Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Smectis

SMECTIS OU ARGILE À FOULON

Il ne faut pas confondre cette argile à foulon avec une sorte de marne qui est encore plus propre à cet usage, et qui porte aussi le nom de marne à foulon. Le smectis est une argile fine, douce au toucher et comme savonneuse ; elle ne fait que très peu ou point d’effervescence avec les acides ; elle est moins pétrissable que les autres argiles, et même, lorsqu’elle est sèche, ses parties constituantes n’ont presque plus de cohérence, et c’est par cette grande sécheresse qu’elle attire les huiles et graisses des étoffes auxquelles on l’applique ; il y en a de plusieurs couleurs et de différentes sortes. M. de Bomare me paraît les avoir indiquées dans sa Minéralogie[1]. Cependant il ne fait pas une mention particulière de la sorte de terre à foulon dont on se sert en Angleterre pour détacher et même lustrer les draps ; il est défendu d’en exporter, et cette terre est en effet d’une qualité supérieure à toutes celles que l’on emploie en France, où je suis persuadé néanmoins qu’on pourrait en trouver de semblable. Quelques personnes qui en ont vu des échantillons à Londres m’ont dit qu’elle était d’une couleur rougeâtre et très douce au toucher.


Notes de Buffon
  1. L’argile à foulon ou smectis, ou terra simolia, est une terre savonneuse : il y en a de différentes couleurs ; leur principale qualité consiste à dégraisser les étoffes. Celle qu’on appelle proprement terre à foulon est d’un vert jaunâtre : il s’en trouve en Angleterre, en Cornouailles, qui porte le nom de terre cimolée, elle est d’un blanc cendré ; il en vient du même endroit sous le nom de terre noire de Tripoli, elle est un peu noirâtre.

    Le smectis des îles de Fer est assez dur, vert, approchant beaucoup de la pierre tendre (morochtus).

    La terre cendrée de Tournai est un smectis qui devient au feu d’un blanc merveilleux. La terre à foulon est fine, savonneuse et feuilletée dans la carrière ; elle y est déposée par lits horizontaux ; mais étant séchée elle a perdu l’abondance de son gluten, elle se divise par feuillets, se décompose, perd toute sa liaison à l’air, et produit alors un léger mouvement d’effervescence avec les acides ; elle est composée de particules si peu tenaces, qu’on ne peut presque pas la travailler : réduite en petits morceaux et battue dans de l’eau, elle se divise promptement et en parties très fines ; alors elle donne de l’écume et forme des bulles comme le savon dont elle a quelquefois les propriétés.

    La vraie terre savonneuse a, de plus que la terre à foulon, les propriétés, le goût et tous les caractères du savon : elle ne produit aucun mouvement d’effervescence avec les acides ; elle est toujours en masses grasses au toucher, marbrées et non feuilletées : telle est celle qu’on trouve en Suède, en Angleterre, à Plombières en France. Il nous en vient aussi de la même espèce de Sicile, de Rome, de Naples, et même de la Chine. Minéralogie de Bomare, t. Ier, p. 58 et 59.