Œuvres de Albert Glatigny/L’insoucieuse

Œuvres de Albert GlatignyAlphonse Lemerre, éditeur (p. 47-51).

L’Insoucieuse.


Non, l’amour qui se tait n’est qu’une rêverie,
Le silence est la mort, et l’amour est la vie ;
Et c’est un vieux mensonge à plaisir inventé
Que de croire à l’amour hors de la volupté !

Alfred de Musset.



Ô sœur du camellia,
        Julia,
Viens sourire à nos poëmes,
Toi qui vas, oiseau charmant,
        Si gaîment,
Parmi les vertes Bohèmes !

Ô charmeresse aux yeux clairs
        Pleins d’éclairs,
Ô jeune victorieuse,
Nous trouvons plus doux les sons
        Des chansons
Nés sur ta lèvre rieuse.

Dans tes veines court un sang
        Frémissant,
Sève d’amour et de joie,


Et ton rire triomphant,
        Blanche enfant,
En notes d’or se déploie.

Comme le soleil d’Été,
        Ta gaîté
Folle et vive s’éparpille,
Et chaque jour nous croyons
        Aux rayons
Quand tu viens, petite fille.

Toujours les lis aimeront
        Ton front,
Et les odes amoureuses,
Fidèles jusqu’au trépas,
        Sur tes pas
S’épanouiront heureuses.

Tes seins polis et vermeils
        Sont pareils
Aux fruits au temps des vendanges ;
L’encens aime tes cheveux ;
        Si tu veux,
Bulbul dira tes louanges.

Tes dents au fruit défendu
        Ont mordu ;
Mais, ô Nymphe vagabonde !


Qu’importe ? tu nous guéris
        Quand tu ris,
Comme Ève, ta mère blonde.

Nous sommes, à tes côtés,
        Transportés
Dans le pays peu sévère
Où la jeunesse toujours
        Aux amours
Se livre, en levant son verre.

Là, parmi les floraisons,
        Nos raisons
S’égarent. — Les yeux humides,
Tu conduis en mon chemin
        Par la main
Le chœur des blanches Armides.

Ô souvenir du Printemps,
        Bien longtemps
Nous garderons ta mémoire,
Et les Cupidons vainqueurs
        Dans nos cœurs
Graveront ta belle histoire :

Car ton nom, ô Julia !
        S’allia
À ces instants éphémères


Où, buvant le vin clair et
        D’un seul trait
Avec les liqueurs amères,

Nous disions à pleine voix,
        À la fois,
Les grands refrains de l’aurore,
Les bonheurs du temps prisent
        Florissant…
Mais souris, souris encore !

Souris pour éterniser
        Le baiser ;
Laisse-nous voir ta figure
De roses et de satin,
        Cher lutin
Qui portes le bon augure !

Tu rends à nos jours défunts
        Leurs parfums
Et leur ardente folie ;
Reine des clairs horizons,
        Nous disons :
— Arrière, mélancolie,

Et vous, tristesse des soirs,
        Chagrins noirs !
Célèbre, voix frémissante,


Les cieux, les monts, les accords
        Des beaux corps
Et la rose adolescente,

Ô Vénus ! puisque voici
        Près dici
Julia l’enfant choisie,
Qui nous apporte en riant
        L’Orient,
Le Rêve et la Poésie !


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