose pour soutenir une guerre civile contre la présence du Roi ; ils savoient de quelle infidélité de ses amis on est menacé lorsque la cour y attache des récompenses et qu’elle fournit le prétexte de rentrer dans son devoir ; ils connoissoient la foiblesse des Espagnols, combien vaines et trompeuses sont leurs promesses, et que leur vrai intérêt n’étoit pas que Monsieur le Prince ou le Cardinal se rendît maître des affaires, mais seulement de fomenter le désordre entre eux pour se prévaloir de nos divisions[173]. » Pour un homme qui avait déjà traité avec l’Espagne, et qui devait bientôt se rendre coupable de récidive, c’était montrer beaucoup de sagesse dans le raisonnement pour en mettre ensuite bien peu dans les actes : l’histoire est pleine de ces contradictions.

Cependant les deux partis, celui des Princes et celui de la Régente, à la tête duquel s’était mis Retz, désormais nanti du chapeau, se heurtaient, en toute rencontre, avec une aigreur et un fracas précurseurs de la guerre. Peu s’en fallut que la grande salle du Parlement ne devînt le premier champ de bataille. C’est dans une de ces séances orageuses[174] que le duc de la Rochefoucauld prit traîtreusement la tête de Retz dans une porte et le maintint dans cette position critique, donnant ainsi à ceux qui l’entouraient le loisir de tuer le prélat, pour peu qu’ils en fussent tentés. La Rochefoucauld rapporte lui-même le fait dans ses Mémoires avec ce calme froid qui rend l’aveu d’une violence plus odieux peut-être que la violence même[175]. Passons vite sur de tels actes qui nous paraissent aujourd’hui indignes d’un gentilhomme, mais que nous retrouvons fréquemment dans les anciennes histoires de nos troubles civils[176].

On ne racontera pas ici par le menu les incidents de cette troisième guerre intestine qui éclata, en 1652, par l’énergie de Mme de Longueville, au moment même où chacun, suivant l’expression de notre auteur, se repentait « d’avoir porté les choses au point où elles étoient[177], » et en voyait clairement l’horreur. La Rochefoucauld, retiré de nouveau en Guyenne avec les Condés, recommence, mais avec peu d’enthousiasme cette fois, une vie d’aventures sans éclat où devaient s’éteindre ses dernières illusions. Il aide Monsieur le Prince, non sans courir de grands risques, à réprimer la révolte des bourgeois d’Agen, et se fait, avec lui, ouvrir successivement deux barricades[178]. Puis il fait partie, avec son jeune fils Marcillac, de cet état-major choisi avec lequel Condé entreprend de traverser la moitié de la France, pour aller rejoindre sur la Loire l’armée du duc de Nemours. Ce voyage, dont il faut lire la relation, surtout dans les Mémoires de Gourville[179], fut plein d’émotions et de vicissitudes. Il s’acheva toutefois sans accident grave le 1er avril, et dès lors Condé, ayant pris le commandement en chef de l’armée, se trouva en face de Turenne. Le combat indécis de Bléneau, où ces deux illustres antagonistes rivalisèrent de talent et de coup d’œil, est demeuré fameux dans l’histoire ; la Rochefoucauld et son fils à peine adolescent s’y distinguèrent au premier rang[180]. « Il y a très-bien fait, » dit Monsieur le Prince, en parlant du père, dans une lettre qu’il écrivit le lendemain à Mademoiselle[181]. Quelques jours après (11 avril), Condé, toujours accompagné de la même escorte, était reçu triomphalement dans Paris, que la cour avait quitté depuis plus de trois mois. Si l’espérance de Monsieur le Prince, en rentrant dans la capitale, avait été de réunir en un faisceau les divers partis de la Fronde, il dut renoncer bientôt à cette illusion. Le Parlement avait beau mettre à prix la tête de Mazarin, chaque jour de répit profitait à la fortune du Cardinal et nuisait à celle des Frondeurs. À la première fumée d’enthousiasme avec laquelle les bourgeois avaient salué la venue du prince succédèrent des cabales et des intrigues, toutes nées de la lassitude de la guerre et du désir d’un accommodement. Condé lui-même, une fois à Paris, se prit à y respirer comme un

air nouveau ; le séjour de la capitale lui donna l’envie et l’espérance de la paix, et il se laissa « entraîner… dans cet abîme de négociations dont on n’a jamais vu le fond[182], » et qui était le moyen habituel de Mazarin pour perdre ses ennemis. On voulut adjoindre la Rochefoucauld aux ambassadeurs chargés de se rendre à Saint-Germain pour y débattre les intérêts des rebelles ; mais il s’excusa d’y aller en personne et confia cette tâche à Gourville. L’article 15 de l’arrangement proposé stipulait pour lui, outre le fameux brevet l’assimilant aux Rohan, une indemnité pécuniaire de cent vingt mille écus pour acheter le gouvernement de Saintonge et d’Angoumois ou tel autre à son choix[183]. Du bien public, pas un mot dans le traité : c’était à quoi songeaient le moins le duc et tous ceux qui faisaient leur paix. Cent vingt mille écus, ce n’était pas du reste trop pour lui, si l’on songe à tout ce qu’il avait perdu dans la guerre, à ses terres ravagées, à ses châteaux détruits, et aux sacrifices de toute nature qu’il avait dû s’imposer. Mais Retz, qui ne voulait point d’une paix où il n’entrait pas comme arbitre, sut si bien brouiller les cartes que la Rochefoucauld, fatigué de ces allées et venues et de ces vains pourparlers, donna ordre à Gourville d’y mettre un terme et de s’en tenir là[184].

Une femme (dans la Fronde les rôles les plus habiles ou les plus hardis semblent appartenir à des femmes) essaya d’éteindre cette guerre qu’une femme avait allumée : ce fut Mme de Châtillon, qui ne pardonnait pas à la duchesse de Longueville de lui avoir ravi, au passage, les tendres attenlions du galant duc de Nemours. Quelle fut la part respective de la politique et de la coquetterie en ces relations, d’ailleurs fort courtes, que la sœur de Condé eut avec Nemours, à Bordeaux, après le départ de la Rochefoucauld[185] ? Ce point délicat, que V. Cousin s’est obstiné à vouloir fixer, importe peu, après tout, à la postérité et à l’histoire. Il est certain que les apparences tout au moins condamnent Mme de Longueville : les contemporains ont pu blâmer la Rochefoucauld de n’avoir pas su pardonner ; ils n’ont pas dit que sa rigueur méritât le nom d’injustice[186].

Toujours est-il que le duc, cruellement atteint dans son amour-propre, saisit avidement l’occasion de se venger : ce fut, en somme, une vilenie ; mais, comme dit Mme de Sévigné, a-t-on gagé d’être parfait[187] ? ajoutons, surtout en amour ? que de gens perdraient la gageure ! On imagina un complot, où l’ancien amant de Mme de Longueville jouait un rôle qu’on ne peut guère expliquer qu’au moyen de circonlocutions euphémiques ; il servit d’intermédiaire officieux entre les trois personnages suivants : Mme de Châtillon, désireuse et fière de conquérir le camp de Condé ; Condé, impatient de capituler aux mains de la dame ; et Nemours, qui, bien que partie sacrifiée dans l’affaire, consentit cependant à cette triple alliance politique[188]. Mais cette stratégie n’eut pas l’effet qu’on en attendait : la Rochefoucauld en fut pour son entremise, le duc de Nemours pour sa complaisance ambitieuse, et le prince de Condé pour la terre de Merlou, dont il avait fait cadeau à la duchesse, sur les instances de la Rochefoucauld.

Cependant les troupes du Roi, commandées par Turenne et par d’Hocquincourt, tenaient le pays, prenant l’une après l’autre toutes les places des Frondeurs ; le duc de Lorraine, qui s’était engagé à combattre Turenne, se retirait sans coup férir, et bientôt Condé n’eut plus d’autre ressource que de tenter un coup désespéré. Ce fut le fameux combat du faubourg Saint-Antoine, que V. Cousin appelle avec raison « une héroïque et vaine protestation du courage contre la fortune[189]. » Dans cette journée du 2 juillet 1652, la Rochefoucauld, attaquant, avec son fils Marcillac, avec Beaufort, Nemours, et quelques volontaires, la barricade de Picpus, reçut une mousquetade en plein visage. Bien que sa blessure « lui fît presque sortir les deux yeux hors de la tête[190], » il se rendit néanmoins à cheval, tout couvert de sang, jusqu’à l’hôtel de Liancourt (rue de Seine[191]), exhortant le peuple à secourir Monsieur le Prince. Après quoi, dans un état déplorable, il se fit transporter à Bagneux.

Gourville rapporte (p. 266) que, « au sujet de cet accident, il fit graver un portrait de Mme de Longueville avec ces deux vers au bas :

Faisant la guerre au Roi, j’ai perdu les deux yeux ;
Mais pour un tel objet je l’aurois faite aux Dieux[192]. »

Quelque temps après (16 octobre), le prince de Condé, que Mademoiselle avait sauvé au dernier moment en ordonnant de tirer le canon de la Bastille sur les troupes du Roi, sortait de Paris, et, suivant sa fatale étoile, s’en allait en Flandre commander les troupes espagnoles. La victoire de Mazarin était complète ; on sait qu’il n’en abusa pas. Il retourna en exil, pour donner à l’animadversion générale le temps de s’apaiser ; six mois après seulement, le 3 février 1653, il rentra dans Paris. Le Roi y fit son entrée solennelle dès le 21 octobre 1652, et l’on se hâta de publier une amnistie portant les réserves ordinaires de ces actes d’abolition générale, c’est-à-dire excluant de la clémence accordée au menu fretin des coupables les fauteurs les plus redoutés de la rébellion. La Rochefoucauld se vit ranger parmi les factieux qui n inspiraient pas grande appréhension[193] : il fut admis à profiter des avantages de l’amnistie ; mais, bien que fort malade de sa blessure, il refusa par fierté la grâce qu’on lui voulait faire, aimant mieux suivre, s’il le fallait, jusqu’au bout la triste fortune de Condé. Au mois de novembre 1652[194], il quitta Paris et, muni d’un passe-port, se retira avec sa famille dans la place de Damvilliers, dont le marquis de Sillery, son beau-frère, était gouverneur, et où, en 1650, le chevalier de la Rochefoucauld, qui commandait alors pour le duc son frère dans cette place, avait été livré, pieds et poings liés, aux troupes royales par ses propres soldats[195]. Là, conjointement avec Condé, il reprit ses intelligences avec les Espagnols[196] ; mais il était dans cet état d’épuisement

physique et moral qui ne permet aucune action suivie. En novembre même, il tenta de s’aboucher avec Mazarin, à Châlons ; mais le Cardinal refusa de le voir ; il « lui fit répondre qu’il le remerciait de sa civilité, mais qu’il ne croyait pas à propos qu’il le vît[197]. » Durant toute l’année 1653, il ne fut occupé qu’à se guérir et sans doute aussi à méditer sur l’avenir et sur le passé. C’est par mégarde que Gourville dit[198] qu’il passa toute cette année à Damvilliers ; il quitta cette ville aussitôt son accommodement fait et son passe-port obtenu ; Gourville lui-même le voit en Angoumois, en se rendant à Bordeaux par ordre du Cardinal, et c’est à Verteuil qu’il lui adresse, de Villefagnan, la nouvelle de la conclusion de la paix, laquelle est du 30 juillet[199].

Malgré les velléités héroïques de sa jeunesse, il n’était point taillé en héros : la réflexion, chez lui, finissait toujours par dominer les autres facultés. Il n’était pas homme à continuer de sang-froid, comme il dit quelque part[200], ce qu’il avait commencé en colère ; il n’avait pas enfin cette infatigable persévérance de Mme de Longueville, qui, à ce moment même, comme pour bien prouver l’indépendance de sa conduite politique, prolongeait, avec Conty et les Ormistes[201], sa résistance à Bordeaux. Aussi, tout en ayant l’air de se rendre aux vives instances des siens et de ses amis, ne fit-il, au fond, que suivre la pente de son naturel et obéir à ses vœux les plus secrets, quand il entreprit de se dégager honorablement envers la Fronde vaincue et Monsieur le Prince exilé. « La réconciliation avec nos ennemis, a-t-il écrit, n’est qu’un désir de rendre notre condition meilleure, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelque mauvais événement[202]. » Ces trois éléments de

résipiscence se rencontrèrent dans sa résolution, et tout particulièrement le premier. Un des principaux arguments, et probablement des plus décisifs, qu’on employa pour le « dégager absolument d’avec Monsieur le Prince » était la nécessité d’assurer « le mariage de M. le prince de Marcillac avec Mlle de la Roche-Guyon, sa cousine germaine[203], » mariage qui, nous dit Mademoiselle[204], rétablit la maison de la Rochefoucauld, laquelle « n’étoit pas aisée. » Gourville[205], son agent ordinaire, le plus adroit des ambassadeurs officieux, se chargea d’abord de faire agréer à Condé et au général espagnol cette démission, prévue peut-être de tous deux ; puis, ayant réussi de ce côté, il eut recours à l’entremise de M. de Liancourt pour obtenir une entrevue du Cardinal, qu’on représentait comme fort aigri contre le duc de la Rochefoucauld. On vit alors combien importe, en toute affaire épineuse, le choix du négociateur, Mazarin, face à face avec Gourville, se montra plein de bonne grâce et de facilité ; il oublia ses récentes colères, et accorda d’emblée à l’envoyé du Frondeur repenti ce que peut-être il eût refusé au Frondeur lui-même. Il ne posa qu’une condition, futile en apparence, très-sérieuse au fond : c’est que Gourville passerait désormais à son service. Le Cardinal, qui se connaissait en hommes, témoin le choix qu’il fera plus tard de Colbert pour lui succéder, avait deviné tous les services qu’il pouvait tirer par la suite de ce génie souple et industrieux. Ces services furent tels en effet[206] qu’il serait malaisé de dire qui gagna le plus, après Gourville bien entendu, à cet arrangement, ou de la Rochefoucauld, qui obtint par là le droit de rentrer en France, ou de Mazarin, qui prit à l’illustre factieux son homme d’affaires le plus avisé.

Gourville, il faut lui rendre cette justice, n’abandonna pas tout à fait son ancien maître pour le nouveau. Si actives que fussent ses fonctions auprès de Mazarin, il demeura toujours dévoué à la personne et aux intérêts du duc. « Il n’oublia pas, en aucun temps, qu’il devoit tout à M. de la Rochefoucauld, » dit Saint-Simon dans le portrait qu’il a tracé de lui[207], et lui il nous parle, comme d’une chose prodigieuse, on le conçoit sans peine, du mariage secret qui l’avait uni, à ce qu’il paraît, à l’une des trois sœurs de M. de la Rochefoucauld (François VII)[208]. « Il étoit, dit-il, continuellement chez elle à l’hôtel de la Rochefoucauld, mais, toujours et avec elle-même, en ancien domestique de la maison. M. de la Rochefoucauld et toute sa famille le savoient, et presque tout le monde ; mais à les voir, on ne s’en seroit jamais aperçu. Les trois sœurs filles, et celle-là, qui avoit beaucoup d’esprit, et passant pour telles[209] (pour filles), logeoient ensemble dans un coin séparé de l’hôtel de la Rochefoucauld, et Gourville à l’hôtel de Condé. »

Notre auteur, qui, au temps où nous voici arrivé, était âgé de quarante et un ans, s’était retiré dans ses terres, et, tantôt à Verteuil, tantôt à la Rochefoucauld, il y passa plusieurs années dans une solitude relative, dont ses déceptions et aussi sa gêne pécuniaire lui faisaient sentir la douceur non moins que la nécessité. Là, tout en écrivant une partie de ses Mémoires[210], il travaillait à refaire à la fois sa santé et son patrimoine. Grâce à Gourville, qui avait su amasser, de bonne heure, une très-grosse fortune, il réussit tant bien que mal dans la seconde partie de l’entreprise.

L’ex-secrétaire nous apprend lui-même qu’en 1657, se trouvant « en argent comptant, » il songea « à traiter des anciennes dettes de la maison de la Rochefoucauld. » Il obtenait « des remises, « qu’il mettait au profit du duc. Il écrit ailleurs, dans ses Mémoires, à la date de 1661 : « M. de la Rochefoucauld, n’étant pas trop bien dans ses affaires, me demanda de vouloir bien lui faire le plaisir de recevoir les revenus de ses terres, et de lui faire donner, tous les mois, quarante pistoles pour ses habits et ses menus plaisirs : ce qui a duré jusqu’à sa mort. Non-seulement j’avois soin de faire payer les arrérages, mais encore d’éteindre beaucoup de petites dettes de sa maison, tant à Paris qu’en Angoumois : ce qui lui faisoit un plaisir si sensible, qu’il en parloit souvent pour mieux le témoigner. M. le prince de Marcillac, voulant aller à l’armée, se trouva sans argent ni équipage, et désirant d’y porter un service de vaisselle d’argent, sa famille jugea qu’il lui falloit jusqu’à soixante mille livres : je les prêtai, et elle m’en fit une constitution. Il m’emprunta encore, de temps en temps, jusqu’à cinquante mille livres ; et ayant encore eu besoin de vingt mille livres, je me disposai à les lui prêter ; M. de Liancourt, qui sut jusqu’où ces emprunts alloient, et qu’ils n’étoient pas trop assurés, dit qu’il s’en rendoit caution, pour que je ne pusse y perdre. » La même année, comme la Rochefoucauld délibérait, non sans un crève-cœur bien naturel, s’il ne vendrait pas son bel équipage de chasse, ce fut encore Gourville qui lui épargna cet ennui, en s’accommodant « avec celui qui en avoit soin » et en payant à ce dernier « la moitié de la dépense » par mois et par avance. Enfin, en 1662, le duc, toujours à court d’argent, obtient de l’industrieux homme d’affaires qu’il fasse « le salut de sa maison » en lui achetant au prix de trois cent mille livres, c’est-à-dire « au denier trente, » sa terre de Cahuzac, « qui valoit dix mille et quelques livres de rente[211]. »

La Rochefoucauld avait lui-même sur le prince de Condé de grosses créances, qui remontaient au temps de la Fronde ; mais l’auguste débiteur ne s’acquittait que fort lentement ; treize ou quatorze ans après la guerre, le duc était encore en instances pour se faire rembourser[212]. Gourville rapporte dans ses Mémoires[213] qu’il essaya d’intéresser le surintendant Foucquet[214] à la fortune de son premier maître : « Il me rebuta fort écrit-il, en me disant qu’il savoit bien que M. de la Rochefoucauld n’étoit pas de ses amis ; mais il ne voulut jamais s’ouvrir à moi davantage sur cela, » Cette assertion semble pourtant contredite par un document manuscrit qui existe à la Bibliothèque nationale[215] ; nous lisons en effet, dans une pièce de la main du docteur Vallant, intitulée : Mémoire de certaines choses que l’on a trouvées chez M. Foucquet après qu’il fut arrêté : « … On a trouvé une liste de pensionnaires ; M. de Beaufort a quarante mille livres, Grandmont (Gramont), Clérembault et un autre maréchal de France, a chacun dix mille écus ; deux ducs et pairs, la Rochefoucauld et un autre, dix mille écus. » Si quelque brouille était survenue depuis entre le duc et Foucquet, il n’y en avait pas moins eu d’abord services et promesses de reconnaissance : « J’ai beaucoup de confiance en l’affection de M. le duc de la Rochefoucauld et en sa capacité, écrit le Surintendant dans le fameux projet intitulé Secret, rédigé en 1657, et trouvé à Saint-Mandé[216] ; il m’a donné des paroles si précises d’être dans mes intérêts, en bonne ou mauvaise fortune, envers et contre tous, que, comme il est homme d’honneur et reconnoissant la manière dont j’ai vécu avec lui et des (sic) services que j’ai eu intention de lui rendre, je suis persuadé que lui et M. de Marcillac ne me manqueroient pas à jamais. » Peut-être faut-il chercher, avec Gourville[217], un motif du refroidissement de Foucquet pour notre duc, dans les intrigues de l’abbé, frère du premier, lié, comme nous le voyons dans les Mémoires de Mademoiselle[218], avec la Rochefoucauld.

C’est l’année qui suivit la disgrâce de Foucquet et la mort de Mazarin, que la Rochefoucauld reçut du Roi une marque éclatante de faveur : il fut promu, en décembre 1662, à l’ordre du Saint-Esprit. Plus tôt, le 11 juillet 1659, il avait obtenu une pension de huit mille livres[219]. Dans les années un peu antérieures, nous ne trouvons, en ce qui le concerne, qu’un petit fait à noter : Mme de Motteville nous dit qu’il fut très-assidu auprès de la reine Christine de Suède, pendant son séjour à Paris, en 1656[220].


Arrêtons-nous un instant sur cette date de 1662 : on n’est encore qu’à dix années de la minorité, et l’on s’en croirait à un siècle. Mazarin est mort, le règne personnel de Louis XIV est commencé. Les factieux de la Régence n’ont pas seulement cessé d’être dangereux, mais, ce qui est, à toutes les époques, le signe d’une complète restauration du pouvoir, ils ont même cessé de le paraître. Encore quelques années, et Gourville, parlant des troubles de la Fronde, aura peur qu’on ne le soupçonne de narrer des légendes, et il écrira ces lignes significatives : « Les vieux qui ont vu l’état où les choses étoient dans le Royaume ne sont plus, et les jeunes, n’en ayant eu connoissance que dans le temps que le Roi a rétabli son autorité, prendroient ceci pour des rêveries, quoique ce soit assurément des vérités très-constantes[221]. »

La royauté est redevenue, non pas seulement une réalité, mais une personne. Les parlements ne songent plus à jouer le rôle d’états généraux ; ils ne sont plus que de dociles chambres d’enregistrement. La Fronde a fini par l’épuisement même des passions et des convoitises personnelles qui en avaient faussé l’esprit et l’objet ; elle s’est abîmée dans la lassitude générale et le discrédit. Des héros de la veille, les uns se sont aussitôt rangés aux côtés du monarque, les autres, les plus compromis, ont d’abord reçu l’ordre d’ailler dans leurs terres, et les esprits comme les temps sont si bien changés, que ces mêmes seigneurs qui naguère, au moindre froissement d’amour-propre, pensaient punir le pouvoir en se retirant avec hauteur dans leurs gouvernements ou leurs fiefs, se regardent à présent comme trop punis d’y rester ; aussi ont-ils hâte d’être pardonnes, de revenir à la source des faveurs, de quêter un regard du maître, de se trouver, dit le fabuliste,

… Au coucher, au lever, à ces heures
Que l’on sait être les meilleures[222].

Le prince de Condé est rentré en France depuis deux ans ; il a désavoué le passé devant le Roi, qui lui a fait bon accueil, se bornant à lui dire fièrement : « Mon cousin, après les grands services que vous avez rendus à ma couronne, je n’ai garde de me ressouvenir d’un mal qui n’a apporté du dommage qu’à vous-même[223]. » Monsieur le Prince n’a plus cette morgue hautaine et ce ton de raillerie blessant qui avaient rebuté jadis jusqu’à ses amis les plus chauds. Il s’efface devant le Roi et les ministres ; au Conseil, où son rang lui donne place, c’est à peine s’il émet une opinion, et surtout s’il ose la soutenir, à moins de la savoir approuvée[224].

En son particulier, Condé continue, suivant l’expression de Sully, le bon ménage de son père. « Il prend connoissance exacte de tout ce qui se passe dans sa maison, et, après la grande alliance qu’il a faite de son fils unique avec une princesse de la famille Palatine, il ne pense plus qu’à leur amasser de quoi fournir à l’illustre dépense qui se fait dans cette éclatante maison[225]. »

Le duc d’Orléans, cet autre héros de la Fronde, est mort (1660) à l’âge de cinquante-deux ans, dans une fervente contrition du passé[226]. Retiré à Blois et continuant de suivre les sentiments et les goûts de ceux qui étaient auprès de lui, il s’était modestement attaché à la botanique et à la connaissance des médailles : « occupations peu convenables à un prince, » ajoute naïvement l’auteur de l’Histoire de Condé[227].

Le prince de Conty, marié à une nièce de Mazarin, ne se montre pas moins doux et moins débonnaire ; il a seulement conservé de sa jeunesse des goûts qui rappellent son premier état d’homme d’Église. « Il est très-savant en toute sorte de sciences, et s’est fait admirer publiquement dans la plus célèbre assemblée de l’Académie par son grand esprit et pour sa capacité à traiter des plus hautes matières de la théologie[228]. » Il publiera sous son propre nom, dans quelques années (1667), un livre des plus édifiants sur les Devoirs des grands. Surtout l’auteur contemporain ne tarit pas sur la vertu et la salutaire influence de sa femme : « Par elle, il a sauvé la vie à un million de personnes pendant la famine, et a contribué au salut de plusieurs âmes qu’elle a attirées à l’odeur de la vertu ; si bien que ce prince et cette princesse sont aujourd’hui les vrais miroirs de la piété dans la grandeur et dans les richesses[229]. » Voilà certes un genre de gloire auquel n’avait point visé tout d’abord l’adorateur de Mlle de Chevreuse, le lieutenant de la Fronde en Guyenne.

Mme de Longueville, de son côté, étonne le monde par son esprit de pénitence ; elle a prouvé d’abord, en revenant auprès de son mari, que nul sacrifice, si pénible qu’il fût, ne coûtait à son repentir. Cette année même, 1662, elle vient de faire sa confession générale à M. Singlin[230]. Elle mettra autant d’ardeur à donner à Dieu la seconde moitié de sa vie qu’elle en a mis à donner aux hommes la première ; elle conduira la piété « à tambour battant[231], » comme elle a jadis conduit l’amour et l’ambition, et bientôt elle méritera d’être vantée pour son austère vertu[232].

Mademoiselle, dont le canon de la Bastille a tué le mari[233] et qui a refusé d’épouser le roi d’Angleterre, s’est tournée aux belles-lettres. Son humeur est toujours « impatiente. Il est… difficile, lisons-nous dans les Portraits précités[234], que son cœur altier se puisse soumettre à la domination d’un homme, quelque noble, quelque puissant qu’il puisse être. »

Retz, obligé de donner sa démission d’archevêque de Paris, s’est retiré (1662), en exil, dans sa seigneurie de Commercy. Comme la Rochefoucauld, n’ayant pu être homme d’État, il deviendra, par pis aller, un grand écrivain.

La maison de Vendôme est venue, elle aussi, à résipiscence. Le duc César jouit d’une grande faveur ; son fils aîné ne se mêle plus d’intrigues ; il passe le temps fort en repos, dans son gouvernement de Provence ; la survivance de la grand’maîtrise de la navigation a été accordée au second fils de César, le fameux Beaufort ; l’ancien roi des Halles commande maintenant les vaisseaux de Sa Majesté contre les pirates de Tunis et d’Alger.

La maison de la Tour n’est pas moins obéissante ; le duc de Bouillon est mort ; son cadet, Turenne, ne songe plus qu’à battre les ennemis du Roi, qu’à rivaliser de gloire militaire avec Condé.

Ainsi tous ces Frondeurs, repentis, résignés, ont commencé une vie nouvelle. Les équipées d’autrefois, on s’efforce de les oublier : « c’est, dit encore en parlant de Mademoiselle l’auteur des Portraits de la cour, une faute de jeunesse, à laquelle il n’y a plus de remède[235]. »

La Rochefoucauld, plus que nul autre, a rompu avec le passé ; il aura désormais « cette morale des honnêtes gens, » qu’il n’avait pas eue jusque-là[236] ; à l’écart des brigues comme des honneurs, il va rentrer dans sa vraie nature. Cette seconde partie de sa vie, pour être paisible, ne sera point vide ; tout intime et toute retirée, elle justifiera ce mot d’un personnage du Grand Cyrus[237], que « rien n’occupe davantage qu’une longue oisiveté. »

III

À l’époque où le duc prenait sa retraite forcée des intrigues, la littérature n’était pas moins changée que le reste ; Corneille, Descartes, Pascal avaient rempli la première moitié du dix-septième siècle ; l’auteur du Cid, après la Fronde, est sur son déclin[238] ; Descartes est mort, en Suède, depuis douze années ; quant à Pascal, il s’éteint, en 1662, à Port-Royal, où il s’était retiré dès 1654. La seconde période littéraire du siècle est ouverte : Bossuet a commencé de prêcher devant Louis XIV (1662), dans la chapelle du Louvre ; il a prononcé, à la fin de la même année, sa première oraison funèbre[239], et la cour et la ville se pressent à ses sermons ; Boileau écrit ses premières satires[240] ; Racine s’apprête à débuter[241] ; et Molière vient de s’établir à Paris et d’inaugurer la comédie de mœurs[242].

Près de cette littérature à la forte sève fleurit une littérature d’un genre plus menu, éclose, en pleine conversation, dans la tiède atmosphère des ruelles et des salons : c’est à celle-là que se rattache le nom de la Rochefoucauld. À la controverse, à la passion polémique, fort à la mode au seizième siècle, le dix-septième avait substitué, pour un temps, la causerie aimable et enjouée. De 1631 à 1634, le fameux hôtel de Rambouillet fut le cercle brillant où l’on se forma à la décence, au bel air, à la politesse et à la galanterie. L’honnête homme par excellence pour cette société était précisément celui qu’a défini l’auteur des Maximes et dont il semble avoir aspiré lui-même à présenter le type : de la hauteur dans les sentiments, de la bravoure, de grandes manières, de la libéralité, avec une pointe de persiflage dans l’esprit ; c’était le mélange, d’ailleurs voulu et prémédité, du genre espagnol et de l’italien avec le bon goût français, le bon goût d’alors. Quant à la théorie de la spiritualité de l’amour, dont Julie d’Angennes força le pauvre Montausier à faire l’expérience durant quatorze ans, elle eut généralement plus de succès dans les livres que dans la pratique ; on a vu que la Rochefoucauld, pour son compte, ne se crut point obligé de pousser par l’exemple à la propagation de cette doctrine outrée.

Les habitués les plus célèbres de l’hôtel de Rambouillet furent, dans la première période : Mlle de Scudéry, Balzac[243], Voiture[244], Conrart, Patru, Scarron, Rotrou, Bensserade, Saint-Évremond et Ménage. L’auteur de Mélite, puis du Cid et d’Horace, y venait lire ses pièces ; les hommes les plus graves, les meilleurs esprits, étaient alors pleins de vénération pour cette sorte d’académie, qui, ayant entrepris, en haine de ce qui lui semblait trivial, de dévulgariser l’esprit et le langage, fit la faute de dépasser le but et d’exagérer la réforme. Mme de Longueville, au temps où elle était encore Mlle de Bourbon avait paru dans ce salon littéraire[245] ; la Rochefoucauld lui-même l’avait traversé à dix-huit ans, à côté du futur duc de Montausier, âgé de vingt et un ans. Puis les guerres civiles de la Régence étaient venues suspendre ces réunions. Les gentilshommes, encouragés par les belles alcovistes, étaient allés tirer l’épée pour ou contre la cour ; dès lors, « le temps de la bonne Régence » était fini[246]. La belle Julie elle-même avait quitté Paris pour suivre son mari M. de Montausier dans son gouvernement d’Angoumois. Après la Fronde, l’hôtel de Rambouillet rouvrit ses portes, mais sans retrouver sa vogue et son éclat ; il s’était d’ailleurs formé, à côté du cercle de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, des cénacles imitateurs qui outraient malheureusement les défauts de la société mère, sans en garder les qualités ; le purisme y devint de l’affectation, et le bon air de la minauderie. La province, de tout temps en retard, eut ses ruelles, juste au moment où les ruelles devenaient de plus en plus « précieuses » et même « ridicules ». Ce sont ces sociétés d’admiration mutuelle, c’est cette « préciosité » en quelque sorte de reflet que raille Molière dès 1659, dans sa célèbre comédie. À Paris, la plupart des chevaliers et des suivantes d’Arthénice tenaient salon à leur tour, Mlle de Scudéry, Mademoiselle de Montpensier, Mmes de Sablé, de la Fayette, de Sévigné. La Rochefoucauld est l’hôte le plus assidu et le plus fêté de ces nouvelles réunions, où il a, tour à tour, deux femmes pour Égéries[247], d’abord Mme de Sablé, la Parthénie du Grand Cyrus, dans le salon de laquelle il fait ou trouve en grande partie ses Maximes, puis la comtesse de la Fayette, auprès de laquelle il les revoit et les corrige dans une intimité de quinze années.

Dès 1659, la marquise de Sablé, atteinte de cette mélancolie janséniste qui s’emparait, comme une sorte de pieuse contagion, des grandes dames du temps, avait quitté la place Royale, où elle recevait l’élite de la société lettrée, pour se retirer au faubourg Saint-Jacques, à Port-Royal de Paris, dans un corps de logis qu’elle s’était fait bâtir, « à la fois séparé du monastère, et renfermé dans son enceinte[248]. » Là elle sut mêler agréablement les devoirs du monde à ceux de la piété. À part certains accès, certaines vapeurs soudaines de dévotion claustrale[249], on peut dire qu’elle ne tenait d’abord qu’à demi à l’austère maison : son esprit, comme sa demeure, avait fenêtres donnant sur la communauté, mais porte ouverte sur le monde. La marquise paraît n’avoir rien changé, dans sa retraite, aux délices vantées de sa table : elle avait beau faire, disait ce spirituel bossu Pisani, le diable ne voulait point sortir de chez elle : « il s’était retranché dans la cuisine[250]. » Mme de Sablé, née avec le siècle, n’avait

point trempé dans la Fronde[251] ; c’était, avant tout, un esprit sain, exempt de chimères, sans inclinations héroïques et d’un équilibre parfait ; une puriste, du reste : à cela seul on s’apercevait qu’elle avait jadis fréquenté l’hôtel de Rambouillet. Qui donc n’y avait point fait son stage de belles-lettres ? Mme de Sévigné elle-même ne se souvenait-elle pas en souriant d’avoir été une précieuse ? Le salon de Mme de Sablé offrait donc le charme d’un coin neutre, d’un terrain de conciliation, où le mérite personnel était tout. Dans ce milieu choisi, la Rochefoucauld, sans y penser, pour ainsi dire, se fît homme de lettres.

« J’écris bien en prose, je fais bien en vers[252], dit-il (ci-après, p. 8) dans son Portrait fait par lui-même, dont nous parlerons tout à l’heure, et si j’étois sensible à la gloire qui vient de ce côté-là, je pense qu’avec peu de travail je pourrois m’acquérir assez de réputation. » La gloire du prosateur repose sur les plus solides fondements ; nous avions espéré pouvoir aussi donner à nos lecteurs le moyen d’apprécier sinon le poëte éminent, au moins l’habile versificateur. Nous savions qu’un recueil manuscrit de pièces de vers portant le nom de la Rochefoucauld était aux mains d’un érudit qui se proposait d’en faire l’objet d’un sérieux examen ; il nous avait, nous pouvons dire, promis de publier dans notre Collection, comme annexe aux Œuvrcs, le fruit de son travail, accompagné des pièces qu’il jugerait authentiques. Nous avons en vain attendu plusieurs années ; nous n’avons pas même pu voir le manuscrit, savoir d’où il venait, si c’était celui où M. Charavay avait reconnu l’écriture du duc, le recueil de poésies mentionné par Cousin dans son histoire de Madame de Sablé[253], et que M. Éd. de Barthélémy croit être le volume C disparu, nous dit-il, de la bibliothèque de

la Roche-Guyon[254]. Le lecteur partagera nos regrets, qu’il était de notre devoir de lui exprimer : non pas que dans ce mystérieux recueil, s’il est vraiment de la Rochefoucauld, on puisse s’attendre à trouver la verve et le souffle poétiques ; mais il eût été, en tout cas, curieux de voir si notre auteur mettait dans sa versification ces qualités délicates de style et ce souci minutieux de la forme par lesquels se distinguent les Maximes.

C’était alors le plus beau moment de cette littérature aimable et facile qui, née à l’hôtel de Rambouillet, se développa, côte à côte, avec les romans de longue haleine mis à la mode par d’Urfé[255]. Chez la belle Arthénice, c’était de petits vers, de sonnets, de rondeaux, de quatrains que les beaux esprits faisaient assaut. Parfois on rédigeait en forme de roman des histoires véritables du temps[256]. Ailleurs, au Luxembourg, chez Mademoiselle de Montpensier, on cultivait le genre des Portraits. La Rochefoucauld, qui fréquenta aussi ce salon, s’y peignit lui-même en passant[257]. Enfin, chez Mme de Sablé, on jouait aux sentences et maximes, et c’est là qu’à force, en quelque sorte, de se piquer au jeu, notre auteur a fait le beau livre que l’on connaît. « Ôtez la société du Luxembourg, dit avec raison Cousin, et les Divers Portraits de Mademoiselle, vous n’auriez jamais eu le Portrait de la Rochefoucauld par lui-même ; de même, ôtez la société de Mme de Sablé et la passion des sentences et des pensées qui y régnait, jamais la Rochefoucauld n’eût songé ni à composer ni à publier son livre[258]. »

Cela est vrai, et l’illustre fortune de ce livre des Maximes n’en doit pas faire oublier l’origine un peu frivole. En littérature comme en politique, la Rochefoucauld, esprit vif, éveillé, ingénieux, est homme d’occasion, n’a ni l’attaque ni l’initiative ; il vient ici à la suite d’une femme, et d’un écrivain de troisième ordre, Mme de Sable et Jacques Esprit[259] ; mais cette fois du moins, plus heureux et plus habile que dans les intrigues de la Fronde, il ne tarde pas à devancer ses guides, à prendre le pas, et, dès qu’il l’a pris, il le garde. Imitateur quant au genre, n’ayant pas même toujours le mérite de l’idée, il a celui de la mise en œuvre ; avec un talent merveilleux, il travaille et cisèle la matière légère que parfois d’autres lui ont fournie : in tenui labor, at tennis non gloria[260], et, chose rare en tous les temps, d’un succès de salon et de ruelles il se fait un titre de gloire que le temps a confirmé.

Il serait oiseux de revenir en détail sur la façon dont furent composées les Maximes de la Rochefoucauld ; c’est un chapitre de notre histoire littéraire aujourd’hui connu de tout le monde, et que chacun peut reconstruire à l’aide du recueil de lettres publié dans le tome III de notre édition. Un sujet de sentence, mis sur le tapis, soit chez le duc[261], soit chez Mme de Sablé, dans son salon du faubourg Saint-Jacques, était discuté en petit comité ; chacun donnait son mot, son avis ; le travail se continuait même par lettres, comme le prouve la correspondance de la Rochefoucauld[262]. Pour ce dernier, cette sorte de critique à la ronde était la pierre de touche ; le goût sûr de Mme de Sablé la rendait très-propre à cette entremise littéraire ; mais, il ne faut pas s’y tromper, lorsque la sentence, après avoir couru les salons et les alcôves, revenait à la Rochefoucauld, celui-ci, par un dernier tour de main, lui imprimait définitivement la marque propre de son style et de son humeur. « Il y a, lisons-nous dans le Grand Cyrus[263], un biais de dire les choses qui leur donne un nouveau prix ; » c’est par ce biais, dans la bonne acception du mot, que triomphait le noble écrivain. Formé non par l’étude, mais par l’expérience des intrigues, il mit tout de suite dans son style ces facultés de finesse un peu subtile et de réflexion laborieuse, cet art poussé jusqu’à l’artifice, qu’il avait en vain déployés pour sa fortune politique. Ces maximes cherchées, trouvées, élaborées une à une, allaient merveilleusement à son esprit indolent et mélancolique, qui avait une admirable pénétration, mais qui, ce semble, manquait d’étendue, qui excellait dans le détail, mais que nous ne voyons apte à rien concevoir d’ensemble. N’avoir à la fois qu’une seule idée, qu’on tourne et retourne en tous sens, arriver par ce labeur patient, qui, au fond, est plaisir plus encore que labeur, à ce qu’on appelait le grand fin, le fin du fin : quelle manière douce et commode d’être occupé, très-occupé même, au hasard et au jour le jour, pour un homme qui, de sa vie, n’avait eu dans sa conduite ni plan ni méthode ! quelle occasion aussi de se soulager des mécomptes subis, de calomnier les hommes pour se venger de ne les avoir pu gouverner, d’ôter les masques enfin et de faire voir ces dessous de cartes dont parle Mme de Sévigné[264] !

Il y avait bien six ou sept ans que la Rochefoucauld travaillait à ses Maximes, lorsqu’il se résolut à les publier. Elles parurent en 1665, la même année que les Contes de la Fontaine. On sait qu’à ce moment solennel de la mise au jour, il y eut, sous la présidence de Mme de Sablé, une dernière consultation des beaux esprits des deux sexes : la comtesse de Maure, la princesse de Guémené, la duchesse de Liancourt, Mme de

Schonberg, Éléonore de Rohan, et Mme de la Fayette s’exprimèrent sur l’ouvrage avec plus ou moins de franchise et de vivacité[265]. Les hommes, en général, approuvaient ; mais les femmes se trouvaient prises au dépourvu. Tant que les Maximes avaient été colportées de bouche en bouche et la porte close, toutes les belles amies de l’auteur les avaient goûtées sans trop de scrupule ; mais c’est une terrible chose qu’un livre imprimé ; on découvrit tout à coup, et non sans raison, bien des pensées scabreuses dans ces sentences qui désormais allaient courir librement le monde. Le moyen que ces grandes dames missent ou parussent mettre leur visa à certaines maximes sur l’honnêteté et la chasteté des femmes, telles que la 204e et la 205e qui sont dans le manuscrit autographe, se trouvent déjà dans la 1er édition et ont dû leur être communiquées[266] ?

De là, dès cette première épreuve, dans ce tribunal intime, une pluie de critiques et de réfutations ; l’ouvrage ayant été composé, préparé du moins, en commun, on craignait de se voir compromis dans une sorte de complicité avec l’auteur. Heureusement les Maximes n’en furent pas moins imprimées, mises en vente, et eurent, en peu d’années, un grand nombre d’éditions, que la Rochefoucauld revit avec soin. À vrai dire, il passa le reste de ses jours à perfectionner et à refaire son œuvre ; il se concentra tout entier dans ce livre, je ne dirai pas le plus vrai, le plus confirmé par l’universelle expérience humaine, mais le plus éprouvé et, si l’on veut me permettre cette expression, le plus vécu qui fut jamais. Les Maximes, en effet, ce sont encore des Mémoires, mais des Mémoires hachés menu. Sous la gravité épigrammatique du trait tient souvent tout un épisode de l’histoire d’une âme, et la confidence est d’autant plus intime et précieuse qu’elle semble être mieux couverte sous l’apparente généralité de l’idée. Ce livre, c’est là son charme et aussi son défaut, n’est qu’une suite d’observations particulières, l’œuvre, comme dit Sainte-Beuve, d’ « un grand observateur positif[267] ; » une réunion de souvenirs et d’impressions individuelles, érigées en vérités absolues, ou faussées, dénaturées d’une autre manière, par les exigences d’un badinage de salon. La Rochefoucauld n’y peint pas l’homme en général, comme Pascal[268], mais seulement la cour et la ville ; sous mainte maxime se place, comme de lui-même, un nom propre, et la clef, pour une bonne partie de l’ouvrage, est facile à faire. Ces sentences sont vraies, si l’on veut, mais d’une vérité passagère et étroite, qui ne dépasse pas tel moment et tel personnage. Se laisser prendre à cet air de généralité que la Rochefoucauld a donné à ses Maximes, ce serait aller au delà des vues qu’avait et avouait l’auteur lui-même. Si son expérience et ses rancunes y ont souvent déposé des opinions malignement acquises sur les hommes et les choses, il arrive souvent aussi que chez lui l’artiste, le bel esprit sacrifie la vérité à la saillie. Ôtez les ciselures du style et l’appareil laborieux de profondeur, que reste-t-il en beaucoup d’endroits ? un fond banal et commun. Ôtez l’écrivain, que demeure-t-il du penseur ? un homme qui a découvert la malice des singes et le venin des serpents. Son originalité n’est guère que d’avoir retrouvé ou mis partout cette malice et ce venin. Le public du temps ne s’y est pas trompé : dans ces sentences absolues et tranchantes, dans cette théorie tout d’une pièce, il n’a vu qu’une forme piquante et paradoxale sur une matière assez indifférente en soi ; ce qu’il y avait pourtant de sérieux dans l’œuvre, c’était le dépit dont, après tout, la Rochefoucauld, plein d’une « amertume sans mélange[269], » s’était ainsi soulagé.

Peu à peu, les relations, d’abord très-suivies, devinrent plus rares entre Mme de Sablé et la Rochefoucauld ; l’étroite liaison de la marquise avec Mme de Longueville, rattachée à Port-Royal par sa pénitence, contribua sans doute à éloigner le duc de la compagnie du faubourg Saint-Jacques. Vers la fin de l’année 1665, la Rochefoucauld, qui n’avait eu jusqu’alors qu’un commerce de politesse avec Mme de la Fayette, se rapproche d’elle de plus en plus, et, en 1665, 1666, l’intimité semble être complète. Sainte-Beuve, dans son article sur Mme de la Fayette[270], a déduit cette date de 1665, 1666, d’une lettre écrite par elle à Mme de Sablé, qu’il avait trouvée à la Bibliothèque royale[271]. On voit par cette lettre, dit-il, « que vers le temps de la publication des Maximes (1665), et lors de la première entrée dans le monde du comte de Saint-Paul (le second fils de Mme de Longueville, dont notre duc passait aux yeux de tous pour être le père), il était bruit de cette liaison (devenue intime)… comme d’une chose assez récemment établie. Or la publication des Maximes et l’entrée du comte de Saint-Paul dans le monde, en la rapportant à l’âge de seize ou dix-sept ans (il était né le 28 janvier 1649), concordent juste et donnent l’année 1665 ou 1666, » Segrais nous dit[272], et, après lui, Auger[273] et Petitot[274], que « leur amitié a duré vingt-cinq ans, » ce qui la fait remonter dix ans plus haut, à 1655, puisque la Rochefoucauld mourut en 1680. Les deux témoignages ne nous paraissent pas précisément contradictoires : de bonnes et amicales relations ont pu exister dès 1655, c’est-à-dire dès le temps même du mariage de Mme de la Fayette ; mais l’intimité plus étroite, donnant lieu aux dits, comme parle la lettre, aux propos du monde[275], est postérieure de dix années.

La comtesse, mariée en 1655, était veuve : depuis combien d’années ? nous ne le savons pas au juste ; mais le plus jeune de ses fils était né en 1659. Elle habitait rue de Vaugirard, en face du petit Luxembourg, un charmant hôtel avec un jardin où il y avait « un jet d’eau, un petit cabinet couvert,… le plus joli petit lieu du monde pour respirer à Paris[276]. » Là se rencontrait une docte et spirituelle société : Huet, la Fontaine, Ménage, Mme de Sévigné, Segrais, la Rochefoucauld, parfois Monsieur le Prince, « le héros, » dont elle était « si amie, » nous dit Saint-Simon[277], et qui demeurait dans le voisinage. Mme de la Fayette avait toutes les qualités du rôle qu’elle remplit si assidûment auprès de l’auteur des Maximes : plus de solidité que d’éclat, plus de fond sensé que de vivacité d’esprit, une merveilleuse tendresse d’âme unie à « cette divine raison, » que Mme de Sévigné nomme[278] « sa qualité principale. » Elle savait le latin presque aussi bien que Ménage et le P. Rapin, qui le lui avaient appris : mais elle n’en faisait point parade, afin de ne pas attirer sur elle la jalousie des autres femmes. C’était, en outre, une femme d’affaires, ayant l’entente des procès[279] ; son esprit était grand, mais « elle avoit, nous dit Segrais[280], le jugement au-dessus de son esprit ; elle aimoit le vrai en toutes choses et sans dissimulation. C’est ce qui a fait dire à M. de la Rochefoucauld qu’elle étoit vraie[281], façon de parler dont il est auteur et qui est assez en usage, »

Née en 1633 ou 1634, elle devait, d’après ce que nous venons de dire, avoir trente-deux ou trente-trois ans quand la Rochefoucauld, âgé, lui, de cinquante-deux ou cinquante-trois s’abrita définitivement sous son aile. Il semble toutefois que l’ancien Frondeur ait eu, à ce moment même, un vague retour et comme une secousse passagère d’ambition. Nous savons en effet[282] qu’il brigua, vers 1665, la charge de gouverneur du Dauphin, laquelle fut donnée, en 1668, au duc de Montausier. Deux ans après, il se rend à l’armée, comme simple volontaire[283], et, malgré la goutte qui le tourmente, il est au camp devant Lille. Au retour, le Roi lui fait un gracieux accueil ; mais, quelles qu’eussent été peut-être ses secrètes espérances, cette reprise de bon vouloir ne profita, pour le moment, qu’à un de ses fils, le troisième, qui fut pourvu de l’abbaye de Fondfroide[284]. La Rochefoucauld se console, avec une philosophie quelque peu mélancolique, de ne pas mieux reconquérir la royale faveur : « Je suis venu ici (au camp), écrit-il au comte de Guitaut, et on me traite assez bien. » Il trouvait un doux dédommagement dans l’affection toujours croissante de Mme de la Fayette, qui était pour lui ce que Mme de Maintenon ne fut pas toujours pour Louis XIV vieillissant : elle l’éclairait en le calmant. Bien qu’elle fût « quelquefois lasse de la même chose[285], » elle ne se lassa jamais de cette douce occupation ; la Rochefoucauld conserva jusqu’au bout, chez elle, la bonne place auprès du foyer. Ce fut entre eux un échange touchant de protection affectueuse et de reconnaissance attendrie, une de ces amitiés mixtes que rien n’altère. Faits pour se plaire, se goûter, se comprendre, même à demi-mot, ils se laissèrent aller de tout cœur à ce charmant commerce, qui devint bientôt aussi nécessaire à l’un qu’à l’autre[286]. Tous deux avaient horreur du ridicule, de ce ridicule des vieilles gens, dont parlent certaines maximes[287]. Mme de la Fayette, dont nous venons de dire l’âge au début de cette amitié, croyait-elle, comme son héroïne la princesse de Clèves, qu’une femme ne peut être aimée, passé vingt-cinq ans[288] ? La Rochefoucauld s’imaginait-il, de son côté, avoir mis d’avance

entre elle et lui une barrière suffisante par le livre des Maximes, ce froid et refroidissant testament d’une âme à jamais désenchantée ? En tout cas, ils paraissent s’être engagés l’un avec l’autre sur une sorte de convention tacite, propre à « couper les ailes à l’amour[289], » tout en laissant son plein essor à l’esprit. Jusqu’à quel point cette clause délicate fut-elle observée ? Ces longues conversations, ces fines analyses morales où se mêlaient et se délectaient ces deux âmes d’élite, n’aboutirent-elles qu’à des développements littéraires bons à transcrire sur le papier ? Ne prit-on rien pour soi de ces beaux sentiments qu’on prêtait aux personnages de romans ? Nul ne le sait ; nul peut-être n’a le droit de s’en enquérir, car nous sommes ici en présence d’une de ces liaisons nobles et touchantes que la postérité est tenue de respecter comme l’a fait l’élite des contemporains.

Grâce à Mme de la Fayette, la Rochefoucauld, cet homme jadis si inconséquent, si aventureux dans la conduite, devient un modèle de sagesse et de sens rassis. À vrai dire, est toujours mélancolique ; mais sa mélancolie n’a rien de morose : c’est le misanthrope le plus serviable et le plus honnête homme qui se puisse voir[290]. Cette politesse accomplie, qu’on avait toujours admirée en lui, s’est affinée davantage encore au contact des femmes et dans l’atmosphère des salons ; une plaisanterie de bon ton assaisonne tous ses entretiens. Amoureux, par-dessus tout, de considération, comme au temps de ses chevauchées ambitieuses, il gagne et retient les âmes sans effort. Il y a peu d’hommes dont le commerce soit aussi sûr ; tel on l’a trouvé la veille, tel on le retrouve le lendemain, et ce qu’on est une fois dans sa maison, on l’y es-t toujours. Aussi est-il la figure avenante et recherchée dans ce petit cercle choisi qui se rassemblait tour à tour à l’hôtel de Liancourt, ou rue de Vaugirard, au fond de cette plaisante maison dont nous avons parlé. Ce n’était pas là un cénacle avant tout aristocratique, avec grande vue sur le dehors, comme l’ancien hôtel de Ramhouillet ; on vivait surtout pour soi dans cette compagnie où assidûment Mme de Sévigné apportait sa charmante et féconde vivacité, Mme de la Fayette sa douceur attentive et sa raison un peu sentencieuse, Segrais sa gracieuse rectitude d’esprit, Mme de Thianges sa beauté. Parfois le cercle s’élargissait : Corneille, Boileau, la Fontaine, Molière venaient s’y joindre. Tantôt c’était l’auteur du Cid qui lisait chez la Rochefoucauld sa tragédie de Pulchérie[291] ; tantôt c’était Molière qui y donnait lecture de sa comédie des Femmes savantes[292], avant de lui faire affronter la scène du Palais-Royal.

Ainsi les auteurs les plus célèbres prisaient fort l’approbation de la Rochefoucauld. Il était devenu comme un oracle du bon goût ; il suggérait des sujets d’apologue à la Fontaine, qui lui dédiait deux de ses fables les plus jolies[293]. En de certains jours, le petit cénacle dînait chez l’évêque du Mans, M. de Beaumanoir, ou chez la bonne marquise d’Huxelles, ou chez Mme de Lavardin, où Mme de Sévigné lisait les lettres de Mme de Grignan sa fille, qui avait inspiré à la Rochefoucauld une affection véritable. D’autres fois on allait à la comédie, ou s’amuser, à la foire, des exhibitions curieuses[294] ; ou bien on se rencontrait, on se rendait ensemble à Saint-Maur, dans cette jolie maison du prince de Condé, où nous savons que Boileau lut son Art poétique[295] ; l’industrieux Gourville, qui, depuis 1669, appartenait aux Coudés[296], y faisait, au besoin, « avec un coup de baguette… sortir de terre » d’admirables soupers[297].

À Saint-Maur se rattachent quelques pages des Mémoires de Gourville[298], vraiment plaisantes à lire, et où revient plusieurs fois le nom de notre duc. Ce sont celles où il raconte ses démêlés avec Mme de la Fayette, dont nous avons dit un mot ci-dessus[299]. Ayant obtenu de Monsieur le Prince la capitainerie de Saint-Maur, où celui-ci n’allait plus jamais, Gourville se préparait à l’accommoder. À ce moment, nous raconte-t-il, ce Mme de la Fayette, après avoir été s’y promener, me demanda d’y aller passer quelques jours pour prendre l’air. Elle se logea dans le seul appartement qu’il y avoit alors, et s’y trouva si à son aise, qu’elle se proposoit déjà d’en faire sa maison de campagne. De l’autre côté de la maison, il y avoit deux ou trois chambres… ; elle trouva que j’en avois assez d’une quand j’y voiidrois aller, et destina, comme de raison, la plus propre pour M. de la Rochefoucauld, qu’elle souhaitoit qui y allât souvent. » Bref, elle fit à Saint-Maur un établissement si complet, y disposant à son gré des meubles, et y recevant société nombreuse, que Gourville, piqué, crut lui devoir rappeler, à la fin, que c’était à lui, non à elle, qu’on donnait la capitainerie. « Elle ne me l’a jamais pardonné, ajoute-t-il, et ne manqua pas de faire trouver cela mauvais à M. de la Rochefoucauld. Mais comme il lui convenoit que nous ne parussions pas brouillés ensemble, elle étoit bien aise que j’allasse presque tous les jours passer la soirée chez elle avec M. de la Rochefoucauld. »

À partir de 1671, époque où Segrais quitte le service de Mademoiselle et le Luxembourg, pour aller demeurer chez Mme de la Fayette, la liaison du duc et de la comtesse se resserre encore et devient, à proprement dire, une vie à deux, Mme de la Fayette n’a plus qu’une pensée, achever de reformer le cœur de la Rochefoucauld[300], le faire revenir de ses aigreurs et de ses injustices contre les hommes et les choses. C’est sous l’influence salutaire de cette douce et sereine amie que le moraliste chagrin apporte à ses maximes tous ces correctifs qui se trouvent dans l’édition de 1672 et surtout dans celle de 1678, et qui atténuent un peu la malveillance première de l’ouvrage. Il est même probable que, si l’intime liaison avait commencé dix années plus tôt, le livre de la Rochefoucauld eût été autre qu’il n’est ; mais peut-être, après tout, si la vérité y eût gagné, bien des lecteurs, plus amis du piquant que du vrai, y eussent-ils perdu. En même temps que, devenu plus satisfait de lui et du prochain, le duc émousse la pointe de quelques sentences, il s’efforce de faire disparaître de son œuvre, composée d’abord pour les femmes et les ruelles, certaines traces de préciosité et de mauvais goût. Malgré ce travail de correction, qui dura en réalité jusqu’à la mort de l’auteur, le livre garda néanmoins dans sa concision quelque chose de subtil et çà et là d’elliptique qui rebutait parfois Mme de Sévigué, cet esprit vif et clair avant tout, plein d’abondance et de suc. En 1672, elle écrivait à sa fille, en lui adressant un exemplaire de la nouvelle édition des Maximes : « Il y en a de divines ; et, à ma honte, il y en a que je n’entends point[301]. » À coup sûr, c’était le cœur de la marquise, bien plus encore que son esprit, qui se refusait à comprendre.

Entre Mme de la Fayette et la Rochefoucauld il n’y avait pas seulement une alliance de cœur, il y avait aussi accord d’esprit et entente intellectuelle. Tous deux réagissent en littérature contre l’ampleur diffuse de bon nombre d’écrivains de leur temps et du temps immédiatement antérieur ; tous deux appartiennent à cette école qui

D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir[302],

et donna l’exemple de la sobriété et de la précision. La première œuvre de Mme de la Fayette avait été, on le sait, la Princesse de Montpensier, petite nouvelle qui, publiée en 1660, sous le nom de Segrais, avait eu un très-grand succès. En 1670 parut Zayde, qui, bien que tenant encore par les développements romanesques à l’école raffinée des d’Urfé et des Scudéry, avait néanmoins le mérite de mieux rentrer dans la vraisemblance et de substituer le langage naturel au style ampoulé. La Rochefoucauld est manifestement intervenu par sa critique, ses conseils, de détail au moins, dans la rédaction de ce livre[303]. Mais c’est principalement dans la Princesse de Clèves, terminée en 1672, et publiée en 1678, que la collaboration du duc se révèle[304]. Ce roman n’est déjà plus romanesque à la manière dont on l’entendait alors ; la passion vraie y a pris la place de l’amour précieux, et a mis en déroute cette légion de mourants par métaphore, dont se moquait Boileau[305]. Cette fois le cadre et le style de l’ouvrage ont la forme historique ; l’analyse délicate et fine des mouvements du cœur, le ton vrai du récit et toute l’allure des personnages feraient croire parfois qu’il s’agit d’une histoire réelle. Qui ne reconnaîtrait l’inspiration et comme le coup de plume de la Rochefoucauld, d’abord, pour une bonne part, dans cet exposé éloquent des intrigues de cour, puis dans ces pensées et maximes qui toujours interviennent à propos, et, par-dessus tout, dans cette langue exquise, pleine de justesse et de mesure ? Assurément il y a là bien des traces de son expérience personnelle et, dans tout ce travail en commun, un véritable unisson d’âmes et d’intelligences. « Il est touchant de penser, dit le plus pénétrant des critiques[306], dans quelle situation particulière naquirent ces êtres si charmants, si purs, ces personnages nobles et sans tache, ces sentiments si frais, si accomplis, si tendres ; comme Mme de la Fayette mit là tout ce que son âme aimante et poétique tenait en réserve de premiers rêves toujours chéris, et comme M. de la Rochefoucauld se plut sans doute à retrouver dans M. de Nemours cette fleur brillante de chevalerie dont il avait trop mésusé, et, en quelque sorte, un miroir embelli où recommençait sa jeunesse. Ainsi ces deux amis vieillis remontaient par l’imagination à cette première beauté de l’âge où ils ne s’étaient pas connus et où ils n’avaient pu s’aimer. »


Malgré tout, la fin de leur vie devait être triste : la Rochefoucauld souffrait cruellement de la goutte, dont il avait ressenti la première atteinte, à trente-neuf ans, dans son fameux voyage d’Agen à Paris[307], et, à partir de 1671, Mme de la Fayette, elle aussi, ne cessa d’être malade. Dès le mois d’octobre 1669, Gourville, portant à Verteuil la nouvelle de la mort de Mme la princesse de Marcillac, trouva, nous dit-il[308], « que M. de la Rochefoucauld ne marchoit plus ; les eaux de Barèges l’avoient mis en cet état. » Mais ce sont surtout les lettres de Mme de Sévigné qui nous permettent de suivre les phases et progrès du mal chez le duc. En mars 1671, elle nous le montre « criant les hauts cris… au point que toute sa constance étoit vaincue, sans qu’il en restât un seul brin, » et souhaitant « la mort comme le coup de grâce[309]. » Quinze jours après, la Rochefoucauld est dans son hôtel, « n’ayant plus d’espérance de marcher. Son château en Espagne, c’est de se faire porter dans les maisons, ou dans son carrosse pour prendre l’air[310]. » Une semaine plus tard, Mme de Sévigné constate un mieux sensible ; elle écrit à sa fille chez Mme de la Fayette, chez qui elle fait, comme elle dit, son paquet : « M. de la Rochefoucauld que voilà vous embrasse sans autre forme de procès, et vous prie de croire qu’il est plus loin de vous oublier, qu’il n’est prêt à danser la bourrée : il a un petit agrément de goutte à la main, qui l’empêche de vous écrire dans cette lettre[311]. »

Les jours où la Rochefoucauld était paralysé par la souffrance, ses amis se réunissaient chez lui, ou chez Mme de la Fayette, quand il se pouvait faire transporter chez celle-ci. Mme de Marans surtout, qui appelait le duc son fils, et qu’on nommait, elle, « sa folle de mère[312], » et Mme de Sévigné s’y installaient, en quelque sorte, à demeure ; la dernière y faisait même, nous venons de le voir, sa correspondance, ses paquets[313]. Au printemps de l’année 1672, après un hiver brillant à l’hôtel de Liancourt, l’horizon s’assombrit de nouveau pour la Rochefoucauld. Mme de la Fayette, de plus en plus affaiblie par le mal et dévorée par la fièvre, se retire à Flcurysous-Meudon, pour « se reposer, se purger, se rafraîchir[314]. » Lui, reste seul dans sa chaise de goutteux ; « il est dans une tristesse incroyable, et l’on comprend bien aisément ce qu’il a[315]. » Quelques jours après s’ouvre la fameuse campagne du Rhin, chantée par Boileau ; la Rochefoucauld, accablé de chagrin, voit tous ses enfants partir pour l’armée[316]. Au commencement du mois suivant (4 mai), il perd sa mère, Gabrielle du Plessis-Liancourt. Mme de Sévigné s’exprime sur le chagrin du duc de manière à en faire voir toute la profondeur : « Il a perdu sa vraie mère[317], dit-elle, je l’en ai vu pleurer avec une tendresse qui me le faisoit adorer… Le cœur de M. de la Rochefoucauld pour sa famille est une chose incomparable[318]. » Quelques mois plus tard arrive la nouvelle du passage du Rhin, suivie aussitôt de celle des pertes que la noblesse y avait faites. Il apprend que le prince de Marcillac a été grièvement blessé, que son quatrième fils, le chevalier, a été tué, ainsi que le duc de Longueville, « Nous étions chez Mme de la Fayette, dit Mme de Sévigné[319]… Cette grêle est tombée sur lui en ma présence… Ses larmes ont coulé du fond du cœur, et sa fermeté l’a empêché d’éclater. » Plusieurs fois la marquise revient sur ce triste sujet : « J’ai vu son cœur à découvert dans cette cruelle aventure ; il est au premier rang de ce que j’ai jamais vu de courage, de mérite, de tendresse et de raison. Je compte pour rien son esprit et son agrément[320]. » — « N’oubliez pas, dit-elle encore dans une lettre à sa fille, d’écrire à M. de la Rochefoucauld sur la mort de son chevalier et la blessure de M, de Marcillac ; n’allez pas vous fourvoyer : voilà ce qui l’afflige. Hélas ! je mens : entre nous, ma fille, il n’a pas senti la perte du chevalier, et il est inconsolable de celui que tout le monde regrette[321]. »

On comprend qu’après cela, malgré ses succès de salon et ses succès littéraires, auxquels il était également sensible, malgré l’amitié caressante de Mme de la Fayette et de Mme de Sévigné, la mélancolie de la Rochefoucauld, si rudement atteint dans son corps et dans son âme, n’ait fait que s’accroître dans les dernières années de sa vie. Il y a deux choses dont il nous parle dans ses Maximes avec une persistance significative : l’ennui, auquel il ne trouvait de remède que dans son extrémité même[322], et cette indolence, qu’il appelle la paresse, et qui, telle qu’il la définit, n’est autre que le découragement[323]. Dès le mois d’août 1671, il avait cédé sa duché-pairie à son fils aîné, « politique et complaisant[324], » partant fort bien en cour, pourvu d’une bonne pension, puis, plus tard successivement, avant la mort de son père, du gouvernement du Berri, à la place de Lauzun (décembre 1671), de la charge de grand maître de la garde-robe[325] (octobre 1672), et enfin de celle de

grand veneur (juillet 1679)[326]. Mme de Sévigné nous dit elle-même que la Rochefoucauld n’avait point d’autre faveur que celle dont jouissait son fils le prince de Marcillac[327]. À Versailles, il est vrai, quand le duc y allait, le Roi l’accueillait avec toutes sortes d’égards[328] ; mais, si bonne contenance que fît l’ancien Frondeur, au fond il souffrait sans aucun doute de son effacement forcé[329]. Parfois, quand sa santé le lui

permettait, il se rendait soit à Chantilly, soit, non loin de là, à Liancourt. En septembre 1676, il fait même, en compagnie de Gourville, un voyage dans le Poitou, et il y mène, par exception, joyeux train, allant « comme un enfant, » dit Mme de Sévigné[330], voir Verteuil rebâti et les lieux où il avait chassé avec tant de plaisir. Pendant ce temps, Mme de la Fayette était à Saint-Maur, avec « son mal de côté. »

L’année 1679 fut marquée pour la Rochefoucauld par une belle journée. Son petit-fils François de la Roche-Guyon épousa un des grands partis de France, Madeleine-Charlotte le Tellier, fille de Louvois. Langlade avait fait ce mariage, qui fut célébré avec une grande pompe le 23 novembre[331] ; le cadeau de noces du Roi fut magnifique[332] : brevet de duc sur la terre de la Roche-Guyon, survivance, pour le jeune époux, des charges de grand veneur et de grand maître de la garde-robe.

Le duc eût pu goûter un autre genre de satisfaction en se faisant élire à l’Académie française. Le célèbre érudit Huet, le futur évêque d’Avranches, sous-précepteur du Dauphin depuis 1670 et membre de l’Académie depuis 1674, avait fait une démarche auprès de Mme de la Fayette pour qu’elle engageât son ami à se mettre sur les rangs. Dans sa correspondance, conservée à la Bibliothèque nationale, sont les copies de deux billets, sans date, de la comtesse, qui rappellent cette invitation et le refus qui l’accueillit :

Je m’en vais envoyer votre lettre à M. de la Rochefoucauld. Je ne vous réponds de rien : il a la goutte, et ce seroit même une excuse pour n’être pas reçu en forme[333].

Du même jour.

M. de la Rochefoucauld vous est sensiblement obligé de l’envie que vous avez de l’avoir dans votre compagnie ; mais il vous supplie de vous contenter de cette bonne intention, et d’empêcher qu’on ne pense à lui. Je ne saurois assez vous dire quelle est sa reconnoissance. Il me prie de vous en assurer, et il vous conjure aussi de témoigner à tous vos Messieurs combien il leur est obligé et avec quelle joie il recevroit l’honneur qu’ils lui veulent faire, s’il s’en croyoit digne[334]. Mme de la Fayette avait, dit le manuscrit, ajouté ces mots sur l’adresse : « Il vous iroit remercier sans qu’il a la goutte. » En outre, au bas du feuillet portant ces deux copies, on lit ceci : ce Dans ses notes manuscrites, Huet parle de cette démarche faite, au nom de plusieurs de ses confrères, auprès de l’auteur des Maximes, et il ajoute : « M. de la Rochefoucauld refusa ce toujours de prendre place à l’Académie, parce qu’il étoit timide et craignoit de parler en public[335]. » L’année suivante, 1680, s’annonça mal pour le duc et pour son amie. Celle-ci, en proie à de cruelles souffrances, ne quitte plus le lit, cherchant à se soutenir à l’aide du fameux bouillon de vipère tant prisé au dix-septième siècle[336]. Son âme cependant est toujours sereine : « C’est assez que d’être, » disait-elle, se résignant à son état maladif. La Rochefoucauld, de plus en plus goutteux, en est réduit aux empiriques : il a recours au frère Ange, religieux qui passait pour faire des cures merveilleuses ; puis il s’adresse au médecin anglais Talbot[337]. Leurs remèdes ne lui réussissent pas mieux que n’avaient fait les eaux de Barèges ; il devient évident, dès le mois de mars, que sa goutte remonte[338]. Le 15, Mme de Sévigné écrit à Mme de Grignan[339] : « Je crains bien que nous ne perdions cette fois M. de la Rochefoucauld ; sa fièvre a continué ; il a reçu hier Notre-Seigneur ; mais son état est une chose digne d’admiration : il est fort bien disposé pour sa conscience, voilà qui est fait. » Ce dernier mot est comme un cri de soulagement chez la marquise ; il trahit le genre de souci qui préoccupait l’entourage du duc ; on avait eu peur évidemment que ce philosophe, que Port-Royal avait en vain assiégé de toutes parts, ne mourût dans l’endurcissement de l’impénitence. Il n’en fut rien ; ce fut Bossuet qui lui administra les sacrements et recueillit son dernier soupir. « Il voulut expirer entre ses bras, dit le cardinal de Bausset dans son Histoire de Bossuet (tome II, p. 112), et être soutenu, dans ce grand combat de la vie et de la mort, par cet homme qui savait si bien parler de l’éternité à ceux à qui le temps est prêt à échapper. » Nous savons par Bourdelot, un des médecins qui l’assistèrent, que, jusqu’à la fin, du moins jusqu’à l’agonie même (voyez la page suivante), il garda sa connaissance[340], Le corps fut présenté à Saint-Sulpice et porté de là chez les Cordeliers de Verteuil en Poitou[341]. Il quitta ce monde dans la nuit du 16 au 17 mars 1680, juste au second anniversaire de la publication de la Princesse de Clèves, et presque une année après Mme de Longueville, qui s’était éteinte aux Carmélites le 15 avril 1679[342]. Avant de mourir, il fit brûler tous ses papiers. « Il a bien fait, écrit à Bussy Rabutin le marquis de Trichâteau le 1er avril 1680[343], de brûler ses papiers, si cela lui pouvoit faire de l’embarras en l’autre monde ; mais je crois que celui-ci a perdu d’aimables amusements. » Le jour même de la mort, le dimanche 17, Mme de Sévigné écrit à sa fille, la tête toute « pleine de ce malheur et de l’extrême affliction » de Mme de la Fayette ; elle lui raconte comment le duc, la veille encore, semblait revenir à la santé, si bien que chacun autour de lui « chantoit victoire ; » tout à coup le mal avait redoublé ; l’oppression et les rêveries, c’est-à-dire le délire, l’avaient saisi, et il était mort étranglé « traîtreusement » par la goutte, en quatre ou cinq heures, « dans cette chaise que vous connoissez. » Avec quelle éloquence du cœur la marquise, dans cette même lettre, parle de « l’horreur des séparations » ! M. de Marcillac, dit-elle, est bien triste, « mais il retrouvera le Roi et la cour ; toute sa famille se retrouvera en sa place ; mais où Mme de la Fayette retrouvera-t-elle un tel ami ?… Elle est infirme, elle est toujours dans sa chambre, elle ne court point les rues ; M. de la Rochefoucauld étoit sédentaire aussi : cet état les rendoit nécessaires l’un à l’autre ; rien ne pouvoit être comparé à la confiance et aux charmes de leur amitié[344]. » Le 20 mars, jour où l’on transporta le corps du duc à Verteuil, Mme de Sévigné reprend sa lettre inachevée : « Il est enfin mercredi, écrit-elle. M. de la Rochefoucauld est toujours mort, et M. de Marcillac toujours affligé… La petite santé de Mme de la Fayette soutien mal une telle douleur[345]. » Le 22, on lit encore dans une lettre de la marquise : « M. de Marcillac est affligé outre mesure ; son pauvre père est sur le chemin de Verteuil fort tristement[346]. » Le 26 : « Jamais homme n’a été si bien pleuré[347]. » Trois mois après, cette grande plaie se cicatrise : « On serre les files, il n’y paroît plus[348]. » Il y avait cependant au monde une personne pour laquelle la résignation était moins facile : c’était Mme de la Fayette ; elle ne savait plus que faire d’elle-même[349] ; la vue seule de l’écriture de son ami la faisait pleurer[350] : le temps, « si bon aux autres[351], » ne pouvait qu’augmenter sa tristesse. Elle vécut treize années encore, d’une vie toute languissante, tournée vers la religion, et mourut le 3 juin 1693[352].

J. Gourdault.

APPENDICES

DE LA NOTICE BIOGRAPHIQUE.


I

(Voyez p. ii et note 2.)
acte de baptême de françois vi de la rochefoucauld.
Extrait du Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, où Jal l’a cité textuellement, à peu près en entier (p. 739).

Le 15 septembre 1613, à deux heures et demie après midi, naquit, rue des Petits-Champs, un enfant qui, le 4 octobre suivant, fut baptisé à l’église Saint-Honoré, sous le nom de François « fils de Messire compte (sic) de la Rochefoucauld, prince de Marcillac, consr du R. en ses conseils d’Estat et priué, et me de sa garde-robe, et de Mad. Gabrielle duplaissis (sic), sa femme. »

Le parrain fut « Rév, père en Dieu, Messre François, cardinal de la Rochefoucauld ; » la marraine « Mad. Antoinette de Ponce, marquise de Guercheville, dame d’hon[neur] de la R. et épouse de Mre Charles duplaissies (sic), chevr de l’ord. du R., premier escuyer d’honneur du R., lieut gl pour Sa Maj, en la ville et prevosté de Paris, seigr de Liencourt et autres lieux. »

Le baptême fut administré par « Rév. père en Dieu, Mre Ant. de la Rochef., » évêque d’Angoulême, avec la permission de Mgr l’archevêque de Paris.


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Il a paru, au milieu du dix-septième siècle, un livre intitulé : « Généalogie de la très-grande, très-ancienne et très-illustre maison de la Rochefoucaut. Imprimé aux despens de Monsieur de Roissac[353]. M.DC.LIV », in-4o ».

L’exemplaire qui est au Cabinet des titres de la Bibliothèque nationale (Dossier bleu la Rochefoucauld 15 120) est chargé de corrections, de notes manuscrites, qui paraissent être de la main de d’Hozier. Au verso du feuillet de titre de l’exemplaire, annoté lui aussi, qui est à la Réserve du département des imprimés (L 3m 539), on lit cette note : « Avec des remarques prises sur celles qu’a faites M. d’Hozier dans le sien. » L’annotateur du volume du Cabinet relève durement les hautes prétentions affichées dans les premières pages, ces « visions, dit-il, dont on gâte ordinairement toutes les généalogies. » La préface débute par un second titre qui montre en quoi ces visions consistent :

« Briève description généalogique de la très-grande… maison de la Rochefoucaut…, où est prouvée sa descente depuis Sigisbert roi d’Austrasie, fils de Clotaire premier du nom, roi de France, jusqu’à présent, de père en fils. »

Plus modeste est la généalogie que nous avons citée dans la Notice (p. ii), et qui fut imprimée, environ trente ans plus tôt, avec ce titre : « Généalogie de l’ancienne et illustre maison de la Rochefoucauld, dressée sur les chartes, titres et histoires plus fidèles, par André du Chesne, G. [Généalogiste] du Roi… À Paris. M.DC.XXII. » Du Chesne ne remonte pas au delà de Foucauld I et va jusqu’à François V.

Dans les lettres d’érection, plusieurs fois citées, de 1622, il est dit que François V témoigne, par les preuves qu’il a données de son courage et de sa fidélité, « être digne successeur des comtes de la Rochefoucauld, issus de l’illustre maison de Luslgnan, qui ont eu cet honneur d’être entrés en des alliances royales[354]. » On peut voir ce qui est dit dans l’Histoire généalogique[355] de cette tradition conjecturale de descendance des Lezignem ou Lusignan, de la manière dont l’abbé le Laboureur a cherché à l’établir, et de l’opinion d’André du Chesne, qui n’a pas encore, dit-il, trouvé

« la vraie jonction ».
sur le titre de cousin et la tabouret.
(Extrait d’un mémoire de d’Hozler.)

« Les ducs de la Rochefoucauld sont traités de cousins par rapport à leur dignité[356], depuis 1622 que le comté de la Rochefoucauld fut érigé en duché ; mais je ne crois pas que les princes de Marcillac, fils aînés des ducs de la Rochefoucauld, aient aucun titre, ni même d’anciens exemples d’avoir été traités de cousins.

« La terre de Marcillac érigée en principauté ne donne aucune prérogative à son possesseur, et il y a plus d’apparence qu’en dressant quelque expédition pour les princes de Marcillac, on se sera servi pour modèle de celles faites pour les ducs leurs pères, et que la qualité de cousin s’y sera glissée. Le père de M. le duc de la Rochefoucauld d’aujourd’hui[357], n’étant que prince de Marcillac, fut fait gouverneur de Poitou en 1646, dans les provisions il est traité de cousin. Son père avoit eu le même gouvernement.

« Le même prince de Marcillac se trouva engagé dans la rébellion des Parisiens, l’an 1649 ; et le prince de Conty, qui étoit à la tête de ce parti, demanda, dans ses propositions de paix, de procurer les honneurs du Louvre au prince de Marcillac, et le tabouret à sa femme. Après que le Roi eut accordé à la noblesse la révocation des rang et prérogatives extraordinaires, et avant que les nouveaux brevets donnés aux maisons de Rohan et de Bouillon eussent éclaté, Sa Majesté accorda, le 10 novembre 1649, un brevet au prince de Marcillac pour l’assurer qu’aucune personne de sa naissance, rang et condition, ne seroit honorée du tabouret, que la même grâce ne lui fût accordée, comme au fils aîné de la maison de la Rochefoucauld, pour la princesse de Marcillac, sa femme. Il se trouva depuis fortement engagé dans le parti de M. le prince de Condé, à la seconde guerre de Paris, sous le nom de duc de la Rochefoucauld, son père étant mort au mois de février 1651 (lisez 1650). Monsieur le Prince demanda pour lui, dans les propositions de paix qu’il donna à la cour l’an 1651, qu’on lui accordât un pareil brevet à celui de MM. de Bouillon et de Guémené, avec le gouvernement d’Angoumois et de Xaintonge, cent vingt mille livres d’argent, et permission de vendre ce gouvernement ; mais ces propositions ne furent pas acceptées. « Le brevet du 10 novembre 1649 a été le prétexte sur lequel M. le duc de la Rochefoucauld obtint, en 1679, l’érection de la Roche-Guyon en duché pour son fils aîné, pour lui procurer et à Madame sa femme les honneurs du Louvre. Ce fut aussi sur même prétexte qu’il s’opposa aux demandes que M. de Luxembourg fit au Roi, en 1685, des honneurs du Louvre pour ses enfants, comme issus de l’héritière de la maison souveraine de Luxembourg. »

(Mémoire sur les honneurs dont jouissent citez le Roi les princes, ducs et pairs, ducs non pairs, officiers de la couronne et autres seigneurs… « Je l’ai fait, dit d’Hozier, pour Mgr de Pontchartrain, en 1696, depuis chancelier de France. » — Ms. Clairambault 721, p. 510 et 511.)


En 1557, la maison de la Rochefoucauld contracta une étroite alliance avec une branche de la maison de Bourbon. François III, le bisaïeul de l’auteur des Maximes, épousa, cette année, Charlotte de Roye, dont la sœur ainée, Eléonore, avait épousé, en 1551, Louis I, prince de Condé, bisaïeul du grand Condé. Henri IV, et François IV, traité par le roi de Navarre de parent et de cousin dans ses lettres, nommaient donc tous deux Louis I leur oncle, l’un oncle paternel, l’autre oncle par alliance, et François VI était cousin de Louis II, le grand Condé, au troisième degré.

La Gazette du 5 janvier 1647 (p. 24) nomme François V, le premier après le duc d’Angoulème, parmi les parents qui reçoivent le duc d’Enghien quand celui-ci vient, le 30 décembre 1646, jeter, de la part du Roi, de l’eau bénite sur l’effigie de Henri II, prince de Condé, son grand-père.


III

(Voyez p. iv.)
lettre de henri iv à françois iv, comte de la rochefoucauld.

Mon cousin par ce que le Sr des marais vous fera bien amplement entendre comme après avons faict tout ce qui nous a este possible pô obtenir les plus advantageuses conditions que nous avons peu au traicte de la paix qu’il a pieu a Dieu nous donner. Je m’en remetray sur sa suffisance et vous prieray seullement de croire et vous asseurer que vous n’aurez jamais ung meilleur amy ne parent que moy, Qui eu ceste volonté prie le Créateur vous avoir Mon cousin en sa tres saincte et cligne garde, de Bergerac, ce xviiie septembre 1577.

Je vous prye Mon cousin vous assurer de mon amytie[358].

Vre bien afectionne cousin et assure amy
Henry.

Suscription (au verso d’un second feuillet) :

À Mon cousin Monsr le conte de la Rochefoucault.

IV

(Voyez p. xiii, etc.)
état des services militaires du duc françois vi
de la rochefoucauld.

Un membre de la famille de la Rochefoucauld nous a obligeamment communiqué un état des services militaires du duc François VI, qui lui a été récemment envoyé, sur sa demande, du Ministère de la guerre.

Il est à peu près identique avec celui de la Chronologie historique militaire de Pinard (1763, in-4o, tome VI, p. 209-211), sauf pour la part prise à la guerre civile, part indiquée par Pinard, et qui naturellement est omise dans le document fourni par le Ministère.

C’est également d’après Pinard qu’a été composé l’état inséré dans l’édition des Œuvres de 1865 (voyez, la Notice bibliographique, II, E, n°7).

Voici quel est dans la pièce ministérielle le détail des services :

Volontaire à l’attaque du Pas-de-Suse, 1629.

Mestre de camp d’un régiment de son nom[359], le 1er mai 1629.

Démissionnaire de ce régiment, en mars 1631.

Maréchal de camp, le 19 mai 1646.

Mestre de camp d’un régiment de cavalerie de son nom, le 11 septembre 1646, régiment licencié à la fin de 1648.

Gouverneur général du Poitou, le 3 novembre 1646.

Mestre de camp d’un régiment d’infanterie de son nom, le 10 février 1649.

Démissionnaire de ce régiment, le 2 novembre 1649.

Mestre de camp d’un nouveau régiment d’infanterie de son nom, le 10 novembre 1649.

Ce régiment lui fut retiré en février 1650.

Démissionnaire du gouvernement général du Poitou, en août 1651.

Après ce détail, le document officiel, suivant toujours Pinard, énumère les Campagnes, et y comprend l’attaque du Pas-de-Suse (1629), la conquête de la Savoie (1630), le siège de Nancy (1633). la bataille d’Avein (1635), le siège de Corbie (1636), la bataille de Rocroy et le siège de Thionville (1643), le siège de Gravelines (1644), les prises de Cassel, Mardick, Bourbourg, Ménin, Béthune, Saint-Venant (1645), les sièges de Mardick et de Dunkerque (1646), le siège d’Ypres (1648). Il mentionne une blessure reçue au siège de Dunkerque, et termine par la nomination de chevalier des ordres du Roi, du 31 décembre 1661.

Il y a là bien des actions auxquelles nous savons par les Mémoires ou autrement que François VI n’assista pas. Les Mémoires nous apprennent (p. 14) qu’il fit ses premières armes dans la campagne d’Italie de 1629, mais ne parlent pas du Pas-de-Suse. Nous le voyons ensuite (p. 22 et 23), comme volontaire, à la bataille d’Avein ou, comme il la nomme, d’Avène, en 1635 ; à son retour, il est « chassé, » dit-il, éloigné de la cour (p. 23 et 24). En 1636, il nous apprend simplement (p. 26 et 27) qu’il était à l’armée, en Picardie, et que « le Roi reprit Corbie. » Nous devons conclure qu’il n’était, en 1643, ni à la bataille de Rocroy ni au siège de Thionville, non point seulement de son silence à l’endroit des Mémoires (p. 81) où il en parle, mais encore de deux lettres de félicitation[360] écrites par lui de Paris à Condé. En 1646, il n’est pas à l’armée, mais à la cour, « dans un état ennuyeux » (p. 92). Il suit le duc d’Enghien à l’armée, en 1646 (p. 96 et 97) ; il est, comme il y a lieu de l’induire d’un passage de Gourville (p. 216), à la prise de Courtray, puis à celle de Mardick, où il est blessé, et non à la prise de Dunkerque[361], de trois coups de mousquet (p. 98). Ensuite sa vie ne nous offre plus, les rébellions omises, qu’un dernier souvenir militaire, bien postérieur. Une lettre de 1667 est écrite du camp devant Lille[362] : il est au siège comme volontaire, à l’âge de cinquante-quatre ans.


V

pièces relatives au gouvernement du poitou,
puis au temps de la guerre civile.
1o Répression par le prince de Marcillac des troubles du Poitou
(août à décembre 1648).
(Voyez ci-dessus p. xxxvi et note 2.)

« À Monsieur le prince de Marcillac, sur les désordres arrivés en Poitou dans les lieux où sont établis les bureaux des traites et [traites] foraines. Du 16e août 1648. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4178, fol. 95 et 96 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 108, fol. 91 et 92.)

« À Monsieur le prince de Marcillac, pour lui dire de tenir la main à ce qu’il ne sorte aucuns blés de Poitou et de Xaintonge. À Ruel, le 20e septembre 1648. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4178, fol. 119 vo et 120 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 108, fol. 115 et 116.)

« Lettre du Roi au prince de Marcillac, relative aux affaires de Poitou. 19 octobre 1648. » (Minute. Dépôt de la guerre, vol. 117, pièce no 90.)

« À Monsieur le prince de Marcillac, pour lui dire d’empêcher les armements et levées secrètes de gens de guerre, que l’on a avis de faire en Poitou. Du 19e octobre 1648. » (Bibl. nat., Ms.Fr. 4178, fol. 136 vo et 137 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 108, fol. 134 et 135.)

Marcillac répond, à ce sujet,

Au comte de Brienne[363] :
« Monsieur,

« Aussitôt que j’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, je me suis informé particulièrement de plusieurs gentilshommes de bas Poitou s’ils n’avoient eu aucune connoissance de l’avis qu’il vous a plu me donner, et ils m’ont[364] tellement assuré qu’ils n’en avoient rien su[365], que j’ai bien de la peine à croire que ce soit dans mon gouvernement qu’on ait essayé de faire des levées. Je ferai néanmoins toute la diligence possible pour en savoir certainement la vérité, et pour faire punir les coupables.

« Je vous supplie tris-humblement de croire que je vous avertirai de tout ce qui viendra à ma connoissance, et que je suis, Monsieur, votre très-humble et très-affectionné serviteur.

« Marcillac.
« À Vertœil, ce 29e octobre. »


Suscription : À Monsieur Monsieur le comte de Brienne, conseiller du Roi eu ses Conseils et secrétaire de ses commandements.

« Lettre du Roi au prince de Marcillac, par laquelle S. M. lui dit qu’Elle est informée par les fermiers des cinq grosses fermes que leurs droits ne sont perçus dans son gouvernement qu’avec beaucoup de difficulté. 5 novembre 1648. » (Minute. Dépôt de la guerre, vol. 117, pièce n° 113.)

« À Monsieur le prince de Marcillac. pour donner son avis sur l’absence de quelques-uns des échevins de Niort. Du 11e novembre 1648. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4178, fol. 158 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 108, fol. 160 et 161.)

« Lettre du Roi au prince de Marcillac, sur la plainte portée par l’abbaye de Fontevrault contre les fermiers. 20 novembre 1648. » (Minute. Dépôt de la guerre, vol. 117, pièce n° 113.)

« À Monsieur le prince de Marcillac, pour faire relâcher six habitants de Saint-Hermine et Saint-Jemme, à cause des désordres qui sont arrivés en Poitou. 7 décembre 1648. » (Dépôt de la guerre, vol. 108, fol. 106 et 107.)

« Lettre de M. le Tellier à mondit sieur le prince de Marcillac, sur le même sujet et autres points, dudit jour. » (Dépôt de la lierre, vol. 108, fol. 107-109.)

« À Monsieur le prince de Marcillac, pour se rendre dans son gouvernement de Poitou. 30 décembre 1648. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4178, fol. 287 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 108, fol. 248.)

Première rébellion du prince de Marcillac (janvier 1649).
(Voyez ci-dessus, p. xxxvi, et à l’appendice i du tome III, n° 9,
p. 249, 250, et note 3 de la page 250.)

« Instruction donnée au sieur abbé de Palluau s’en allant en Poitou. Du 16e janvier 1649, à Saint-Germain-en-Laye. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4179, fol. 24 et 25.)

« À Monsieur le duc de la Rochefoucauld, touchant l’envoi du sieur abbé de Palluau eu Poitou, à cause de la rébellion de son fils. Du 17e janvier 1649. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4179, fol. 25 v° et 26.)

« À Monsieur des Roches-Baritault, sur ce sujet, dudit jour. »

« Il a été écrit à M. le marquis de Montausier, gouverneur
de Xaintonge et Angoumois, et au sieur comte de Jouzac, lieutenant de Sa Majesté ès-dits lieux, de semblables lettres et pour le même sujet. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4179, fol. 26 v°.)

« Lettre à M. le marquis d’Aumont, pour se rendre au plus tôt en son gouvernement. Le 16 janvier, à Saint-Germain. »

« Il a été écrit aux habitants de Poitiers pour leur dire d’agir sous les ordres dudit sieur marquis d’Aumont, et de le faire garder. Dudit jour 16e janvier 1649. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4179, fol. 27.)
Lettre du prince de Marcillac aux maire et échevins de Poitiers (avril 1649, à la veille de la conclusion de la paix de Rueil)[366].
(Voyez ci-dessus, p. xxxviii et note 3.)

Messieurs,

Le Roi ayant, par sa déclaration vérifiée au Parlement le premier de ce mois, fait cesser tous mouvements et si bien apaisé les troubles de son État que nous sommes à présent pour jouir en France d’un repos assuré, attendant qu’eu bref, suivant les intentions de Sa Majesté, nous ayons conclu la paix générale, je vous donne avis par celle-ci, mon indisposition et l’incommodité de mes blessures ne me l’ayant pu permettre plus tôt ; vous saurez donc, s’il vous plaît, faire observer toutes choses ordinaires en semblable cas.

C’est pourquoi je ne ferai la présente plus longue, et vous assure que je suis votre très-humble et très-affectionné serviteur.

Marcillac.

À Paris, ce 7 avril 1649.

Seconde rébellion du prince de Marcillac, duc de la
Rochefoucauld
[367] (1er février à 11 mai 1650).
(Voyez ci-dessus, p. xli et note 2.)

« Déclaration du Roi adressée au parlement de Dauphiné, portant commandement aux duc de Bouillon, maréchaux de Brezé et de Turenne, et prince de Marciilac, de se rendre près du Roi, à peine de crime de lèse-majesté. Du 1er jour de février 1650. À Paris. » (Bibl. nat., Ms, Fr. 4181, fol. 114-116 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 120, fol. 118-120.)

« À M. le marquis des Roches-Baritault, sur la rébellion du prince de Marcillac. Du 12e février 1650. »

« Il a été écrit une semblable lettre à M. de la Rochepozay, pour la même chose, dans l’étendue de sa charge, dudit jour. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181, fol. 143 et 144 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 120, fol. 146 et 147.)

« À Monsieur de la Rochepozay, sur l’avis que l’on a eu que le prince de Marcillac assemble quelques gens de guerre en Poitou. Du 9e avril 1650[368]. »

« II a été écrit de semblables lettres aux sieurs des Roches-Baritault pour son département de Poitou, et aux gouverneurs et lieutenants généraux de Touraine, Anjou, Saintonge et autres, pour le même sujet. Il a aussi été écrit aux principales villes desdits pays, ledit jour. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181, fol. 228 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 120, fol. 228.)

« À Monsieur de Comminges, pour aller dans le Poitou, avec les troupes qu’il pourra assembler, en qualité de maréchal de camp, y dissiper les levées et les rébellions que le prince de Marcillac y pourroit causer, et le pousser hors la province. Du 16e avril 1650. »

« Il a été écrit, sur ce même sujet, aux sieurs des Roches-Baritault, de la Rochepozay, et autres gouverneurs de ladite province de Poitou, ledit jour 16e avril 1650. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181, fol. 230-232 ; copie au Dépôt de la guerre, vol, 120, fol. 230-232.)

« Aux habitants des villes de Poitiers, Tours, Niort, Fontenay et autres, pour leur dire de faire garde à leurs portes pour empêcher que les rebelles ne se saisissent desdites places. Du 19e avril 1650. »

« Il a été écrit à M. le duc de Rohan et à MM. des Roches-Baritault, la Rochepozay, et autres gouverneurs des provinces et villes du côté de Poitou, pour leur donner aussi avis sur la cessation de ladite garde ci-dessus. Ledit jour 19e avril 1650. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181. fol. 232 v° et 233.) « À Monsieur le comte du Dognon, pour recevoir du sieur baron

de Montendre et autres gentilshommes de ces quartiers-là les protestations de fidélité au service du Roi qu’ils sont obligés de lui rendre[369]. Du 7e mai 1650. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181, fol. 247 v° et 248.)

« À Monsieur l’évêque de la Rochelle, de la main de Mgr le Tellier, sur ce sujet, dudit jour. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181, fol. 249.)

« Déclaration du Roi contre Mme la duchesse de Longueville, les duc de Bouillon, maréchal de Turenne, prince de Marcillac et leurs adhérents. Du 9e de mai 1650, à Paris. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181, fol. 251 v°-257.)

« À Monsieur le maréchal de la Meilleraye, pour lui donner avis des pratiques qui se font à Bordeaux contre le service du Roi, et lui ordonner de pousser le prince de MarcilIac hors le Poitou et M. de Bouillon du vicomte de Turenne. Du 11e mai 1650. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4181, fol. 269 v°-261 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 120, fol. 260-262.)

À Monsieur de Bar, pour lui dire de laisser parler a mesdits
sieurs les Princes les sieurs duc de la Rochefoucauld,
président Viole et Arnaud, dudit jour
(10e février 1651).
(Voyez ci-dessus, p. xlvii et note 2.)

Monsieur de Bar, mon cousin le duc de la Rochefoucauld, le sieur président Viole et le sieur Arnaud, s’en allant au Havre avec ma permission pour voir mes cousins les princes de Condé et de Conty et duc de Longueville, j’ai bien voulu, par l’avis de la Reine, vous faire cette lettre pour vous dire que vous ayez à les laisser entrer en ma citadelle du Havre, et voir mesdits cousins, et les entretenir en votre présence. Et sur ce, je prie Dieu, etc.

(Bibl. nat., Ms. Fr. 4182, fol. 431 ; cet ordre fait partie d’une série de pièces toutes relatives au traitement des Princes dans la

prison du Havre, et à leur mise en liberté.)
Dernière rébellion du duc de la Rochefoucauld
(février à avril 1602).
(Voyez ci-dessus, p. l, et note 5.)

« Ordre au sieur de Chalesme[370], pour se saisir des châteaux de la Rochefoucauld, Vertœil et la Vergne. Du 16e février 1652. »

« Il a été écrit à M. le comte d’Harcourt et à M. le marquis de Montausier, sur ce sujet, ledit jour. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4184, fol. 112 et 113.)

« Au capitaine de Chalesme, pour recevoir les ordres de M. de Montausier au sujet de la garde de la Rochefoucauld et Vertœil. Du 14e mars 1652, à Amboise. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4184, fol. 181.)

« À MM. du Plessis-Bellièrc et marquis de Montausier, sur ce qu’ils auront à faire avec les troupes du Roi en conséquence de la prise de Xaintes et de Taillebourg. Du 4e avril 1652, à Sully. » (Bibl. nat., Ms. Fr. 4184, fol. 214 v°-218 ; copie au Dépôt de la guerre, vol. 135, fol. 170 et 171.)

Cette lettre contient (fol. 217 v° et 218), après un ordre de gratification de cent écus pour chacune des compagnies d’infanterie qui ont servi aux sièges de Xaintes et de Taillebourg, le paragraphe suivant :

« Et parce que j’ai trouvé bon de décharger de garnison les terres de la Rochefoucauld et Verteuil, la Terne, Marcillac et Montignac, à cause qu’il a été vérifié que la jouissance en doit être délaissée à ma cousine la duchesse de la Rochefoucauld, ainsi que je l’écris particulièrement à vous, sr de Montausier, par une dépêche qui vous sera rendue par celui qui a sollicité cette décharge de la part de madite cousine, à la charge toutefois qu’elle n’y fera donner aucune retraite ni assistance aux ennemis dans lesdits lieux, et en ceux en dépendance dont elle doit jouir, je désire que vous retiriez ledit capitaine Chalesme et sa compagnie desdits lieux. »

Défection de novembre 1652.
Fragments de deux lettres du marquis de Montausier à le Tellier.
(Voyez ci-dessus, p. lv et note 1.)

« … Pour ce qui regarde l’Angoumois, la permission que le Roi adonnée à M. de Marcillac de demeurer dans les maisons de son père y est fort nuisible ; car sa présence réveille beaucoup de factieux endormis, qu’il visite et dont il est visité sous prétexte de chasse et de divertissement. On dit qu’on veut donner une pareille permission à M. de la Rochefoucauld ; si cela est, je ne réponds pas d’Angoulême, n’y ayant que des bourgeois pour garder la ville, qui sont si las de ce métier que, quelque rigueur dont je me serve, je ne les y puis plus obliger, n’y ayant quelquefois que trois ou quatre bourgeois à la garde : de sorte que le voisinage de M. de la Rochefoucauld et de M. de Marcillac est plus dangereux pour cette ville que celui d’une armée ennemie ; car le bruit de celle-ci obligeroit les habitants à se tenir sur leurs gardes par la peur qu’elle leur feroit, à quoi ces deux Messieurs ne les obligeroient pas, faisant semblant de ne s’occuper qu’à la chasse, outre que, si les ennemis entroient en ce pays par quelque endroit, ces gens ici se pourroient servir de l’occasion, durant qu’on s’opposeruit à cet orage. Ainsi, Monsieur, la demeure de personnes aussi suspectes que celles-là dans leurs maisons ne peut être que très-pernicieuse au service du Roi, et je vous conjure de faire révoquer celle du fils et refuser celle du père. Ce n’est point mon intérêt qui me fait parler en ceci, car j’ai toute ma vie été leur ami ; mais c’est le service du Roi, au prix duquel je ne considère personne… »

(Lettre du marquis de Montausier à le Tellier, du 14 novembre 1652. — Dépôt de la guerre, vol. 134, pièce no 371. — Publiée dans les Souvenirs du règne de Louis XIV, par M. le comte de Cosnac, tome V, p. 125-131.)

« Je vous conjure, Monsieur, de ne pas négliger ce que je vous ai mandé par ma précédente touchant la permission qu’on a donnée à M. de Marcillac de demeurer en ce pays-ci et de celle qu’il dit que Monsieur son père a d’en faire de même. Rien n’est plus dangereux en ce pays-ci que cela ; c’est pourquoi je vous en rafraîchis la mémoire. »

(Post-scriptum d’une lettre du même au même, du 18 novembre 1632. — Dépôt de la guerre, vol. 134, pièce no 382. — Publiée ibidem, p. 134-187.)

Le volume 136 du Dépôt de la guerre contient (fol, 336 v°-344 v°) une pièce du 12 novembre 1652, intitulée :

« Déclaration du Roi contre les princes de Condé, de Conty, la duchesse de Longueville, le duc de la Rochefoucauld, le prince de Talmont et leurs adhérents. »


VI

hôtel de la rochefoucauld (rue de Seine[371]).
(Voyez ci-dessus, p. lxxi, note 3.)

« Cette maison a appartenu autrefois à Henri de la Tour, prince de Sedan, duc de Bouillon, vicomte de Turenne et maréchal de France[372]. Roger du Plessis, marquis de Liancourt, duc de la Roche-Guyon, pair de France, connu sous le nom de duc de Liancourt, chevalier des ordres du Roi, premier gentilhomme de sa Chambre, l’acheta ensuite et l’occupa jusqu’à sa mort[373] ; mais Henri-Roger du Plessis, son fils unique, étant mort avant lui et n’ayant laissé qu’une fille unique, nommée Jeanne-Charlotte du Plessis-Liancourt, que son grand-père maria, le 13 novembre 1659, à François de la Rochefoucauld, septième du nom, elle apporta à son mari cet hôtel et toute la succession du duc de Liancourt, son grand-père ; ce qui a fait prendre à cette maison le nom d’hôtel de la Rochefoucauld. La porte principale est sur la rue de Seine, et ne donne pas une grande idée de la maison ; cependant elle est grande, et est décorée d’une architecture dorique en pilastres, tant du côté de la cour, que du côté du jardin. On voit dans cet hôtel plusieurs tableaux qui viennent du duc de Liancourt. On y admire surtout un Ecce homo, d’André Solario, qui est regardé comme un tableau inestimable. » (Piganiol de la Force, Description historique de la ville de Paris, 1765 ; tome VIII, p. 184 et 185.)


« Hôtel Dauphin, de Bouillon, de Liancourt et de la
Rochefoucauld,
aboutissant rue Bonaparte.

« Cet hôtel occupait l’emplacement de deux propriétés contiguës qui bordaient la rue de Seine, et dont la première contenait un demi-arpent. Après avoir appartenu à Charles de Magny, « capitaine de la porte du Roi, » elle était, dès 1538, à François Bastonneau, notaire, lequel y fit construire une maison. La seconde propriété consistait en un jardin clos, d’environ sept quartiers, lequel, après avoir appartenu aussi à Charles de Magny, et ensuite à Jean-Jacques de Mesmes, seigneur de Roissy, lieutenant civil de la prévôté de Paris, était passé, dès 1543, aux mains de Nicolas Dangu, évêque de Seez, puis de Mende. En 1586, les deux propriétés étaient fondues en une seule, et appartenaient à François de Bourbon, duc de Montpensier, dauphin d’Auvergne ; d’où le nom de « Hostel Daulphin » qu’on trouve dans le censier de 1595, où il est dit que l’hôtel était alors possédé par M. de Penillac. Il fut ensuite acquis par Henri de la Tour, duc de Bouillon, maréchal de France, et après sa mort, arrivée en 1628, par Roger du Plessis, sieur de Liancourt, qui le fît rebâtir sur les dessins de Lemercier, l’architecte du Louvre. La petite-fille du duc de Liancourt ayant épousé, en 1659, le duc François de la Rochefoucauld, celui-ci devint propriétaire de l’hôtel, que l’on continua à appeler l’hôtel de la Rochefoucauld ; cependant il fut vendu, en 1718, par le prince de Marcillac à la famille Gilbert des Voisins. La rue des Beaux-Arts a été ouverte, en 1825, sur l’emplacement de cet édifice, détruit peu auparavant. » (Topographie historique du Vieux Paris par feu Berty et Tisserand. Région du bourg Saint-Germain, p. 239 et 240.)


VII

lettre de madame de la fayette à madame de sable[374].
(Voyez ci-dessus, p. lxxv et note 2.)
« Ce lundi au soir [1665 ou 1666].

« Je ne pus hier répondre à votre billet, parce que j’avois du monde, et je crois que je n’y répondrai pas aujourd’hui, parce que je le trouve trop obligeant. Je suis honteuse des louanges que vous me donnez, et, d’un autre côté, j’aime que vous ayez bonne opinion de moi, et je ne veux vous rien dire de contraire à ce que vous en pensez. Ainsi je ne vous répondrai qu’en vous disant que M. le comte de Saint-Paul sort de céans, et que nous avons parlé de vous, une heure durant, comme vous savez que j’en sais parler. Nous avons aussi parlé d’un homme que je prends toujours la liberté de mettre en comparaison avec vous pour l’agrément de l’esprit. Je ne sais si la comparaison vous offense, mais, quand elle vous offenseroit dans la bouche d’un autre[375], elle est une grande louange dans la mienne, si tout ce qu’on dit est vrai. J’ai bien vu que M. le comte de Saint-Paul avoit ouï parler de ces dits-là, et j’y suis un peu entrée avec lui ; mais j’ai peur qu’il n’ait pris tout sérieusement ce que je lui en ai dit. Je vous conjure, la première fois que vous le verrez, de lui parler de vous-même de ces bruits-là. Cela viendra aisément à propos, car je lui ai donné les Maximes, et[376] il vous le dira sans doute ; mais je vous prie de lui en parler bien comme il faut pour lui[377] mettre dans la tête que ce n’est autre chose qu’une plaisanterie[378] ; et je ne suis pas assez assurée de ce que vous en pensez pour répondre que vous direz bien, et je pense qu’il faudroit commencer par persuader l’ambassadeur. Néanmoins il faut s’en lier à votre habileté ; elle est au-dessus des maximes ordinaires ; mais enfin persuadez-le. Je hais comme la mort que les gens de son âge puissent croire que j’ai des galanteries[379]. Il me[380] semble qu’on leur paroît cent ans dès qu’on[381] est plus vieille qu’eux, et ils sont tous propres à s’étonner qu’il soit encore question des gens ; et de plus il croiroit plus aisément ce qu’on lui diroit de M. de la R. F.[382] que d’un autre. Enfin je ne veux pas qu’il en pense rien, sinon qu’il est de mes amis, et je vous prie[383] de n’oublier non plus de lui ôter cela de la tête, si tant est qu’il l’ait[384], que j’ai oublié votre message. Cela n’est pas généreux de vous faire souvenir d’un service en vous en demandant un autre. » En marge : « Je ne veux pas oublier de vous dire que j’ai trouvé terriblement de l’esprit au comte de Saint-Paul. » Parmi les huit lettres de Mme de la Fayette à Mme de Sablé, il y en a doux, les n05 2 et 3 d’Édouard Fournier (p. 120-122), qui nous paraissent confirmer la date assignée par Sainte-Beuve, non pas au commencement d’amitié, mais à la tendre intimité et aux quotidiennes relations. Qu’on veuille bien relire les extraits que M. Gilbert a donnés, au tome I, p. 374 et 375, de ces deux lettres, dont la première a échappé à Cousin et à Sainte-Beuve. Elles sont du temps où les Maximes, déjà imprimées quand fut écrite la lettre où il s’agit du comte de Saint-Paul, étaient encore manuscrites, c’est-à-dire, très-probablement, d’une de ces dix années antérieures à 1665, qu’avant Sainte-Beuve on comprenait dans l’époque d’étroite intimité. L’auteur avait communiqué son écrit à Mme de Sablé, qui, à son tour, sans paraître agir au nom de l’auteur, le communiquait aux personnes considérées comme les plus capables d’en bien juger. Or peut-on dire que le jugement qu’en porte Mme de la Fayette et la manière dont il est exprimé, surtout dans le premier extrait, impliquent vive estime et soient d’une tendre et familière amie ? Puis la communication par un tiers ne suffit-elle pas à montrer que l’époque d’entière confiance où l’on ne se cachait rien et où l’on se voyait si souvent, n’avait pas encore commencé ?


VIII

sur la maladie, la mort et l’autopsie du duc
de la rochefoucauld.
(Voyez ci-dessus, p. xci et xcii.)

Un recueil fort rare, publié, dans l’année même, par Nicolas de Blegny, sous ce titre : Le Temple d’Esculape ou le Dépositaire des Nouvelles découvertes qui se font journellement dans toutes les parties de la médecine[385], contient (tome II, in-12, 1680, p. 277-291, et p. 300-309) « sur la mort et sur l’ouverture de Mgr le duc de la Rochefoucauld » une correspondance qui aurait pu fournir à Molière, s’il n’eût précédé le moraliste de sept ans dans la tombe, quelques épigrammes nouvelles. C’est une lettre adressée par l’abbé Bourdelot, premier médecin de la reine de Suède (Christine) et de S. A. S. Monseigneur le Prince, au célèbre Fagon, alors premier médecin de la Reine (de France), puis la réponse de Fagon et une réplique de Bourdelot. Celui-ci, rendant compte de l’ « ouverture » du corps faite par le docteur Morel, affirme que « la cause de la mort a été la grande abondance du sang qui a gorgé et inondé le poumon, » et amené « la suffocation de cette partie. » Trois ans auparavant, Bourdelot avait traité le duc d’ « une péripneumonie… avec crachement de sang, » et l’avait sauvé, dit-il, en le faisant « saigner vigoureusement. » Lors de la rechute, les médecins (« MM. Lisot, Duchesne et moi ») conseillèrent aussi « de grandes saignées des pieds et des bras ; » mais « les parents et assistants, par tendresse ou mal persuadés sur les remèdes, n’y ont point voulu consentir… Nous sommes dans un siècle où tout le monde croit être médecin. Il y a une corruption dans les esprits qui les empêche d’entendre tout ce qui est raisonnable et leur fait avoir recours à des remèdes bizarres, qui sont toujours funestes. Les parents et les amis du malade s’opposèrent à la saignée. Ils dirent qu’il étoit âgé, que la saignée n’étoit pas bonne aux goutteux, que le médecin anglois[386] et d’autres gens guérissoient les fièvres sans saignées, et, pendant qu’ils s’opiniàtrèrent à s’en tenir à ces petites raisons et à d’autres aussi méchantes, le poumon s’étant gorgé de sang, » les symptômes devinrent de plus en plus graves et la mort suivit.

Fagon, avec des ménagements d’infinie politesse, admet que le malade a est mort suffoqué par le débordement du sang dans le poumon, » mais il veut que ce soit le cerveau qui, « inondé d’une sérosité maligne, » ait causé le dernier étouffement « parla paralysie des nerfs du poumon et du diaphragme. » Bourdelot maintient son dire : à savoir, que a la cause de la mort et celle du mal par conséquent étoit principalement renfermée dans le thorax… Il n’y a point eu de transport au cerveau, car le raisonnement du malade a toujours été bon. » Mais ce que surtout il soutient jusqu’au bout et ce que son confrère ne nie pas, c’est « que de bonnes saignées l’auroient guéri. »


Il y a dans les Portefeuilles de Vallant, tome XIV, p. 137-140, une note, de sujet analogue, sur la mort et l’autopsie de Mme de Longueville, décédée dans la nuit du vendredi au samedi 15 avril 1679, « à quatre heures et lui demi quart du matin, » âgée de cinquante-neuf ans et demi « elle en auroit eu soixante accomplis le jour de saint Augustin, qui est le 28e août. Elle n’avoit eu pendant sa maladie nulle frayeur ni trouble. » L’autopsie fit voir « la rate pourrie et en bouillie noire ; le rein gauche de même et fort petit… ; le cœur grand et flétri ; quasi point de sang dans la (veine) cave… ; cerveau flétri, avec de l’eau rougeâtre dans les ventricules. » — Hélas ! qu’était devenue cette beauté tant prisée dans sa jeunesse et dont le souvenir a passionné, de nos jours encore, un éloquent historien-philosophe ?


IX

articles relatifs au duc de la rochefoucauld, françois vi,
à ses enfants et à son petit-fils, le duc de la roche-guyon
,
dans le Dictionnaire des bienfaits du Roi (tome IV et dernier)
de l’abbé de Dangeau[387].
(Voyez ci-dessus, p. lxxxvii-xc.)

« Le duc de la Rochefoucauld se nommoit François (VI) de la Rochefoucauld, avoit épousé Andrée de Vivonne de la Châteigneraie, dont il a eu : le duc de la Rochefoucauld ; le chevalier de la Rochefoucauld ; l’abbé de MarclUac ; le chevalier de Marcillac, tué dans la guerre de Hollande en 72 ; l’abbé de Verteuil et trois filles.

« Étoit duc et pair ; il se démit de son duché en faveur du prince de Marcillac, son fils. Nonobstant sa démission, le Roi lui conserva les honneurs du Louvre.

« Avait été gouverneur de Poitou ; avoit vendu cent mille écus au duc de Roannais.

« 1er janvier 62, le Roi le fait chevalier de l’Ordre. »

« Le duc de la Rochefoucauld se nomme François (VII) de la Rochefoucauld. Jusqu’à la mort de son père, on l’a appelé prince de Marcillac ; a épousé Jeanne-Charlotte du Plessis de Liancourt, petite-fille et héritière du duc de Liancourt, dont il a eu : le duc de la Rûche-Guyon et le marquis de Liancourt.

« Novembre 61, le Roi lui donne un brevet de justaucorps en broderie.

« 64, le Roi le fait mestre de camp du régiment royal ; achète quarante mille écus de Montpezat, vend vingt-trois mille écus au marquis de Planci.

« Août 71, le Roi le fait duc et pair sur la démission du duc de la Rochefoucauld, son père.

« Le Roi lui donne une pension de dix-huit mille livres.

« Décembre 71, le Roi le fait gouverneur de Berri; s’en démet, mars 81, en faveur du prince de Soubise, qui lui en donna cent mille écus.

« 21 octobre 72, le Roi lui donne la charge de grand maître de la garde-robe, vacante par la mort du marquis de Guitri, tué an passage du Rhin. Le Roi lui permet de choisir deux artisans de chaque métier pour servir à la garde-robe, qui ont chacun soixante livres de gages, avec les privilèges de commensaux de la maison du Roi. Le duc de la Roche-Guyon eut la survivance de cette charge, en novembre 79.

« 79, le Roi lui donne la charge de grand veneur, vacante par la mort du marquis de Soyecourt, en donnant aux héritiers deux cent trente mille livres, dont il eut un brevet « le retenue. Le duc de la Roche-Guyon eut la survivance de cette charge, 10 novembre 79.

« Le Roi lui donne la finance des charges de la chancellerie de Tournai ; il en a eu cent vingt mille écus. »

« Le chevalier de la Rochefoucauld se nomme Charles de la Rochefoucauld, frère du duc de la Rochefoucauld (François VII).

« [52,] le Roi lui donne l’abbaye de Molesme par[388] de François de Clermont ; cette abbaye est de l’ordre de Saint-Benoît, diocèse de Langres.

« 2 février 80, le Roi lui donne une pension de quatre mille livres sur l’évêché de Poitiers.

« 11 novembre 87, le Roi lui donne une pension de cinq mille livres sur l’abbaye de la Chaise-Dieu, que Sa Majesté donna pour lors à l’abbé de Marcillac, son frère. »

« De la Rochefoucauld, abbé de Marcillac, se nomme Henri-Achille de la Rochefoucauld, frère du duc de la Rochefoucauld (François VII).

« [67[389]], le Roi lui donne l’abbaye de Fontfroide, vacante par la mort de Jean de Noblet des Prés ; cette abbaye est de l’ordre de Cîteaux, diocèse de Narbonne.

« Il a deux pensions, l’une sur l’abbaye de Molesme, et l’autre sur Sainte-Colombe-lez-Sens.

« 11 janvier 87, le Roi lui donne l’abbaye de la Chaise-Dieu, vacante par la mort d’Hyacinthe Seroni, archevêque d’Albi ; cette abbaye est de l’ordre de Saint-Benoît, diocèse de Clermont, a un grand nombre de collations. »

« De la Rochefoucauld, abbé de Verteuil, se nomme Alexandre de la Rochefoucauld de Verteuil, frère du duc de la Rochefoucauld d’aujourd’hui (François VII).

« 24 février 79, le Roi lui donne l’abbaye de Beauport, vacante par la mort de la Rochepozay ; cette abbaye est de l’ordre de Prémontré, diocèse de Saint-Brieuc. »

À la suite (fol. 86 v°-88) viennent les articles relatifs à un oncle et à quatre tantes du duc François VII, c’est-à-dire à un frère de François VI : [Henri,] abbé de la Rochefoucauld, et à quatre de ses sœurs : Gabrielle, Catherine, Marie-Élisabeth, Anne-Françoise ; les prénoms de cette dernière ne sont pas donnés. Des donations enregistrées avec dates, il n’y en a que deux qui soient antérieures à la mort de notre duc : l’abbaye d’Issy, près de Paris, donnée à Gabrielle, qui refuse, et l’abbaye de Charenton donnée à Catherine.

« Le duc de la Roche-Guyon se nomme François (VIII) de la Rochefoucauld, fils aîné du duc (François VII) de la Rochefoucauld (petit-fils de François VI), a épousé Madeleine le Tellier, fille aînée du marquis de Louvois.

« 10 novembre 79, le Roi lui donne la survivance des charges de grand maître de la garde-robe et de grand veneur, que possède le duc de la Rochefoucauld, son père.

« Le Roi le fait duc ; la terre de la Roche-Guyon fut érigée en duché le 17 novembre 79 et vérifiée au Parlement.

« Février 81, le Roi lui donne une pension de neuf mille livres.

« Mars 84, le Roi lui donne un brevet de justaucorps en broderie.

« 83, le Roi le fait colonel du régiment de Navarre, par la mort du chevalier de Souvré. »

    Rochefoucauld, comme bien des goutteux, dit-on, était très-friand (voyez, dans notre tome III, p. 148-164, les lettres 65, 69, 70 et 74) ; la bête en lui, non moins que l’esprit, trouvait son compte dans l’hospitalière maison du faubourg Saint-Jacques.

    p. 46-48), est sans contredit la plus Illustre, la plus noble, la plus grande et la plus ancienne maison de la province de Saintonge et d’Angoumois. Le nom qu’elle porte est un nom patronymique, c’est-à-dire un nom composé du nom de baptême du premier qui soit connu et du nom du lieu où il faisoit sa demeure. »

    Hérodote donne à chacun de ses livres le nom d’une muse. » (Sainte-Beuve, Portraits de femmes, édition de 1845, p. 262, dans l’article la Rochefoucauld. placé à la suite de celui de Mme de la Fayette, et publié d’abord dans la Revue des Deux Mondes de janvier 1840.)

    novembre, il faut, à la date, lire novembre, au lieu d’octobre, ou supposer que l’ordre avait été donné d’avance:voyez à l’appendice i de notre tome III, p. 242.

  1. À Paris, et non à Marcillac, comme ou l’a imprimé dernièrement, par erreur, dans l’Inventaire des autographes… composant la collection de M. Benjamin Fillon (no 970) ; le 15 septembre, et non le 15 décembre, comme l’ont dit le P. Anselme, Moréri, Pinard dans sa Chronologie historique militaire (tome VI, p, 209), et, plus récemment, plusieurs d’après eux. Dans l’article de l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle, on le fait naître en 1618 et mourir en 1671 (au lieu de 1680).
  2. Le baptême fut administré par Antoine de la Rochefoucauld, de la branche de Barbezieux, évêque d’Angoulême, arrière-petit-fils du quadrisaïeul de l’enfant. Le parrain fut le cardinal François de la Rochefoucauld, de la branche de Randan, né en 1558, mort en 1645, alors évêque de Senlis, petit-fils du trisaïeul du nouveau-né ; la marraine, Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, grand’mère de l’enfant. Nous donnons à l’appendice I de la Notice biographique, ci-après, p. xcv, l’acte de baptême, que Jal heureusement avait extrait, à peu près en entier, des Registres de Saint-Eustache, avant l’incendie qui les a détruits en 1871 : voyez son Dictionnaire critique de biographie et d’histoire. p. 739 et 740.
  3. Le chapitre de l’église collégiale de Saint-Honoré fut supprimé à la fin de 1790, et l’église elle-même vendue en février 1792. Jusqu’en 1854, il s’en était conservé quelques vestiges au numéro 12 de l’îlot nommé encore aujourd’hui le Cloître Saint-Honoré, lequel a une entrée rue Croix-des-Petits-Champs, dite autrefois, tout court, rue des Petits-Champs.
  4. Voyez la Généalogie, à l’appendice II, p. xcvi et xcvii.
  5. Tome IV, p. 418.
  6. « La maison de la Rochefoucauld, dit d’Hozier, dans les Mémoires généalogiques sur l’origine des races des ducs, etc., dressés pour le Roi sur les ordres de Chamillart (Manuscrit Clairambault 719,
  7. Notre auteur dit à Mazarin, dans sa lettre du 2 octobre 1648 (tome III, p. 33) : « Je suis en état de justifier qu’il y a trois cents ans que les Rois n’ont point dédaigné de nous traiter de parents. » Cela nous porte au temps d’Aymery III de la Rochefoucauld, qui avait rendu des services considérables aux rois Philippe de Valois et Jean. Le P. Anselme (tome IV, p. 423) mentionne, à son sujet, des lettres royales, mais ne dit pas qu’il y soit traité de cousin.
  8. Ces titres d’honneur de Jean et de François de la Rochefoucauld sont rappelés dans les lettres d’érection du comté en duché-pairie, signées de Louis XIII (1622), et insérées dans le tome IV du P. Anselme (p. 414-417).
  9. Louis XIII, plus tard, se sert aussi, dans les lettres d’érection en duché que nous venons de citer, des mots de « très-cher et bien amé cousin. » Voyez ce qui est dit, à la fin de l’appendice ii, p. c, de l’alliance avec la maison de Bourbon.
  10. Voyez la France protestante de MM. Haag, tome VI, p. 254. — Le général Susane enregistre dans son Histoire de l’ancienne infanterie française (tome VIII, p, 49, n" 213) un régiment la Rochefoucauld protestant, levé en 1587, et licencié la même année, après avoir servi au siège de Fontenay.
  11. Tome VIII, p. 182, et tome II, p. 403 et 404. — Il y en a trois autres (tome I, p. 98-100) dont la suscription est simplement : « À M. de la Roche, » sans le titre de cousin, et que, à tort peut-être, on a cru être également adressées à François IV de la Rochefoucauld.
  12. Voyez l’appendice iii, p. c.
  13. Notice historique sur le duc de la Rochefoucauld, par M. Édouard de Barthélémy, p. 14, note 2.
  14. Ces lettres, données à Niort, furent enregistrées le 4 septembre 1631. François V ne fut reçu que le 24 juillet 1637, à cause de l’opposition de Richelieu : voyez le P. Anselme, tome IV, p. 414. Il devait être reçu le 5 septembre 1631, avec le duc de la Valette et le cardinal de Richelieu ; mais Mathieu Molé nous dit (Mémoires, tome II, p. 68, édition de la Société de l’Histoire de France) que, le Roi n’étant pas content du comte de la Rochefoucauld, et ayant donné ordre de s’opposer à sa réception, celui-ci ne vint pas à la séance du 5.
  15. Dans l’acte de baptême de son fils aîné (1613), François V a les titres de « conseiller du Roi en ses conseils d’État et privé, et maître de sa garde-robe. » Dans un autre, d’un fils de Christophe Cadot, brodeur du Roi, dont il fut parrain en 1617, il y a « grand maître, » au lieu de « maître, » et « gouverneur du Poitou et de Poitiers. » Voyez le Dictionnaire cité de Jal, p. 739 et 740. — Moréri place la création de la charge de grand maître de la garde-robe à la date du 26 novembre 1669 il veut parler sans doute de la réduction à un titulaire unique et par cela même plus important car, sans parler de l’acte de 1617 attribuant ce titre à François V, Montglat, dans ses Mémoires (tome I, p. 436), nomme, en 1643, deux grands maîtres (lui-même et un autre), et les États de la France que nous avons pu voir, à partir de 1648, en inscrivent tantôt quatre, tantôt, et le plus souvent, deux, jusqu’à l’époque où il n’y en a plus qu’un, avec deux maîtres. Un État de la France, publié l’année de la mort de François V (à Paris, chez Ch. de Cercy (sic), 1650), et dont on trouvera plus loin un extrait (voyez p. XLI, note 2), donne (p. 67) à François VI le titre de grand maître de la garde-robe, comme s’il avait succédé en cette charge à son père, qui, on le voit par les États antérieurs, ne l’avait pas conservée. Au reste cet État de 1650 se dément lui-même (p. 79) : il ne nomme pas notre duc parmi les titulaires de la charge. Même erreur et même démenti dans un autre État de 1652 (p. 76 et 173, à Blois, chez Fr. de la Saugère). Le titre rentra dans la famille par François VII, en 1672 : voyez l’appendice ix, p. cxvi.
  16. Benjamin de Rohan-Soubise, frère cadet du duc Henri de Rohan. Il soutint, en 1621, dans Saint-Jean-d’Angély, un siège de près d’un mois contre Louis XIII
  17. Des lettres de Louis XIII, de 1622, insérées dans les Mémoires de Mathieu Molé (tome I, p. 264 et 266), nous montrent François V commandant des troupes à l’une des attaques de l’île de Ré, puis investissant une place et la forçant à se rendre.
  18. Poitou et Vendée, par MM. Benjamin Fillon et Octave de Rochebrune, Fontenay, 1861, in-4o, p. 68. Voyez dans le même ouvrage une vue de Fontenay-le-Comte avec la tourelle de la Maison du Gouverneur.

    Un acte extrait des registres de baptême de la paroisse de Notre-Dame de Fontenay, déposés au greffe du tribunal civil, et dont nous devons la copie à M. Benjamin Fillon, permet de supposer que François était dans cette ville en 1621, avec sa femme et ses enfants : il n’en avait encore que deux. On y voit que, le 27e de septembre 1621, « Messire François de la Rochefoucauld, prince de Marcillac, fils aîné de haut et puissant seigneur François, comte de la Rochefoucauld, » fut parrain du fils d’un sieur Raoul Gallier-Picard, écuyer.

  19. Ou lit dans les Mémoires manuscrits sur l’Angoumoisa, rédigés par le sieur Gervais, lieutenant criminel au présidial d’Angoulême, et adressés par lui, vers le milieu du dix-huitième siècleb, au comte de Saint-Florentin, ministre sous Louis XV : « Il y a peu de provinces en France, d’une aussi petite étendue, dans laquelle il se trouve d’aussi grandes maisons, et d’[où] un aussi grand nombre de seigneurs de nom tirent leur origine. C’est peut-être aussi celle du Royaume où il y a de plus belles terres et en plus beaux droits.

    « Les seigneurs de la Rochefoucauld… y possèdent la duché de ce nom, qui fut érigée en 1622 par Louis XIII… La terre particulière de la Rochefoucauld contient vingt paroisses et vaut dix mille livres de rente. Le château qui y donne le nom, sur la Tardouère, fut bâti, en 1540, par Anne de Poulignac (Polignac), veuve (secondes noces) de François, second du nomc, et est fort beau. C’est le chef-lieu de toutes les autres terres et de la duché, la maison patrimoniale ancienne et le berceau des seigneurs de ce nom et de leurs ancêtresc; mais, quoiqu’il soit richement meublé, ils n’y font pourtant pas leur résidence actuelle (au dix-huitième siècle), lorsqu’ils sont dans la province. Il y a à l’entrée de ce château une tour plus respectable par son antiquité que d’usage dans sa construction… Ou juge… que c’est un reste de l’ancien château…

    « Verteuil (ou Vertœil, voyez tome III, p. 15, note 9) est une baronnie composée de neuf ou dix paroisses, à la tête desquelles est la petite ville de ce nom, à sept lieues d’Angoulême, composée de cent feux. Les habitants en sont communément pauvres… Cette terre seule ne vaut pas plus de cinq mille

    a Bibliothèque nationale, Ms. Fr. 8816, in-folio, p. 104 et suivantes.

    b Avant l’année 1770, où le comte de Saint-Florentin devint duc de la Vrillière.

    c C’est elle qui reçut, en 1539, après la mort de son second mari, l’empereur Charles-Quint et les enfants de France dans son château de Verteuil : voyez le P. Anselme, tome IV, p. 427.

    d C’est Guy VIII de la Rochefoucauld, gouverneur d’Angoumois, bisaïeul du premier comte François I, qui, par lettres de septembre 1370, obtint du roi Charles V, dont il était conseiller et chambellan, que ses terres assises au ressort et comté d’Angoulême ressortiraient dorénavant à son château de la Rochefoucauld : voyez le P. Anselme, tome IV, p. 423. livres de ferme. Le château de Verteuil, qui domine la ville sur la Charente, est la maison de plaisance des seigneurs de la Rochefoucauld, qui y font leur résidence ordinaire lorsqu’ils sont en province. Ce château est ancien et d’une structure fort irrégulière, mais qu’on a néanmoins rendu très-logeable par les appartements qu’on y a ménagés et les commodités qu’on y a pratiquées dans les derniers temps, quoique sans suite. On y a, entre autres, ajouté une galerie neuve et un salon magnifique dans lesquels sont placés les portraits des seigneurs de cette maison…a.

    « Les issues de Verteuil, connues sous le nom de parc de Vauguay, ont des beautés naturelles qui surpassent peut-être tout ce qu’on peut voir en France. Le parc, d’une étendue des plus spacieuses, s’est trouvé contenir un terroir très-propre à élever des arbres, et les plants de charmilles et d’autres espèces y ont si bien réussi, qu’il n’y en a point ailleurs d’une semblable hauteur, de si belle tige et si bien fournies. On y entretient aussi une orangerie superbe.

    « Le parc de la Tremblaye, qui y est joint, est une forêt entière, brute, toute enfermée de hauts murs, dans laquelle il y a nombre de bêtes. Les arbres en sont aussi fort beaux. Elle est coupée au milieu par une grande allée dont le point de vue, qui répond par d’autres allées à la porte du château, forme une des plus belles perspectives du monde.

    « La baronnie de Montignac-Charente, à quatre lieues d’Angoulême, appartenante au même seigneur, contient vingt-quatre paroisses et peut valoir huit mille livres de revenu. Le chef-lieu du même nom est un petit bourg qui contient, compris Saint-Étienne joint, quelque quatre-vingt-onze feux. Il n’y a que quelques petits cabaretiers et artisans que les foires y entretiennent. Le reste est bas peuple et pauvre. Le château est presque tout en vieille masure. »

    Le Mémoire de la généralité de Bordeaux (1698), cité dans notre tome III, p. 236, note 14, inscrit comme appartenant au duc de la Rochefoucauld les trois terres, d’une « grande étendue, » de Montclar, Eschizac et Cahuzac, les deux premières en Périgord, la troisième, moitié en Périgord, moitié en Agenois.

    Dans les Mémoires du Poitou (1697) de Charles Colbert (

    a Le manuscrit énumère les portraits dans leur ordre ; l’original du dix-huitième est « Jean (père du premier comte François I), mort en 1471, qui épousa Marguerite de la Rochefoucauld, héritière de Verteuil, et réunit par ce mariage les deux branches et les deux terres. » Bibliothèque nationale, Fonds Colbert, Ve, n° 278), publiés en 1865 par M. Dugast-Matifeu, sous ce titre : État du Poitou sous Louis XIV (Fontenay, in-8o), on trouve d’intéressants détails sur la famille de notre auteur. Il y est dit notamment (fol. 142 v°) que le duc de la Rochefoucauld (alors François VII) a beaucoup de pouvoir dans la province, « quoiqu’il y ait peu de biens, » parce qu’ « il y a force gens qui sont ses parents et amis. » — Et (fol. 100) : « En la paroisse de Notre-Dame de Mouts, élection des Sables, il y a une maison de la Rochefoucauld, où il y a quatorze mille livres de rente et plusieurs jeunes gens capables de servir, qui sont catholiques et seigneurs du Breuil. »

  20. Le château de Marcillac, Marcillac-Lanville, commune de la Charente (Angoumois), à six lieues d’Angoulême, avait été bâti par Vulgrive I, comte héréditaire d’Angoumois, vers la fin du neuvième siècle, pour s’opposer aux incursions des Normands. Il fut acquis, pour neuf mille écus, de Guillaume de Craon, seigneur de Châteauneuf, de Montbazon et de Marcillac, par Guy VIII de la Rochefoucauld, déjà nommé dans la note précédente, qui, d’après A. du Chesne, qu’a suivi le P. Anselme (p. 424), épousa, en secondes noces (1389), Marguerite, fille dudit Guillaume de Craon. Jean, père du premier comte François I, rebâtit le château en 1445. Voyez le Recueil en forme d’histoire de la ville et des comtes d’Angoulême, par François de Corlieu, à la suite de l’Histoire de l’Angoumois par Vigier de la Pile, 1846, in-4o, p. 14 ; cette dernière histoire, p. 46 ; et le P. Ansclme, tome IV, p. 425. François II de la Rochefoucauld est le premier à qui le P. Anselme donne le titre, non plus, comme à ses ascendants, de « seigneur, » mais de « prince de Marcillac, » et nous voyons ensuite cette dénomination désigner constamment le fils aîné du vivant de son père.
  21. Aux douze enfants énumérés par le P. Anselme, une lettre de François V à Richelieu ajoute deux garçons : voyez l’appendice ii de cette Notice, p. xcvii, note 4, et, au tome III, la lettre 2 de l’appendice i, p. 230 et note 4. Sur ce que devinrent les onze frères et sœurs de François VI inscrits dans les généalogies, et ses propres enfants puînés, voyez les Mariages dans l’ancienne société française, par M. Ernest Bertin (1879), p. 143-147. L’auteur retranche à François V un des fils (Aymery sans doute, mort jeune) et une des filles que lui comptent le P. Anselme et Moréri. Ajoutant à ces deux générations une troisième, « En trois générations, dit-il, sur vingt-cinq enfants adultes, je compte six religieuses, trois vieilles filles, huit prêtres, abbés ou chevaliers de Malte, et un abbé mixte, demi-abbé, demi-capitaine. »
  22. « M. de la Rochefoucauld n’avoit pas étudié ; mais il avoit un bon sens merveilleux, et il savoit parfaitement bien le monde. » (Segraisiana, p. 15, Amsterdam, 1722.) — M. de Barthélémy, dans sa Notice (p. 163), cite de Mme de Maintenon, sans dire où il l’a pris, ce passage : « Il avoit… beaucoup d’esprit, mais peu de savoir. »
  23. Lettre 116, tome III, p. 226.
  24. Ce Julien Collardeau (on sait que deux autres avant lui avaient porté le même nom dans sa famille) naquit le 28 janvier 1596 et mourut le 20 mars 1669. Il est auteur de plusieurs ouvrages, dont un, les Tableaux des victoires de Louis XIII, a eu trois éditions. Voyez sur lui la Bibliothèque historique et critique du Poitou, par Dreux du Radier, Paris, 1754, tome III, p. 464 et suivantes. Nous devons à M. Benjamin Fillon communication de la pièce suivante, datée de Fontenay, le 8 novembre 1626, et signée : J. Collardeau : « Je confesse avoir reçu de Monsieur l’abbé de la Réau, agissant au nom de Mgr de la Rochefoucauld, la somme de soixante livres tournois, en deniers ayant cours, pour le dernier quartier de la gratification à moi allouée par ledit seigneur en récompense d’avoir enseigné les lettres à M. le prince de Marcillac, et du tout l’en tiens quitte. »
  25. Lettres de Mme de Sévigné, tome II, p. 277 et 278.
  26. Parmi les pièces qui nous ont été communiquées par M. Benjamin Fillon, il y a une procuration donnée par le père et la mère de notre auteur à l’abbé de la Réau (déjà nommé plus haut, p. x, note 3) et à César de Lestang, sieur de Boisbreton, les autorisant à assister, en leur nom, à la rédaction du contrat de mariage du prince de Marcillac et « d’Andrée de Vivonne, fille de feu André de Vivonne, baron de la Châteigneraye en bas Poitou, et de Marie-Antoinette de Loménie, actuellement femme de Jacques Chabot, marquis de Mirebeau, comte de Charny, gouverneur de Bourgogne. » On voit par une autre procuration que François V de la Rochefoucauld et Gabrielle du Plessis, sa femme, s’engagèrent à payer, principal et intérêts, certaines dettes de Mme de Mirebeau, qui, de la sorte, en mariant sa fille, battit quelque peu monnaie. Elle devint veuve en 1630 de son second mari Jacques Chabot, et mourut en 1638 : voyez tome III, p. 17, note 4.
  27. Maxime 364, tome I, p. 171.
  28. Pages 29, 105 et 212.
  29. Tome II, p. 456, 457 et 465.
  30. Voyez son article dans la Table alphabétique du tome III.
  31. Voyez la note 1 de la page précédente.
  32. Moréri, tome X (1759), article Vivonne, p. 678.
  33. Ibidem.
  34. Voyez à l’appendice ii (p. xcvii), la Généalogie.
  35. Voyez aux pages déjà citées (789 et 740) du Dictionnaire de Jal, qui a trouvé l’acte de baptême dans les registres de Saint-Jean de Grève.
  36. Mémoires de Saint-Simon, tome III, p. 422, édition de 1873.
  37. Voyez ci-après, p. lviii.
  38. Voyez l’appendice iv, p. ci. — Régiment d’Auvergne est l’expression de notre auteur dans ses Mémoires (p. 14) ; la pièce ministérielle que nous citons à l’appendice dit : « un régiment de son nom ; » et Pinard (1768), que nous y citons également pour les états de service : « le régiment aujourd’hui Auvergne. »
  39. « Marcillac est plus important que jamais, » Marsigliac plù importante che mai, écrira bientôt Mazarin dans ses Carnets (n°iv, p. 80) : voyez Madame de Chevreuse, par V. Cousin, 5e édition, p. 492. Son nom revient dans le même carnet (p. 96) : « On assure, dit le Cardinal, qu’il entre dans tous les conseils » (des mécontents).
  40. Voyez, au tome I, les maximes 495 (p. 208) et 372 (p. 174).
  41. Voyez ci-après, p. xci, l’explication que donne Huet de son refus d’entrer à l’Académie française.
  42. Mémoires, p. 14. — 4. Ibidem, p. 21.
  43. Mlle de Chemerault était auprès de la Reine un espion de Richelieu : voyez encore les Mémoires, notes 3 et 4 de la page 21.
  44. Mémoires, p. 22.
  45. Voyez, dans notre tome I, la première ligne du portrait de la Rochefoucauld par Retz (p. 13).
  46. Voyez les Mémoires, p. 22 et 23, l’Extraordinaire de la Gazette du 3 juillet 1635 ; les Mémoires de Mathieu Molé, tome I, p. 298, note 3 ; et Bazin, Histoire de France sous Louis XIII et sous le ministère du cardinal Mazarin, tome II, p. 3 70.
  47. Pages 23 et 24.
  48. Elle demeura en Touraine de 1633 à 1637 : voyez Madame de Chevreuse, p. 119 et 120.
  49. Mémoires, p. 27. — 4. Ibidem, p. 28.
  50. Madame de Chevreuse, p. 122.
  51. Dans une variante de note marginale de l’historiette du cardinal de Richelieu, tome II, p. 7 et 8.
  52. Mémoires, p. 28 et 29.
  53. Nous lisons dans les Mémoires de Richelieu (tome III, p. 282, édition Michaud et Poujoulat) : « Le président Vignier interrogea le prince de Marcillac, qui fut ensuite mis dans la Bastille, pour les fortes apparences qu’il y avoit qu’il avoit eu connoissance de son dessein (le dessein de Mme de Chevreuse) et qu’il l’y avoit assistée ; mais, à peu de jours de là, la bonté du Roi fut telle qu’il lui pardonna et le fît remettre en liberté. » — Sur toute cette aventure de la fuite de Mme de Chevreuse, voyez, outre les Mémoires, p. 32-40, l’appendice i de notre tome III, lettre 3 (avec les annexes A et B), et lettre 4, p. 231-243.
  54. Mémoires, p. 38 et 40. — Voici l’ordre d’emprisonnement envoyé par le comte de Chavigny :

    « À M. du Tremblay, gouverneur de la Bastille, pour recevoir à la Bastille M. de Marcillac. — Monsieur, le Roi ayant commandé à M. de Marcillac d’aller à la Bastille pour avoir fait quelque chose qui lui a déplu, je vous écris le présent billet de la part de Sa Majesté, afin que vous le receviez. Vous aurez soin, s’il vous plaît, de le bien loger et lui donner la liberté de se promener sur la terrasse. Je suis, Monsieur, votre très-humble serviteur. Chavigny. — À Ruel, ce mardi 29 octobre 1687. »

    (Dépôt des affaires étrangères, France, tome 86, fol. 138.)

    V. Cousin, qui transcrit également cet ordre dans l’appendice du chapitre iii de Madame de Chevreuse (p. 435), fait remarquer avec raison que, Marcillac n’étant parti pour Paris qu’après le 12

  55. Mémoires, p. 40.
  56. Ibidem.
  57. Ibidem.
  58. Tome III, p. 16-21
  59. Elle est racontée longuement dans cette même lettre, p. 17-21.
  60. Voyez les Extraordinaires de la Gazette, des 18 et 29 août 1639 ; et Bazin, tome III, p. 24 et 25.
  61. Mémoires, p. 41.
  62. Mémoires, p. 45.
  63. Voyez, au tome III, p. 22, la lettre de condoléance qu’il écrit à son frère, l’abbé de Thou.
  64. Mémoires, p. 46.
  65. À cette année 1642 appartient un curieux détail. En février, nous voyons Marcillac expédier d’Angoumois des vins à destination de l’Angleterre, et, prenant pour adresse : « à Monsieur Graf, » demander qu’en échange on lui envoie des chevaux et des chiens : voyez, l’appendice i du tome III, lettre 5, p. 243.
  66. « Il (V. de Harlay) nous pria de lui rendre visite aux fêtes de Noël, à sa maison de Beaumont. Le président Barrillon, le prince de Marcillac, le marquis de Maulévrier, du Bourdet et Beloy, désirèrent être de la partie, faite sans autre dessein que celui de notre divertissement particulier… Cette entrevue, quoique fort innocente et de nulle considération, fît un éclat étrange : M. de la Rochefoucauld (le duc François V) fut le premier qui en donna avis à M, le cardinal Mazarin, et crut que son zèle seroit fort estimé en usant de ces termes : « qu’il ne répondoit plus du prince de « Marcillac, son fils. » (Mémoires de Montrésor, p. 352 et 353.) Quelques lignes plus bas, Montrésor s’exprime ainsi : « … Cette assemblée d’Importants (qui étoit le nom qu’il leur plaisoit nous donner). » — Voyez aussi l’Apologie, tome II, p. 447 et 448.
  67. Voyez, au tome I, p. 13, le portrait déjà cité de la Rochefoucauld, par Retz.
  68. Mémoires de Mme de Motteville, tome III, p. 130, à la date de 1650.
  69. Mémoires, p. 58.
  70. La Jeunesse de Mme de Longueville, par V. Cousin.
  71. Mémoires, p. 80 et 8l.
  72. « M. de Marcillac, ayant obligation au premier (au duc d’Enghien) et voyant son père dans son parti, étoit prêt à s’y mettre aussi ; mais en ayant parlé à la Reine, elle lui commanda de s’offrir à M. de Beaufort, et lui en parla comme de la personne du monde pour qui elle avoit autant d’estime que d’affection. Cet ordre qu’il reçut a été su de la plupart de ceux qui étoient alors à Saint-Germain. » (Mémoires de la Châtre, p. 189.)
  73. Mémoires, p. 66 et 67.
  74. Voyez l’Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV, par M. Chéruel, tome I, p. 150 et 151 : comparez les Mémoires de Montglat, tome I, p. 413.
  75. Mémoires, p. 79.
  76. Maxime 225.
  77. Mémoires, p. 69.
  78. Voyez les Mémoires de la Châtre, p. 217 et p. 223.
  79. Voyez les Mémoires, p. 69 et 70.
  80. Voyez la maxime 117.
  81. « La Reine eut intention en ce temps-là d’ôter le gouvernement du Havre à la duchesse d’Aiguillon, et de le donner au prince de Marcillac… qui étoit fort bien fait, avoit beaucoup d’esprit et de lumières, et dont le mérite extraordinaire le destinoit à faire une grande figure dans le monde. » (Mémoires de Mme de Motteville, tome I, p. 108.)
  82. Voyez les Mémoires de la Châtre, p. 226.
  83. Mémoires, p. 75.
  84. Voyez la maxime 91.
  85. Mémoires, p. 78.
  86. Ibidem, p. 82 et suivantes.
  87. Voyez Madame de Chevreuse, chapitre v.
  88. Mémoires, p. 83.
  89. Ibidem, p. 90.
  90. Voyez les maximes indiquées à la Table du tome I, au mot Reconnaissance.
  91. Mémoires, p. 92 et 93.
  92. Mémoires de Mme de Motteville, tome III, p. 41-45.
  93. Voyez les maximes indiquées à la Table du tome I, au mot Amitié.
  94. Voyez les maximes 90, 155, 354, 403.
  95. Mémoires, p. 94.
  96. Ibidem.
  97. Madame de Longueville pendant la Fronde.
  98. Pages 94-96.
  99. Tome III, p. 386.
  100. Maxime 353.
  101. Lettre du 8 juillet 1672, tome III, p. 142.
  102. Maxime 326.
  103. Mémoires de Mme de Motteville, tome II, p. 275.
  104. Lettre du 7 octobre 1676, tome V, p. 90.
  105. Voyez les maximes indiquées à la Table du tome I, aux mots Jalousie et Amour.
  106. Tome II, p. 301 et 302 ; voyez, en outre, ces mêmes Mémoires, tome I, p. 334 et 335 ; tome II, p. 275-277 ; et tome III, p, 192-194.
  107. Voyez les Mémoires de la duchesse de Nemours, p. 422, 425 et 426, 434.
  108. Ibidem, p. 426.
  109. Ibidem, p. 406.
  110. Ibidem, p. 527.
  111. Ibidem, p. 406.
  112. Ibidem, p. 488.
  113. Ibidem, p. 422, 527.
  114. Ibidem, p. 528.
  115. Ibidem, p. 409, 410.
  116. Tome II, p. 292.
  117. Ibidem, p. 173.
  118. Dans un pamphlet de 1652, très-authentique et dont Retz, se reconnaît l’auteur, le Vrai et le Faux, sa haine va jusqu’à lui faire dire que la vie de la Rochefoucauld « est un tissu de lâches perfidies. » (Œuvres de Retz, tome V, p. 239 ; comparez, au même tome, p. 362, et 370, 371.)
  119. Mémoires de Guy Joli, p. 41 et 42.
  120. Ibidem, p. 41.
  121. Tome II. p. 449-455. — Voyez, à l’appendice i du tome III, p. 244-249, deux lettres (6 et 7) de juillet et d’octobre 1644, relatives à la négociation de cet achat.
  122. Tome II, p. 454 et 455. — Est-ce par suite de ce retard que Gourville (Mémoires, p. 220) semble ne dater l’achat que du retour de l’armée ? M. Ed. de Barthélémy (p. 37, note 3) suppose que, dans ce passage, le secrétaire de Marcillac songe moins au marché lui-même qu’au versement des sommes dues ; nous ne croyons pas que le payement ait été si vite effectué : voyez ce que nous disons au tome II, p. 148, à la fin de la note 3. — Dans les états de service que nous donnons ci-après à l’appendice iv (p. ci), la nomination au gouvernement du Poitou est datée du 3 novembre 1646 ; et la Gazette du 17 nous apprend que Marcillac prêta serment le 5.
  123. Sur cette campagne de 1646, voyez les Mémoires, p. 96-98, et ceux de Gourville (p. 215-220), qui l’avait suivi « pour le servir en qualité de maître d’hôtel, » puis demeura à son service et fut « bientôt dans sa confidence et tout à fait dans ses bonnes grâces. »
  124. Bazin, tome III, p. 336.
  125. Voyez la Gazette du 18 août 1646. On y lit que « le prince de Marcillac fit des prodiges de valeur. » Le 13 août est la date de la Gazette ; Bazin (p. 337) dit « le 10 ».
  126. Voyez au tome III, p. 125 et 130, nos lettres 49 et 53.
  127. Mémoires, p. 98. — Gourville (p. 219) ne parle que d’ « un coup de mousquet au haut de l’épaule. » Montglat, qui nomme Marcillac après les ducs de Nemours et de Pont-de-Vaux (Mémoires, tome II, p. 38), le dit « blessé plus légèrement » qu’eux.
  128. Mémoires de Gourville, p. 219.
  129. Thibaudeau, Histoire du Poitou, tome III, p. 308. — En ce temps-là, le fils aîné du prince de Marcillac porte le nom de « M. de la Châteigneraie » (voyez ibidem), qu’il tient de sa mère.
  130. Mémoires, p. 104.
  131. Voyez tome II, p. 104, 105, 456-459).
  132. Au sujet du duché et du tabouret, voyez ci-après, la fin de l’appendice ii, p. xcix, et au tome III, p. 32-34, la lettre 8, écrite de Verteuil à Mazarin le 1 octobre 1648.
  133. Tome II, p. 104, 105, 459 et 460. — Voyez, dans notre tome III (p. 27), la lettre (n°7) que Marcillac écrit de Fontenay à Mazarin, le 1er septembre 1648, et dans notre tome II (p. 105, note 3) la réponse du Cardinal. Nous donnons plus loin, à l’appendice v, 1° (p. ciii et civ), les titres d’une suite de pièces relatives à la répression par Marcillac des troubles du Poitou, lesquelles se trouvent à la Bibliothèque nationale et au Dépôt du ministère de la guerre ; dans le nombre est une réponse de Marcillac au comte de Brienne, que nous reproduisons en entier.
  134. Voyez ci-après, à l’appendice v, 2° (p. civ), l’indication de quelques pièces relatives aux mesures prises par la cour lors de l’abandon du Poitou et de la révolte du gouverneur ; et, à l’appendice i de notre tome III (p. 249, 250, et note 3 de la page 250), le texte de deux de ces pièces.
  135. Voyez ci-dessus, p. xxi, note 1.
  136. Mémoires, p. 113-116 ; et Mémoires de Gourville, p. 221-223. — Ce fut la duchesse de Longueville qui envoya Gourville à Saint-Germain presser Conty et son mari de revenir à Paris : voyez dans l’Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV, de M. Chéruel (tome III, p. 154, note 2), une citation de la Barde (de Rebus gallicis, p. 412).
  137. « Il n’a jamais été guerrier, » dit Retz dans ses Mémoires (tome II, p. 181a), « quoiqu’il fût, ajoute-t-il, très-soldat. » Il « avoit plus de cœur, dit-il ailleurs (p. 262), que d’expérience. »

    aVoyez la note 2 de cette page 181.

  138. Mémoires, p. 124-129. Voyez aussi ceux de Gourville, p. 223 et 224, et de Montglat, tome II, p. 169. — Le Courrier burlesque de la guerre de Paris (1650) donne à la blessure (à la date du 20 février) ce plat souvenir, à rime grotesque :

    Monsieur de la Rochefoucauld
    Et Monsieur de Duras le jeune.
    Blessés par mauvaise fortune.

    (C. Moreau, Choix de Mazarinades, tome II, p. 128.)

  139. Voyez ci-après, à l’appendice v, 3° (p. cv), la lettre écrite par le prince de Marcillac aux maire et échevins de Poitiers, à la veille de la conclusion de la paix de Rueil.
  140. Mémoires, p. 126. — « Un fort grand coup de pistolet dans la gorge, » dit inexactement Retz, tome II, p. 263.
  141. Mémoires, p. 145.
  142. « II… fut traité comme un homme que la Reine avoit lieu de craindre, et qu’il falloit ménager. » (Mémoires de Mme de Moiteville, tome II, p. 443.)
  143. Voyez l’Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV, par M. Chéruel, tome III, p. 309 et suivantes, et, à l’Appendice du même volume, p. 419-421, un « Extrait du Journal de Dubuisson-Aubenay sur l’opposition de la noblesse aux honneurs accordés à quelques familles (octobre 1649). »
  144. Mémoires, p. 156.
  145. Ibidem.
  146. Ibidem, p. 170.
  147. Ce dessein d’arrestation est ainsi noté dans les Carnets de Mazarin (n°xiv, p. 116) : « Faire fermer les portes du palais et arrêter la Mothe et Marcillac. » Voyez l’ouvrage cité de M. Chéruel, tome III, p. 371.
  148. Mémoires de Mme de Molteville, tome III, p. 145 ; de Gourville, p. 224 et 225 ; de Lenet, p. 215 ; et de Monlglat, tome II, p. 219 et 220. On peut voir aussi, au sujet de la fuite de la duchesse de Longueville et des menées eu Hollande, l’opuscule dont nous parlons dans la Notice sur les Lettres (tome III, p. 8, note 1), et qui est intitulé : Copie d’une lettre écrite (de Rotterdam) à Mme la duchesse de Longueville.
  149. Un État de la France, que nous avons cité plus haut (p. v, note 3), enregistre (p. 67) la retraite de notre duc dans son gouvernement en termes étonnamment discrets : « Le duc de la Rochefoucauld et prince de Marcillac…, gouverneur de Poitiers. Il s’est retiré de la cour, sous prétexte de quelque mécontentement, et est à présent en Poitou, portant encore le deuil du feu duc son père, décédé depuis quelques mois. » Comparez ci-après, p. l, note 5, la citation d’un article inséré dans un autre État de la France en 1651 et 1652. — On trouvera à l’appendice v, 4° (p. cv), l’indication de diverses pièces relatives à cette retraite de notre auteur en Poitou, et à sa seconde rébellion.
  150. Mémoires, p. 172 et suivantes.
  151. Mémoires, p. 179-183 ; comparez les récits de Gourville, p. 225 et 226 ; de Lenet, p. 228, 238, 240 et 241 ; de Mme de Motteville, tome III, p. 174 et 188 ; et voyez, au tome III des Mémoires de RetZ, la note 5 de la page 39, où nous renvoyons aux Archives historiques du département de la Gironde, tome III, p. 410.
  152. Ce fut le 23 avril (voyez les Mémoires de Lenet, p. 244) qu’un courrier du duc de la Rochefoucauld apporta à Montrond, où la princesse de Condé était arrivée le 14 (ibidem, p. 237), la nouvelle de l’insuccès de la tentative sur Saumur. Deux jours avant (le 21), Mazarin écrivait de Dijon cette lettre à le Tellier : « Sa Majesté est du même avis de Son Altesse Royale, qu’il ne faut pas différer davantage la publication de la déclaration contre MM. de Bouillon, de Turenne et de Marcillac, et ajoute qu’il ne faut rien épargner pour châtier promptement et exemplairement M. de la Rochefoucauld, et que si sa personne se retire, on trouvera toujours ses maisons à raser, afin qu’il s’en souvienne et que cela serve à contenir dans leur devoir ceux qui pourroient avoir de méchantes intentions. » (Mémoires de Mathieu Molé, tome IV, p. 393 et 394.) Cette menace du Cardinal, bientôt connue de la Rochefoucauld (Lenet, p. 258), devait être, on va le voir, mise à exécution. — Un mois plus tôt, le 28 mars 1650, la Reine écrivait, également de Dijon et à le Tellier : « Je désire… que l’on examine bien… ce qu’il y a présentement à faire touchant le duc de la Rochefoucauld, particulièrement s’il ne s’est point encore rendu à la Roche-Guyon. » (Mémoires de Mathieu Mole, tome IV, p. 380.)
  153. Nouveaux lundis, tome V, p. 384.
  154. Œuvres mêlées de Saint-Évremond, tome II, p. 186 et 187 (édition de M. Ch. Giraud, Paris, 1866).
  155. Sur toute cette partie de la Fronde, voyez les Mémoires de Lenet (p. 276-421), et notamment, pour le rôle de la Rochefoucauld, les pages 276, 277, 291, 295, 312, 313, 334, 335, 337, 346, 351, 353, 357, 358, 403, 406-409, 411-417, 421 ; voyez aussi Mme de Motteville, tome III, p. 188 et suivantes, et p. 227-231 ; Mademoiselle de Montpensier, tome I, p. 251, 259 ; Retz, tome III, p. 66 et suivantes ; et Gourville, p. 226.
  156. Voyez les Mémoires, p. 194 et note 5 ; au tome III, p. 49-91, les lettres 20, 21, 22, 24, 25, 26, 28, 30, 32 ; et, entre autres passages des Mémoires de Lenet, p. 291 et 357.
  157. Voyez, au tome III, p. 89 et 97, les lettres 31 et 34, à Lenet, qui montrent bien à quel état de gêne fut réduit la Rochefoucauld.
  158. Voyez aussi les Mémoires de Lenet, p. 376, et ceux de Mme de Motteville, tome III, p. 391.
  159. Voyez les Mémoires de Montglat, tome II, p. 242, et, sur les négociations postérieures de la Rochefoucauld avec Mazarin, ibidem, p. 251 et 255.
  160. Madame de Chevreuse, Appendice. p. 450.
  161. Mémoires de Lenet, p. 353 et 421.
  162. Ibidem, p. 242.
  163. Lenet parle même (p. 343, 345, 347, 416) d’un projet dont le duc s’occupa dans ce temps à plusieurs reprises, avec l’appui de la marquise de Sablé, et qui allait à marier son fils à une des nièces de Mazarin.
  164. Mémoires, p. 219-226 : voyez Mme de Motteville, tome III, p. 265 et suivantes. La permission de revenir à la cour ne lui fut expédiée que le 27 janvier 1651. Nous donnons à l’appendice i du tome III, p. 264, le texte de cette permission.
  165. Voyez à l’endroit précité des Mémoires.
  166. Page 416.
  167. Mémoires, p. 233-235. Voyez aussi le court résume intitulé livre second, dans l’édition Michaud des Mémoires de Lenet (p. 521-525) ; les Mémoires de Mme de Motteville, tome III, p. 305 ; et ci-après, à l’appendice v, 5o (p. cvii), le texte de l’ordre, du 10 février 1651, envoyé « à M. de Bar pour lui dire de laisser parler à Messieurs les Princes les sieurs duc de la Rochefoucauld, président Viole et Arnaud. »
  168. Mémoires, p. 240.
  169. Voyez les Mémoires de Retz, tome III, p. 296 et 297, et ceux de Mme de Motteville, tome III, p. 330 et 331.
  170. Mémoires de Mme de Motteville, tome III, p. 391 et 445. Comparez ceux de Montglat, tome II, p. 304.
  171. Mémoires de Retz, tome III, p. 361.
  172. Ibidem, p. 360.
  173. Mémoires, p. 239 et 260.
  174. Celle du 21 août 1651.
  175. Mémoires, p. 283-288 ; comparez Mme de Motteville, tome III, p. 418-420, et surtout Retz, tomes III, p. 492-494, 500, et IV, p. 283, 284.
  176. Voyez aussi, dans les Mémoires, p. 198 et 199, l’histoire du pauvre gentilhomme Canolles, pendu à Bordeaux, par ordre de la Rochefoucauld et de Bouillon.
  177. Mémoires, p. 298.
  178. Ibidem, p. 341-343 ; Mémoires de Gourville, p. 254 — Voyez ci-après, à l’appendice v, 6° (p. cviii), l’indication de pièces relatives aux mesures prises contre notre duc durant cette nouvelle révolte. — Il est curieux de voir un État de la France (Paris, G. Loyson) faire hardiment son éloge à l’occasion de sa conduite factieuse, lie qualifiant ses rebellions que de retraites de la cour. On y lit deux ans de suite (1651 et 1652): « Le duc de la Rochefoucauld et prince de Marcillac, gouverneur de Poitiers ; il se retira de la cour lorsque Messieurs les Princes furent arrêtés prisonniers, fut à la guerre de Bourdeaux, avec plusieurs gentilshommes de ses amis, où il fit paroître sa sagesse et sa valeur en plusieurs occasions, et depuis la liberté de Messieurs les Princes, il est revenu à la cour, et s’en est encore retiré depuis. » Comparez ci-dessus, p. xli, note 2.
  179. Pages 254-261.
  180. Mémoires, p. 366-373. Voyez aussi Mme de Motteville, tome III, p. 473, et Montglat, tome II, p. 333.
  181. Mémoires de Mademoiselle, tome II, p. 39.
  182. Mémoires, p. 378. Comparez les Mémoires de Retz, tome IV, p. 35 et 114.
  183. Voyez les Mémoires de Mademoiselle, tome II, p. 85 ; ceux de Retz, tomes III, p. 381 et 382, IV, p. 235 et 236, et, dans les Œuvres de ce dernier (tome V, p. 408, 409 et 413), le pamphlet, par lui attribué à Joli, les Intrigues de la Paix, ainsi qu’un passage encore (p. 430) d’un autre pamphlet, la Vérité toute nue, publié par C. Moreau dans le tome II de son Choix de Mazarinades (p. 406-438). — Monsieur le Prince demandait pour la Rochefoucauld, dit Conrart (Mémoires, p. 71), « une grande charge ou un gouvernement »…, celui a d’Angoumois et de Saintonge, » ajoute-t-il (p. 76) ; mais Mazarin « rejeta fort » cette demande.
  184. Mémoires, p. 388, 389 et note 3.
  185. Voyez les Mémoires de Retz, tome IV, p. 5.
  186. On remarquera que Mme de Sablé, pour ne citer qu’elle, demeura jusqu’au bout l’amie de la Rochefoucauld, bien qu’elle fût aussi, et de plus ancienne date, celle de Mme de Longueville : l’eût-elle fait si tous les torts, dans la rupture, avaient été, à ses yeux, du côté de l’amant ? La Fronde, du reste, n’est point une époque de constance en amour ; dans les mobiles engagements et les frivoles commerces d’alors, les stations étaient en général moins longues et les étapes plus courtes que sur la fameuse carte de Tendre ; on passait rapidement sur bien des points d’arrêt théorique, et les hameaux de légèreté et d’oubli, les districts d’abandon et de perfidie n’étaient pas les moins fréquentés du pays.
  187. Lettres, tome VIII, p. 481.
  188. Mémoires, p. 390-392.
  189. Madame de Longueville pendant la Fronde, édition de 1867, p. 155.
  190. Mémoires, p. 414. Conrart dit (p. 112) qu’il « eut les deux joues percées, mais le plus favorablement du monde. »
  191. Voyez ci-après, p. lxxi, note 3.
  192. Les vers que cite Gourville sont imités de deux vers du IIIe acte (scène v) de la tragédie d’Alcionée, de P. du Ryer, publiée en 1640 :

    Pour obtenir un bien si grand, si précieux.
    J’ai fait la guerre aux rois ; je l’eusse faite aux Dieux.

    Après sa rupture avec Mme de Longueville, la Rochefoucauld les parodia ainsi :

    Pour ce cœur inconstant, qu’enfin je connois mieux,
    J’ai fait la guerre au Roi : j’en ai perdu les yeux.

    Voyez les Mémoires de Mademoiselle, tome II, p. 97 (où M. Chéruel cite ces vers en note avec des variantes), et ceux de Mme de Motteville, tome IV, p. 20 et 21.

  193. Le marquis de Montausier, gouverneur d’Angoumois et de Saintonge, alors malade à Angoulême, ne partageait pas, au sujet de la Rochefoucauld, la sécurité de la cour. Voyez ci-après, à l’appendice v, 7° (p. cviii), des fragments de deux lettres écrites par lui à le Tellier, aux dates des 14 et 18 novembre 1652.
  194. Gourville dit par erreur (p. 268) : « vers la fin de septembre » ; voyez au tome III, p. 113 et 115, les lettres 41 et 42, et à l’appendice i du même tome, p. 268, la lettre 18.
  195. Voyez les Mémoires de Retz, tome II, p. 500, 501 et note i ; tome III, p. 27, 28 et note i.
  196. Sur les engagements pris à cet égard, avant de quitter Bordeaux, et depuis, lorsque les ducs se séparèrent de la princesse de Condé, voyez les Mémoires de Lenet, p. 408, 409 et 422.
  197. Voyez les Souvenirs du règne de Louis XIV, par M. le comte de Cosnac, tome IV, p. 196.
  198. Mémoires de Gourville, p. 269.
  199. Ibidem, p. 274, 275 et 283.
  200. Voyez les Mémoires, p. 336.
  201. Voyez, dans Madame de Longueville pendant la Fronde, chapitre intitulé : la fin de la Fronde à Bordeaux.
  202. Maxime 82.
  203. Mémoires de Gourville, p. 269.
  204. Tome III, p. 358.
  205. Voyez ses Mémoires, p. 269 et suivantes.
  206. Quelque temps après, Gourville (voyez ses Mémoires, p. 273-286), ayant réussi à entrer dans Bordeaux, sous prétexte d’en retirer les meubles du duc de la Rochefoucauld, fut assez adroit ou assez heureux pour amener le prince de Conty et Mme de Longueville à faire, à leur tour, leur soumission, à la fin de juillet 1653.
  207. Mémoires de Saint-Simon, tome III, p. 421-423, édition de 1873. — Voyez aussi, dans les Causeries du lundi, de Sainte-Beuve (tome V, p. 283-299, 2e édition), la notice sur Gourville.
  208. Voyez ci-dessus, p. xiii.
  209. Il y a bien telles dans le manuscrit ; avec ce pluriel, il faudrait, ce semble, toutes après passant.
  210. Nous renvoyons à la Notice spéciale qui est en tête du tome II, pour ce qui concerne ces Mémoires, dont Bayle a poussé si loin l’éloge qu’il va jusqu’à nous dire : « Je m’assure qu’il y a peu de partisans de l’antiquité assez prévenus pour soutenir que les Mémoires du duc de la Rochefoucauld ne sont pas meilleurs que ceux de César. » (Dictionnaire, article César, tome I, p. 831, note g, édition de Rotterdam, 1720.)
  211. Mémoires de Gourville, p. 322, 345, 356 et 357, 360 et 361.
  212. Voyez au tome III, p. 194, la lettre à Guitaut du 20 août 1667, et la note 8 de la page 196.
  213. Page 822.
  214. On sait que Gourville fut impliqué dans le procès de Foucquet et qu’il eut à se racheter fort cher des poursuites.
  215. Portefeuilles de Vallant, tome III, fol. 27.
  216. Un exemplaire imprime de ce projet se trouve à la Bibliothèque nationale, fonds Colbert, V, n° 278, fol. 86-93. Il a été publié, presque en entier, par P. Clément dans la Notice sur Fouquet (p. 41 et suivantes) qui est en tête de son Histoire de Colbert ; puis intégralement par M. Chéruel dans ses Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet, tome I, Appendice, p. 488-501.
  217. Mémoires de Gourville, p. 319-322.
  218. Tome III, p. 90.
  219. Bibliothèque nationale, fonds Gaignières, Fr. 21 405, p. 567.
  220. Mémoires de Mme de Motteville, tome IV, p. 65.
  221. Mémoires de Gourville, p. 243.
  222. La Fontaine, livre VII, fable xii : l’Homme qui court après la Fortune et l’Homme qui l’attend dans son lit, vers 39 et 40.
  223. Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé, par Pierre Coste, dans les Archives curieuses de l’Histoire de France, 2e série, tome VIII, p. 250, — Cette histoire, imprimée, pour la première fois, à Amsterdam, en 1692, est suivie d’une série de portraits des hauts personnages du temps.
  224. La duchesse de Chàtillon, une ancienne amie des mauvais jours, lui ayant reproché mie fois de ne pas tenir son rang, il lui répondit : « Madame, je n’ignore pas ce que vous venez de me représenter, et assurément je n’ai pas besoin qu’on m’invite à faire valoir l’autorité qui est due à ma naissance ; j’y serois assez porté de moi-même, si le Roi étoit moins jaloux de son pouvoir et moins heureux qu’il n’est ; mais aussi, Madame, si vous connoissiez son humeur comme je la connois, vous me parleriez d’une autre manière que vous ne faites. » (Pierre Coste, ibidem, p. 251.)
  225. Archives curieuses de l’Histoire de France, les Portraits de la cour, au tome cité, p. 389.
  226. Voyez les Mémoires de Mme de Motteville, tome IV, p. 178-180.
  227. Histoire de Louis de Bourbon, ibidem, p. 252.
  228. Les Portraits de la cour, ibidem, p. 391.
  229. Ibidem, p. 391 et 392.
  230. Voyez le Supplément au Nécrologe de l’abbaye de Notre-Dame de Port-Royal, 1735, in-4o, p. 137 et suivantes, Retraite de Mme la duchesse de Longueville.
  231. C’est l’expression de Henri-Louis de Loménie, comte de Brienne, dans ses Mémoires (édition de 1828, tome II, p. 242) ; il ajoute méchamment (p. 243 et 244) que « M. Arnauld, son directeur, étant devenu son amant spirituel, elle en étoit folle, comme elle l’avoit été, en d’autres temps, du duc de la Rochefoucauld. »
  232. Voyez les Mémoires de Mademoiselle, tome IV, p. 271.
  233. D’après le mot communément prêté à Mazarin : voyez V. Cousin, Madame de Longueville pendant la Fronde, p. 159.
  234. Archives curieuses, ibidem, p. 394.
  235. Comparez les Mémoires du marquis de la Fare, p. 151. — La Rochefoucauld semble avoir exprimé toute la philosophie de ce renoncement dans sa 19e réflexion diverse : De la retraite : voyez ci-après, p. 345.
  236. Sainte-Beuve, Port-Royal, tome III, p. 275.
  237. Tome X, livre II, édition de 1653, p. 675.
  238. On sait que le Cid est de 1636, Héraclius de 1647 ; entre ces deux dates se placent Horca, Cinna, Polyeucte (1639, 1640), puis Pompée, le Menteur, Rodogune (1641-1645).
  239. Celle du P. Bourgoing, 4 décembre 1662.
  240. 1660 à 1668.
  241. La Thébaïde est de 1664, Alexandre de 1665, Andromaque de 1667.
  242. En 1639, avec les Précieuses ridicules.
  243. Mort en 1654.
  244. Mort en 1648.
  245. Voyez V. Cousin, la Jeunesse de Mme de Longueville, 7e édition, p. 147-151.
  246. On connaît les vers de Saint-Évremond :

    J’ai vu le temps de la bonne Régence,
    Temps où régnoit une heureuse abondance.
    Temps où la ville aussi bien que la cour
    Ne respiroient que les jeux de l’amour.
    (Épitre à Ninon de l’Enclos, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, édition de M. Giraud, tome II, p. 538.)

  247. « On pourrait donner à chacune des quatre périodes de la vie de M. de la Rochefoucauld le nom d’une femme, comme
  248. V. Cousin, Madame de Sablé, 3e édition, p. 100.
  249. Ses amis se plaignent souvent soit de son silence, soit de n’être pas admis auprès d’elle : voyez, au tome III, les lettres 66, 69, 78, 79.
  250. Les portefeuilles manuscrits du docteur Vallaut (Bibliothèque nationale, Fr. 17044-17057), qui fut, ou le sait, le médecin et le secrétaire de Mme de Sablé, sont pleins de détails curieux à cet égard. La marquise tenait école de cuisine et de drogueries fines ; elle échangeait avec ses amis toutes sortes de secrets culinaires et de recettes pharmaceutiques ; tantôt il s’agit d’un hydromel, « aussi bon, dit Vallant, que le meilleur vin d’Espagne, » tantôt d’une pommade, d’une pâte, d’une marmelade, ou d’une omelette singulièrement compliquée ; on trouve aussi des instructions sur la façon de mariner le mieux possible un aloyau ou une poitrine de mouton ; puis un mémoire en deux pages in-folio, « sur les moyens de tenir le ventre libre, » etc. Voyez lesdits portefeuilles, entre autres, tome IV, fol. 171, 177, 317 ; tome IX, fol. 80, 299, 304. — Or la
  251. Voyez Madame de Sablé, chapitre iii.
  252. Nous ne trouvons dans les Lettres à rapprocher de ces mots : en vers, qu’un passage de la 54e, à Esprit, dont on peut induire qu’il est auteur d’un livret d’opéra, qu’il communique à celui-ci et à Mme de Sablé, pour en avoir leur avis.
  253. Page 146, note i.
  254. Œuvres inédites de la Rochefoucauld, Préface, p. 7 et 8.
  255. L’Astrée, 1610.
  256. Voyez, au chapitre iii de la Jeunesse de Mme de Longueville, p. 237-265, l’Histoire d’Agésilan et d’Isménie.
  257. Portrait du duc de la Rochefoucauld fait par lui-même, publié en 1659, dans un recueil intitulé : Recueil des portraits et éloges en vers et en prose : voyez ci-après (p. 1-11) ce portrait et la notice qui le précède.
  258. Madame de Sablé, 2e édition, p. 137.
  259. L’année même de la mort de Mme de Sablé (1678), on publia un petit recueil de ses Maximes et Pensées diverses : « C’est plus judicieux que piquant, dit Sainte-Beuve ; le tour y manque, ou du moins n’y est pas excellent. Ce sont des épreuves d’essai : la Rochefoucauld seul a la médaille parfaite. » (Port-Royal, tome V, p. 69.) — Le livre d’Esprit a pour titre : la Fausseté des vertus humaines, 2 vol. in-12, Paris, 1677-1678.
  260. Virgile, Géorgiques, livre IV, vers 6.
  261. Il logeait à la fin de sa vie, comme nous le voyons par son acte de décès (ci-après, p. xcii, note 4), et sans doute habita dans ses dernières années, rue de Seine, dans l’ancien hôtel de Liancourt, devenu l’hôtel de la Rochefoucauld en 1674, à la mort de son oncle maternel, Roger du Plessis (voyez notre tome III, p. 16, note i), qui eut pour unique héritière sa petite-fille, mariée, en 1659, à François VII, fils de notre auteur : voyez ci-après l’appendice vi (p. cx).
  262. On voit dans le tome XIII, fol. 122, des Portefeuilles de Vallant, qu’il y avait comme un greffier de ces sentences ; à la fin d’une copie de lettre, non signée, se lisent ces mots : « Je vous supplie, Madame, de vouloir bien donner à celui qui a le greffe de nos sentences copie de celles que je vous envoie, en cas que vous les approuviez. »
  263. Tome X, livre II, p. 892.
  264. Lettre du 24 juillet 1675, tome III, p. 522.
  265. Voyez ci-après, à la fin du tome I, p. 371-399, les Jugements des contemporains sur les Maximes.
  266. Voyez ci-après, aux pages 111 et 112, et à la note i de la page 112. Nous ne parlons pas de la maxime 367 (p. 173), bien moins respectueuse encore ; elle n’a paru que dans la 4e édition.
  267. Port-Royal, tome III, p. 238.
  268. Voyez ibidem, p. 427 et suivantes.
  269. Ibidem, tome I, p. 408.
  270. Cet article, publié dans la Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1836, a été inséré dans le recueil intitulé Portraits de femmes ; l’endroit auquel nous renvoyons se trouve aux pages 524-526 de la Revue, et aux pages 235-238 de l’édition de 1845 dudit recueil de Portraits.
  271. Nous donnons cette lettre, ci-après, à l’appendice vii (p. cxi), et M. Gilbert a cité (p. 374 et 376) des extraits de deux autres lettres qui confirment, croyons-nous, la conjecture de Sainte-Beuve. L’illustre critique se trompait toutefois, comme nous le dirons, quand il croyait avoir le premier découvert cette pièce.
  272. Segraisiana (1722), p. 102.
  273. Notice sur la vie et les ouvrages de Mme de la Fayette, p. vi, en tête des Œuvres, 1804.
  274. Collection des Mémoires, 2e série, tome LXIV, Notice sur Mme de la Fayette, p. 342, — Le texte de Petitot fixe bien, comme nous le disons, le commencement de la liaison à 1655 ; mais, en note, une curieuse faute d’impression substitue à cette date la nôtre, 1665.
  275. Et ces propos ne ménageaient pas tous la vertu de la comtesse. Un contemporain, le sieur Guillard, écrit, en 1689, dans un article de ses Généalogiesa, que l’on a « fait de petites railleries d’elle parce qu’elle souffroit avec plaisir l’attache que le feu duc de la Rochefoucauld avoit pour elle. » La médisance est moins polie dans une chanson du tempsb, où Mme de la Fayette est désignée sous le nom de la nymphe Sagiette et son ami sous celui du berger Foucault ; Petitot (tome LXIV, p. 342, note 2) en cite quelques lignes auxquelles le nom propre très-significatif de Saucourt (Soyecourt) donne un sens fort clair et fort libre.

    a Bibliothèque nationale, Fonds Gaignières. Fr. 25187, p. 30. Publié dans le Cabinet historique, tome IV, 1858, p. 212.

    b Chansonnier, Fr. 12639, p. 177.

  276. Mme de Sévigné, lettre du 24 juillet 1676, tome IV, p. 542. — Mme de la Fayette était fille d’Aymar de la Vergne, maréchal de camp. C’est lui sans doute que la Topographie historique du vieux Paris, de MM. Berty et Tisserand (région du Bourg Saint-Germain, p. 328), désigne par ce nom : « le sieur de la Vergne, » comme ayant acheté des religieuses du Calvaire, en 1640 (sa fille avait alors six ans, et quatorze ou quinze quand elle le perdit), une partie d’un grand jardin faisant le coin occidental de la rue Férou. L’acte de décès de Mme de la Fayette dit bien que son hôtel, où elle mourut en 1693, était « rue de Vaugirard, proche la rue Férou » : voyez le Dictionnaire de Jal, p. 720 et 721.
  277. Mémoires de Saint-Simon, édition de 1873, tome IV, p. 397. — Voyez la lettre de Mme de Sévigné du 29 juillet 1676, tome IV, p. 549
  278. Lettre du 3 juin 1693, tome X, p. 108.
  279. « Mme de la Fayette, qui s’entendoit en toutes choses sans ostentation, s’entendoit aussi en procès, et ce fut elle qui empêcha que M. de la Rochefoucauld ne perdît le plus beau de ses biens, lui ayant fourni les moyens de prouver qu’ils étoient substitués. » (Segraisiana, p. 102.) — Gourville, qui eut avec elle quelques aigres démêlés (voyez ci-après, p. lxxxi), notamment à propos de la capitainerie de Saint-Maur, et qui, par suite peut-être, la goûte beaucoup moins que ne fait Segrais, dit dans ses Mémoires (p. 459) qu’elle « présumoit extrêmement de son esprit, » puis ajoute malignement : « Elle passoit ordinairement deux heures de la matinée à entretenir commerce avec tous ceux qui pouvoient lui être bons à quelque chose, et à faire des reproches à ceux qui ne la voyoient pas aussi souvent qu’elle le desiroit, pour les tenir tous sous sa main, pourvoir à quel usage elle les pouvoit mettre chaque jour. »
  280. Segraisiana, p. 45.
  281. Voyez, dans le Lexique de Mme de Sévigné, à l’article Vrai, divers exemples de ce mot appliqué ainsi à des personnes.
  282. Voyez, au tome III, p. 185, la lettre 87, à Mme de Sablé. — M. Ch. Dreyss, dans son introduction aux Mémoires de Louis XIV (tome I, p. lxx-lxxiii), insiste sur le peu de vocation de l’auteur des Maximes pour de telles fonctions.
  283. Voyez, au tome III, p. 194-196, la lettre 94, à Guitaut, du 20 août 1667.
  284. Il prit le nom d’abbé de Marcillac ; auparavant il se nommait, nous dit son père, M. d’Anville : voyez la même lettre 94.
  285. Ibidem, lettre du 6 mars 1671, tome II, p. 97.
  286. Mme de Sévigné, lettre du 17 mars 1680, tome VI, p. 312.
  287. Voyez les maximes 408, 418.
  288. Voyez la Princesse de Clèves (1678), tome I, p. 120.
  289. Expression de Mlle de Scudéry dans une lettre à Bussy, du 6 décembre 1675 : voyez la Correspondance de Bussy, édition Lalanne, tome III, p. 116.
  290. « Je n’ai jamais vu, dit Mme de Sévigné (31 janvier 1680, tome VI, p. 232), un homme si obligeant ni plus aimable, dans l’envie qu’il a de dire des choses agréables. » — Et ailleurs (22 août 1675, tome IV, p. 81) : « Demandez à la Garde : il vous dira s’il y a un plus honnête homme à la cour et moins corrompu. »
  291. Mme de Sévigné, tome II, p. 470, lettre du 15 janvier 1672.
  292. Ibidem, p. 515, lettre du 1er mars 1672.
  293. L’Homme et son image ; les Lapins : voyez ci-après, p. 399 et 400.
  294. Mme de Sévigné, lettre du 13 mars 1671, tome II, p. 104. — Sur l’affection de la Rochefoucauld pour Mme de Grignan, l’intérêt qu’il semblait lui porter, voyez particulièrement les lettres du 1er, du 17 et du 22 avril 1671, tome II, p. 137, p. 175 et p. 180 ; et celles du 16 mai 1672, tome III, p. 73 et 74 ; du 6 novembre 1673, ibidem, p. 264 ; et du 26 mars 1680, tome VI, p. 328.
  295. Lettre du 15 décembre 1673, tome III, p. 315 et 316.
  296. Voyez les Mémoires de Gourville, p. 402 et 403.
  297. Lettre du 8 juillet 1672, tome III, p. 140 et 141 ; et lettre du 15 octobre 1676, tome V, p. 102.
  298. Pages 454-457.
  299. Page lxxvii, note 2.
  300. On lit dans le Segraisiana (p. 28) : « Mme de la Fayette disoit de M, de la Rochefoucauld : « Il m’a donné de l’esprit, mais j’ai « reformé son cœur. » Et ailleurs (p. 100 et 101) : « Il donna de l’esprit et de la politesse à Mme de la Fayette ; mais Mme de a Fayette régla son cœur. » Dans l’édition de 1722 on a sauté, dans le premier de ces deux endroits, de et il, et construit ainsi « Mme de la Fayette, disoit M. de la Rochefoucauld, m’a donné de l’esprit, etc. » La faute est évidente ; le second passage la corrige.
  301. Lettre du 20 janvier 1672, tome II, p. 472.
  302. Boileau, l’Art poétique, chant I, vers 133.
  303. On en trouve la preuve dans un feuillet de son écriture, portant une retouche d’un passage du roman de Zayde, que nous avons reproduite au tome III, p. 10, à la fin de la Notice sur les Lettres.
  304. « M. de la Rochefoucauld et Mme de la Fayette ont fait un roman des galanteries de la cour de Henri second, qu’on dit être admirablement écrit. Ils ne sont pas en âge de faire autre chose ensemble. » (Lettre de Mlle de Scudéry à Bussy, du 8 décembre 1677, tome III, p. 43o, de l’édition de M. Lalanne.) — « Cet hiver, un de mes amis m’écrivit que M. de la Rochefoucauld et Mme de la Fayette nous alloient donner quelque chose de fort joli ; et je vois bien que c’est la Princesse de Clèves dont il vouloit parler. » (Lettre de Bussy à Mme de Sévigné, du 22 mars 1678, tome V des Lettres de celle-ci, p. 429.)
  305. Satire, vers 264.
  306. Sainte-Beuve, Portraits de femmes, édition de 1845, p. 247 et 248, article sur Mme de la Fayette.
  307. Voyez les Mémoires, p. 358, note i.
  308. Mémoires de Gourville, p. 408.
  309. Lettre du 23 mars 1671, tome II, p. 125.
  310. Lettre du 10 avril 1671, tome II, p. 160.
  311. Lettre du 17 avril 1671, tome II, p. 175.
  312. Voyez les lettres de Mme de Sévigné du 22 avril 1671, tome II, p. 179, et du 4 mai 1672, tome III, p. 53.
  313. Voyez la lettre du 10 avril 1671, et la lettre précitée du 17, tome II, p. 160 et p. 174.
  314. Mme de Sévigné, lettres du 15 avril et du 13 mai 1672, tome III, p. 20 et p. 62.
  315. Lettre du 15 avril 1672, tome III, p. 20 et 21.
  316. Lettre du 27 avril 1672, tome III, p. 40.
  317. Par comparaison avec ce qui est dit quelques lignes plus bas, dans la même lettre, de Mme de Marans : voyez ci-dessus, p. lxxxv.
  318. Lettre du 4 mai 1672, tome III, p. 53.
  319. Lettre du 17 juin 1672, tome III, p. 108 et 109.
  320. Lettre du 20 juin 1672, tome III, p. 119.
  321. C’est-à-dire du duc de Longueville (Lettre du 24 juin 1672, tome III, p. 121). — Charles-Paris d’Orléans, d’abord comte de Saint-Paul, était devenu duc de Longueville en 1671 par donation de son frère aîné, Jean-Louis-Charles d’Orléans, qui, entré dans les ordres, mourut, le dernier de sa maison, en 1694. Charles-Paris était né, on le sait, à l’Hôtel de Ville de Paris, le 29 janvier 1649. Henri-Louis de Brienne (tome II, p. 240, des Mémoires déjà cités) parle de son extrême ressemblance avec le duc de la Rochefoucauld, dont il était fils en effet. Il avait été question de le marier avec Mademoiselle, puis avec la sœur de l’Empereur, ce qui lui eût valu le trône de Pologne à la place de Michel Coribut Wiesniowiecki. L’affaire semblait être sur le point de se conclure, lorsqu’il fut tué (Mémoires de Mademoiselle, tome IV, p. 397 et 398). Le Roi ne l’aimait pas, et ne voulut pas lui donner le gouvernement de Normandie. Mademoiselle (ibiaem, p. 399) dit qu’il avait « un air fort méprisant. » La vérité est qu’il parlait peu, et avec beaucoup d’esprit, comme son père. Comme son père aussi, son père naturel bien entendu, il était fort aimé des dames : Mme de Thianges, Mme de Brissac, la marquise d’Huxelles et autres, qui voulaient l’accompagner en Pologne, et qui, à sa mort, portèrent le deuil. Il y eut, dit Mme de Sévigné (tome III, p. 142), « un nombre infini de pleureuses. » Ce duc de Longueville laissait de Mlle de la Ferté un fils naturel, le chevalier de Longueville, tué plus tard à Philipsbourg (1688) par un soldat qui tirait une bécassine. — La douleur de Mme de Longueville ne fut pas moins vive que celle de la Rochefoucauld ; c’était à faire fendre le cœur, dit Mme de Sévigné (20 juin 1672, tome III, p. 113-115), et elle ajoute : « J’ai dans la tête que s’ils s’étoient rencontrés tons deux dans ces premiers moments, et qu’il n’y eût eu que le chat avec eux, je crois que tous les autres sentiments auroient fait place à des cris et à des larmes, qu’on auroit redoublés de bon cœur : c’est une vision. »
  322. Maxime 532.
  323. Voyez les maximes auxquelles renvoie la Table du tome I, aux articles Ennui et Paresse.
  324. Mot de Louis XIV lui-même, en 1682 (Portefeuilles de Vallant, tome VIII, fol. 364).
  325. C’est en lui donnant cette charge, en 167a, que le Roi avait écrit au prince de Marcillac ce billet qui parut à tous alors une si grande marque de faveur ; nous l’avons retrouvé dans les Portefeuilles de Vallant (tome VII. fol. 183), avec cette suscription : « À M. de Marcillac en lui donnant la charge de grand maître de la garde-robe » : « Je vous envoie Lagybertie vous porter une nouvelle qui ne vous sera pas désagréable. Je m’en réjouis comme votre ami, et vous le donne comme votre maître. — Louis. »
  326. Voyez, ci-après, l’appendice ix, p. cxvi.
  327. Lettre du 15 décembre 1673, tome III, p, 316.
  328. « M. de la Rochefoucauld ne bouge plus de Versailles, dit en plaisantant Mme de Sévigné (20 novembre 1673, tome III, p. 283) ; le Roi le fait entrer et asseoir chez Mme de Montespan, pour entendre les répétitions d’un opéra (l’Alceste, de Quinault et Lulli) qui passera tous les autres. » — La marquise dit cependant, peu de temps après, dans la lettre du 15 décembre citée tout à l’heure, qu’il « n’a point d’autre faveur que celle de son fils, qui est très-bien placé. Il entra, l’autre jour, comme je vous l’ai déjà mandé, à une musique chez Mme de Montespan : on le fit asseoir ; le moyen de ne le pas faire ? cela n’est rien du tout. »
  329. C’était au moins l’avis de plus d’un de ses contemporains ; il est exprimé dans cette note du Chansonnier (Bibliothèque nationale, Ms. Fr. 12 619, p. 557 et 558) : « Le duc de la Rochefoucauld voyant le prince de Marcillac, son fils, dans une espèce de faveur auprès du roi Louis XIV, tant à cause des charges de grand maître de la garde-robe de Sa Majesté qu’il avoit, et de grand veneur dont il venoit d’être pourvu, qu’à cause de la confidence du Roi qu’il avoit alors, personne n’étant mieux que lui auprès de son maître ; le duc de la Rochefoucauld, dis-je, qui se sentoit un esprit supérieur, du savoir, de la capacité, beaucoup de talents, une grande naissance jointe à la dignité de duc et pair, et avec cela beaucoup d’ambition, eût peut-être été aise de profiter de la faveur de son fils pour se faire goûter au Roi, et entrer par là dans le ministère. Mais comme Michel le Tellier, chancelier de France, et François-Michel le Tellier, marquis de Louvois, son fils, secrétaire d’État au département de la guerre, étoient tous deux ministres d’État, aussi bien que J.-B. Colbert, aussi secrétaire d’État et contrôleur général des finances, il falloit débusquer l’une de ces deux familles pour pouvoir entrer dans le Conseil étroit du Roi. Le duc de la Rochefoucauld avoit attaqué la première et lui rendoit tous les mauvais offices qu’il pouvoit en secret,… tant par le moyen du prince de Marcillac, qui parloit confidemment au Roi, que par toutes les autres voies qu’il pouvoit imaginer. » Voici du reste le couplet auquel est jointe cette note :

    La Rochefoucauld, ce guerrier
    Dans la Fronde si redoutable.
    Contre la race du Tellier
    En catimini fait le diable,
    Et si ce matois de ligueur
    Ne leur fait mal, il leur fait peur.

    L’alliance dont nous parlons au paragraphe suivant rend plus qu’improbable cette sourde guerre, au moins au temps où la place l’annotateur, d’après qui elle serait postérieure à la nomination de Marcillac à la charge de grand veneur, c’est-à-dire au mois de juillet 1679, qui est l’année même où le petit-fils de notre duc épousa, en novembre, la fille de Louvois.

    Un second couplet, très-méchant pour le prince de Marcillac :

    À la cour il est soutenu
    De la ganache formidable
    Du gros Marcillac, devenu
    Homme important et fort capable,

    est commenté d’une façon grossièrement désobligeante.

  330. Lettre du 7 octobre 1676, tome V, p. 90. Voici ce que Gourville (Mémoires, p. 469 et 470) raconte de ce voyage : « Au commencement de septembre 1676, je fis un voyage en Angoumois avec M. de la Rochefoucauld, M. le marquis de Sillery et M. l’abbé de Quincé. Comme il y avoit longtemps que M. de la Rochefoucauld n’avoit été dans ce pays-là, il fut visité d’un grand nombre de noblesse des provinces voisines ; et, après avoir resté quelques jours à Verteuil, il alla faire une pêche dans la Charente de Montignac, où l’on prit plus de cinquante belles carpes, dont la moindre avoit plus de deux pieds. J’en fis porter une bonne partie à la Rochefoucauld, où ces Messieurs allèrent coucher ; et, comme j’en étois encore capitaine, je me chargeai d’en faire les honneurs. On servit quatre tables pour le souper ; mais, le lendemain, il en fallut bien davantage pour ceux qui venoient faire leur cour à M. de la Rochefoucauld. » En retournant à Paris, on s’arrêta à Basville, chez MM. de Lamoignon.
  331. Lettres de Mme de Sévigné du 24 et du 29 novembre 1679, tome VI, p. 99, 105 et 106.
  332. Ibidem, p. 86, lettre, sans date de mois, de 1679.
  333. En forme corrige dans les formes.
  334. Correspondance de Huet, 3 volumes in-4o, Ms. Fr. 15 188, tome I, p. 34.
  335. Voyez l’autobiographie latine de Huet, publiée sous le titre de Commentarius de rebus ad eum pertinentibus (Amsterdam, 1718, p. 317), et la traduction française, sous le titre de Mémoires, de M. Ch. Nisard (1853, in-8o, p. 195 et 196).
  336. Voyez au tome III, p. 155, 156 ; et Mme de Sévigné, lettre du 20 octobre 1679, tome VI, p. 58.
  337. Ce médecin, dont le vrai nom était Tabor, avait, l’année précédente, guéri le Dauphin d’une fièvre quarte, au moyen d’un remède nouveau, le quinquina infusé dans du vin. Louis XIV lui acheta son secret et le rendit public. Mme de Sévigné, dans sa lettre du 13 mars à laquelle nous renvoyons ci-dessous, montre (p. 310) Gourville s’opposant à ce qu’on emploie pour son ancien maître le remède ordonné par « l’Anglois » (voyez l’appendice viii, p. cxv). — Ajoutons, dès à présent, que si Gourville ne parle qu’une fois et très-incidemment (p. 460) de la mort de la Rochefoucauld, cela tient à ce que ses Mémoires ont, de 1677 à 1681, une lacune certaine. Nous le voyons, dans une autre lettre de Mme de Sévigné (26 mars 1680, tome VI, p. 328), couronner, en cette triste et dernière occasion, a tous ses fidèles services… ; il est estimable et adorable par ce côté-là de son cœur, au delà, dit-elle, de ce que j’ai jamais vu : il faut m’en croire. »
  338. Lettre de Mme de Sévigné du 13 mars 1680, tome VI, p. 307.
  339. Lettre du 15 mars 1680, ibidem, p. 309.
  340. Voyez l’appendice viii, p. cxv.
  341. Dictionnaire de Jal, p. 739. — Voici l’acte de décès que Jal a copié dans le registre de Saint-Sulpice : « Messre François, duc de la Roch., pair de France et chevr des ordres du R., décéda en son hôtel, rue de Seine, le 17 mars 1680, âgé de soixante-six ans. »
  342. Voyez l’appendice viii, p. cxv.
  343. Correspondance de Bussy, édition Lalanne, tome V, p. 96.
  344. Voyez tome VI, p. 311-313.
  345. Ibidem, p. 315.
  346. Ibidem, p. 324.
  347. Ibidem, p. 328.
  348. Lettre du 5 juin 1680, ibidem, p. 439.
  349. Lettre du 3 avril 1680, ibidem, p. 338.
  350. Lettre du 12 avril 1G80, ibidem, p. 334.
  351. Lettre du 22 mars 1680, tome VI, p. 324.
  352. L’impression de cette Notice était entièrement achevée quand a paru, dans la Revue des Deux Mondes du 15 septembre 1880, à l’occasion d’une récente découverte faite dans les Archives d’État de Turin, une retouche du portrait de Mme de la Fayette, une nouvelle étude sur son caractère, qui nous la montre entretenant activement une correspondance diplomatique, çà et là frivole par le sujet, çà et là peu édifiante, qui étonne sous sa plume, et la continuant l’année même de la mort de la Rochefoucauld. Nous ne pouvons nier que la lecture de ces lettres ne modifie en partie l’idée qu’on aimait à se faire de leur auteur, mais nous ne croyons pas qu’on puisse induire de cette trouvaille que ses regrets de la perte de son ami n’aient pas été vifs et profonds et qu’elle ne soit pas demeurée fidèle à sa douleur.

    Au reste, le changement que ces lettres de Turin apportent à l’appréciation qui a eu cours jusqu’ici est-il vraiment tout à fait inattendu ? Que nous apprennent-elles surtout ? Que Mme de la Fayette fut et demeura, plus longtemps qu’on ne l’eût cru, agissante, affairée, qu’elle poussait loin, trop loin, le désir de plaire, le besoin d’influence, l’amour des hautes, puissantes et utiles liaisons. Ses contemporains, ses amis ignoraient-ils absolument ce trait de son caractère, cet emploi de son activité ? Sans reparler de Gourville, mécontent et blessé, donc témoin suspecta, pesons ce que Mme de Sévigné écrit à Mme de Grignan, dans sa lettre du 26 février 1690b, c’est-à-dire dix ans après la mort de la Rochefoucauld : « Voyez, dit-elle, comme Mme delà Fayette se trouve riche en amis de tous côtés et de toutes conditions : elle a cent bras, elle atteint partout ; ses enfants savent bien qu’en dire, et la remercient tous les jours de s’être formé un esprit si liant ; c’est une obligation qu’elle a à M. de la Rochefoucauld, dont sa famille s’est bien trouvée. »

    Ne suffit-il pas de forcer et grossir un peu ces coups de pinceau pour cesser d’être surpris de ce qu’il y a d’entregent, de facilité complaisante, peu scrupuleuse même, dans ce commerce épistolaire, dans ces relations entretenues en haut lieu ?

    a Voyez ci-dessus, p. lxxvii, note 2, et p. lxxxi.

    b Lettres de Mme de Sévigné, tome IX, p. 474.

  353. Dans les deux exemplaires que mentionnent les lignes suivantes, une note manuscrite ajoute : « et dressée par lui-même. » — M. de Roissac, en 1654 était Léonor de la Rochefoucauld, petit-lils du 4e fils de Louis de la Rochefoucauld, aine du 2e lit de François I de la Rochefoucauld et tige des marquis de Montendre et de Surgères.
  354. Histoire généalogique du P. Anselme, tome IV, p. 415.
  355. Ibidem, p. 418.
  356. Nous avons vu plus haut (p. iii et note i) les aînés de la famille traités de cousins par les rois, lorsqu’ils n’étaient encore que comtes, donc sans rapport à leur « dignité, » par laquelle d’Hozier, on le voit, entend ici le titre de duc.
  357. Le Mémoire est daté de 1696. « Le duc d’aujourd’hui » est donc François VII, mort en 1714 ; fils de notre auteur.
  358. Cette ligne est de la main du Roi, ainsi que la signature (formule et nom).
  359. Voyez ci-dessus la Notice, p. xiii, note 4.
  360. Tome III, p. 23-25, lettres 4 et 5.
  361. Comme il est dit dans l’état communiqué par le Ministère de la guerre.
  362. Tome III. p. 194, lettre 94.
  363. Vu sur l’autographe, Bibliothèque nationale, Ms. Clairambault 417, p. 2501-2504 ; cachets conservés ; au dos, cette mention : « M. le Pr. de Marcillac, du 29e octobre 1648, à Vertœil. Rendue le 6e novembre. » — Sur le comte de Brienne, voyez les Mémoires, p. 65, note 6.
  364. Ils m’ont corrige je les.
  365. Devant rien su, les mots eu aucune cognoissance ont été biffés.
  366. Extrait de l’Histoire du Poitou, par Thihaudeau, tome III, p. 310 et 311.
  367. Quoique, à partir du 8 février 1650, donc dès la seconde lettre de ce 4e paragraphe, la Rochefoucauld ait droit au titre de duc, on verra que, dans toutes les pièces, on continue de le désigner par celui de « prince de Marcillac. »
  368. Cette pièce et les deux suivantes portent au bas soit écrit, soit donné, à Dijon.
  369. Ces gentilshommes étaient du nombre de ceux que le nouveau duc de la Rochefoucauld avait assemblés sous le prétexte d’accompagner à Verteuil le corps de son père ; et, soit crainte d’un châtiment, soit aussi de bonne foi, plusieurs avaient protesté contre cette surprise. Voyez les Mémoires, p. 179-182.
  370. Capitaine au régiment d’infanterie de la Reine.
  371. Dans la partie où s’ouvre maintenant la rue des Beaux-Arts, Nous donnons dans l’Album la copie d’une gravure représentant la façade de l’hôtel (lui fut et se nomma, de 1659 à 1718, l’ « hôtel de la Rochefoucauld ».
  372. Le père du grand Turenne.
  373. Roger du Plessis, oncle maternel de notre duc, mourut le 1er août 1674, la même année et le même jour que sa petite-fille, dont il est parlé quelques lignes plus loin : voyez le P. Anselme, tome IV, p. 757.
  374. La source indiquée par Sainte-Beuve (Portraits de femmes, édition de 1845, note de la page 235) est, d’après l’ancien classement des manuscrits de la Bibliothèque du Roi : « Résidu de Saint-Germain, paquet 4, n° 6 » ; mais nous avons en vain cherché la pièce, ainsi que les sept autres lettres de Mme de la Fayette dont nous allons parler, dans les Portefeuilles de Veillant, où se trouve maintenant placé ce Résidu. Nous pouvions du reste prévoir que nous ne la trouverions pas : dès 1851, MM. Lalanne et Bordier l’avaient signalée comme absente dans leur Dictionnaire des autographes volés (p. 177, article La Fayette). — Sainte-Beuve croyait, nous l’avons dit, avoir le premier découvert cette lettre. Cette erreur, partagée par Geruzez et par V. Cousin, a été rectifiée par Edouard Fournier, qui, en insérant dans ses Variétés historiques et littéraires (tome X, p. 117-129) huit lettres de Mme de la Fayette à Mme de Sablé, dont celle-ci est la dernière, nous apprend qu’elles ont toutes paru (avec quelques légères variantes), en 1821, dans un livre bizarre de J. Delort : Mes Voyages aux environs de Paris (tome I, p. 217-224). Delort joint à son texte un fac-similé de celle qu’il a placée en tête.
  375. Tel est le texte de Sainte-Beuve ; dans celui de Delort, reproduit par Édouard Fournier : « d’une autre ».
  376. Delort et Éd. Fournier ont omis et, ici et deux lignes plus bas.
  377. Chez Delort et Fournier, le, au lieu de lui si c’est le vrai texte, c’est sans doute que Mme de la Fayette avait voulu d’abord employer un autre verbe, comme le convaincre, le persuader, qui revient plusieurs fois dans la suite immédiate.
  378. Ceci n’est pas clair. À quoi s’applique le mot de « plaisanterie » ? À ces dits-là, ces bruits-là, ou bien aux Maximes ? Nous croyons, vu l’objet même et la suite de la lettre, devoir adopter la première explication, bien que la seconde, préférée par Éd. Fournier, paraisse tirer quelque vraisemblance d’une lettre antérieure dont nous parlons à la suite de celle-ci, et où nous voyons Mme de la Fayette appliquer à ces maximes qui la révoltent le même mot de « plaisanterie », et ne trouver, pour atténuer son blâme, d’autre tour que de les traiter de pur jeu d’esprit. Le passage est, en tout cas, fort obscur.
  379. Sainte-Beuve fait remarquer (p. 238) que Mme de la Fayette s’applique là une idée qu’elle a exprimée dans son roman de la Princesse de Clèves (tome I, p. 120, édition de 1678) : « Mme de Clèves… étoit dans cet âge où l’on ne croit pas qu’une femme puisse être aimée quand elle a passé vingt-cinq ans. »
  380. Au lieu de leur, qui est le texte de Sainte-Beuve et peut-être bien le texte original, Delort et Fournier ont me, qui est en effet bien préférable pour le sens. Il est probable que l’intention de Mme de la Fayette avait été de mettre : « Il leur semble qu’on a cent ans. »
  381. Chez Delort et Fournier, « dès que l’on ».
  382. Le nom propre est ainsi en abrégé dans l’original. Tournier croit voir là une petite preuve de « rare délicatesse. »
  383. Delort et Fournier ont supplie, au lieu de prie ; à la suite, Fournier omet cela après ôter.
  384. Tel est le texte de Sainte-Beuve ; chez Fournier, « qui le l’eust » ; chez Delort, « qui le l’ait ». Ce le de trop est probablement, par inadvertance, dans l’autographe.
  385. Nous devons la connaissance de ce livre, que nous avons trouvé à la Bibliothèque nationale, à M. Ch. Livet, qui possède et a bien voulu nous communiquer un exemplaire de la traduction latine qui en a été publiée à Genève en 1682, sous ce titre singulier : Zodiacus medico-gallicus. — On peut voir, au sujet de ce curieux répertoire médical, une note d’Édouard Fournier au tome II (p. 177) de l’édition elzévirienne du Livre commode, de 1692, publié, sous le nom de du Pradel, par le même Blegny ou de Blegny, et, sur l’auteur, les pages xliii et suivantes de l’Introduction placée par Fournier en tête du tome I dudit Livre commode.
  386. Voyez ci-dessus, la note 4 de la page xci.
  387. Bibliothèque nationale, Ms. Fr. 658, fol. 83 v°-89.
  388. Ce blanc est dans le manuscrit. Le prédécesseur dans le Gallia christiana (tome IV, col. 741) est Armand, prince de Conty. Alexandre de la Rochefoucauld (voyez ci-après) succède à son frère Charles en 1689.
  389. Voyez le Gallia christiana, tome IV, col. 215.