Œuvres complètes de Theophile (Jannet)/Sur la paix de l’année 1620

SUR LA PAIX DE L’ANNÉE 1620.

ODE.


La paix trop long-temps desolée,
Revient aux pompes de la cour,
Et retire du mausolée
Les jeux, les dances et l’amour.
Au seul esclat de nos espées
Les tempestes sont dissipées,
Tous nos bruits sont ensevelis :
Mon Prince a faict cesser la guerre,
Et la grace a rendu la terre
Pleine de palmes et de lys.

Notre estat, d’un triste visage,
Desesperé de son salut,
Sans le roy ne trouvoit l’usage
D’aucun remede qui valut :
Grand roy, que vos vertus sont grandes
Et bien dignes de nos offrandes !
Que vos travaux ont eu de fruict !
Toute la terre en est semée,
Et la voix de la Renommée
N’en sçauroit faire assez de bruict.

Et bien ! races desnaturées,
Qu’avez-vous plus à murmurer ?
Les fureurs se sont retirées,

Le desordre n’a peu durer ;
Vos étendards sont notre proie,
Vos flammes sont nos feux de joie,
Le Roi triomphe du malheur ;
Et jamais on n’a vu monarque
Qui gravât de meilleure marque
Son jugement ni sa valeur.

La trahison confuse et blême
Ne sait plus sur quoi ravager ;
Le Roi a mis tout ce qu’il aime
Loin de la honte et du danger.
Il a réprimé la licence
Dont on pressait son innocence ;
Et ses desseins laborieux,
Qui ne vont point à l’aventure,
Ont fait voir que sa créature
Etait aussi celle des dieux.

Dans nos victorieuses armes,
Si la clemence l’eust permis,
Et plus de sang, et plus de larmes,
Eussent marqué ses ennemis ;
Et dirois bien à quels supplices
S’attendoient leurs noires malices,
Mais il est las de les punir,
Il est honteux de leur diffame,
Et seroit fasché que son ame
En eust gardé le souvenir.

Il suffit que la paix est ferme,
Que ces esprits audacieux
Ont enfin achevé le terme
De leurs complots seditieux :
Il suffit que rien n’importune
Ny sa vertu, ny sa fortune,
Que le ciel rit à son plaisir,
Que la gloire a lassé l’envie,

Et que sa grandeur assouvie
Ne trouve ny but, ni desir.

Traistres outils de nos folies,
Instruments de flamme et de fer,
Que vos races ensevelies
Se recachent dedans l’enfer.
Aussi bien nos dieux tutélaires,
Dont ces révoltes ordinaires
Ont armé les mains tant de fois,
Jurent que le premier rebelle
Sera la victime éternelle
De l’injure de tous les rois.

Esperer encore des graces
Et croire en de pareils forfaits
Que vous ni vos futures races
Puissiez jamais trouver de paix,
C’est douter que félonies
Ne soient proches d’être punies,
C’est ne savoir point de prison,
S’imaginer qu’un a deux têtes,
Que le ciel n’a point de tempêtes,
Ou qu’il aime la trahison.

Mais je faux en mes défiances,
Notre mal vous a fait pâtir,
Et je crois que vos consciences
L’ont fait avec du repentir.
Auriez-vous bien la barbarie
De confesser que la furie
Vous ait fait venir sans remords
Au travers du fer et des flammes,
Où tant de généreuses âmes
Ont accru le nombre des morts ?

Je vis de quel sanglant orage
L’enfer se déborda sur nous,
Et voulus mal à mon courage

De m’avoir fait venir aux coups ;
La campagne estoit allumée,
L’air gros de bruict et de fumée,
Le ciel confus de nos debats,
Le jour triste de nostre gloire,
Et le sang fit rougir la Loire
De la honte de vos combats.

C’est assez fait de funerailles ;
On void un assez grand tableau
De chevaux, d’hommes, de murailles,
Que la flamme a jetté dans l’eau ;
C’est assez, le ciel s’en irrite,
Et, de quelque si grand merite
Dont l’honneur flatte nos exploits,
Il n’est rien de tel que de vivre
Soubs un roy tranquille, et de suivre
La saincte majesté des loix.