Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Du soufre



DU SOUFRE


La nature, indépendamment de ses hautes puissances auxquelles nous ne pouvons atteindre, et qui se déploient par des effets universels, a de plus les facultés de nos arts qu’elle manifeste par des effets particuliers : comme nous, elle sait fondre et sublimer les métaux, cristalliser les sels, tirer le vitriol et le soufre des pyrites, etc. Son mouvement plus que perpétuel, aidé de l’éternité du temps, produit, entraîne, amène toutes les révolutions, toutes les combinaisons possibles ; pour obéir aux lois établies par le souverain Être, elle n’a besoin ni d’instruments, ni d’adminicules, ni d’une main dirigée par l’intelligence humaine ; tout s’opère, parce qu’à force de temps tout se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans la succession continue du mouvement, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée ; ainsi tout se rapproche ou s’éloigne, tout s’unit ou se fuit, tout se combine ou s’oppose, tout se produit ou se détruit par des forces relatives ou contraires, qui seules sont constantes, et, se balançant sans se nuire, animent l’univers et en font un théâtre de scènes toujours nouvelles, et d’objets sans cesse renaissants[NdÉ 1].

Mais en ne considérant la nature que dans ses productions secondaires, qui sont les seules auxquelles nous puissions comparer les produits de notre art, nous la verrons encore bien au-dessus de nous ; et, pour ne parler que du sujet particulier dont je vais traiter dans cet article, le soufre qu’elle produit au feu de ses volcans est bien plus pur, bien mieux cristallisé, que celui dont nos plus grands chimistes ont ingénieusement trouvé la composition[1] : c’est bien la même substance ; ce soufre artificiel et celui de la nature ne sont également que la matière du feu rendue fixe par l’acide[NdÉ 2], et la démonstration de cette vérité, qui ne porte que sur l’initiation par notre art d’un procédé secondaire de la nature, est néanmoins le triomphe de la chimie, et le plus beau trophée qu’elle puisse placer au haut du monument de toutes ses découvertes.

L’élément du feu qui, dans son état de liberté, ne tend qu’à fuir, et divise toute matière à laquelle on l’applique, trouve sa prison et des liens dans cet acide, qui lui-même est formé par l’intermède des autres éléments ; c’est par la combinaison de l’air et du feu que l’acide primitif a été produit, et dans les acides secondaires, les éléments de la terre et de l’eau sont tellement combinés qu’aucune autre substance simple ou composée n’a autant d’affinité avec le feu ; aussi cet élément se saisit de l’acide dès qu’il se trouve dans son état de pureté naturelle et sans eau superflue, il forme avec lui un nouvel être qui est le soufre, uniquement composé de l’acide et du feu.

Pour voir clairement ces rapports importants, considérons d’abord le soufre tel que la nature nous l’offre au sommet de ses volcans : il se sublime, s’attache et se cristallise contre les parois des cavernes qui surmontent tous les feux souterrains ; ces chapiteaux des fournaises embrasées par le feu des pyrites sont les grands récipients de cette matière sublimée ; elle ne se trouve nulle part en aussi grande abondance, parce que nulle part l’acide et le feu ne se rencontrent en aussi grand volume, et n’agissent avec autant de puissance.

Après la chute des eaux et la production de l’acide, la nature a d’abord renfermé une partie de la matière du feu dans les pyrites, c’est-à-dire, dans les petites masses ferrugineuses et minérales où l’acide vitriolique, se trouvant en quantité, a saisi cet élément du feu, et le retiendrait à perpétuité, si l’action des éléments humides[2] ne survenait pour le dégager et lui rendre sa liberté ; l’humidité, en agissant sur la matière terreuse et s’unissant en même temps à l’acide, diminue sa force, relâche peu à peu les nœuds de son union avec le feu, qui reprend sa liberté dès que ses liens sont brisés : dans cet incendie le feu, devenu libre, emporte avec sa flamme une portion de l’acide auquel il était uni dans la pyrite, et cet acide pur, et séparé de la terre qui reste fixe, forme, avec la substance de la flamme, une nouvelle matière uniquement composée de feu fixé par l’acide, sans mélange de terre ni de fer, ni d’aucune autre matière.

Il y a donc une différence essentielle entre le soufre et la pyrite, quoique tous deux contiennent également la substance du feu saisie par l’acide, puisque le soufre n’est composé que de ces deux substances pures et simples, tandis qu’elles sont incorporées dans la pyrite avec une terre fixe de fer ou d’autres minéraux : le mot de soufre minéral, dont on a tant abusé, devrait être banni de la physique, parce qu’il fait équivoque et présente une fausse idée ; car ce soufre minéral n’est pas du soufre, mais de la pyrite, et de même toutes les substances métalliques, qu’on dit être minéralisées par le soufre, ne sont que des pyrites qui contiennent, à la vérité, les principes du soufre, mais dans lesquelles il n’est pas formé. Les pyrites martiales et cuivreuses, la galène du plomb, etc., sont autant de pyrites dans lesquelles la substance du feu et celle de l’acide se trouvent plus ou moins intimement unies aux parties fixes de ces métaux : ainsi les pyrites ont été formées par une grande opération de la nature, après la production de l’acide et des matières combustibles, remplies de la substance du feu ; et le soufre ne s’est formé que par une opération secondaire, accidentelle et particulière, en se sublimant avec l’acide par l’action des feux souterrains. Les charbons de terre et les bitumes qui, comme les pyrites, contiennent de l’acide, doivent par leur combustion produire de même une grande quantité de soufre : aussi toutes les matières, qui servent d’aliment au feu des volcans et à la chaleur des eaux thermales, donnent également du soufre dès que par les circonstances locales, l’acide, et le feu qui l’accompagne et l’enlève, peuvent être arrêtés et condensés par le refroidissement.

On abuse donc du nom de soufre, lorsqu’on dit que les métaux sont minéralisés par le soufre ; et, comme les abus vont toujours en augmentant, on a aussi donné le même nom de soufre à tout ce qui peut brûler : ces applications équivoques ou fausses viennent de ce qu’il n’y avait dans aucune langue une expression qui pût désigner le feu dans son état fixe. Le soufre des anciens chimistes représentait cette idée[3], le phlogistique la représente dans la chimie récente, et l’on n’a rien gagné à cette substitution de termes ; elle n’a même fait qu’augmenter la confusion des idées, parce qu’on ne s’est pas borné à ne donner au phlogistique que les propriétés du feu fixe : ainsi le mot ancien de soufre ou le mot nouveau de phlogistique, dans la langue des sciences, n’auraient pas fait de mal s’ils n’eussent exprimé que l’idée nette et claire du feu dans son état fixe ; cependant feu fixe est aussi court, aussi aisé à prononcer que phlogistique, et feu fixe rappelle l’idée principale de l’élément du feu, et le représente tel qu’il existe dans les corps combustibles, au lieu que phlogistique qu’on n’a jamais bien défini, qu’on a souvent mal appliqué, n’a fait que brouiller les idées, et rendre obscures les explications des choses les plus claires ; la réduction des chaux métalliques en est un exemple frappant, car elle s’explique, s’entend aussi clairement que la précipitation, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours, avec nos chimistes, à l’absence ou à la présence du phlogistique.

Dans la nature et surtout dans la matière brute, il n’y a d’êtres réels et primitifs que les quatre éléments[NdÉ 3] : chacun de ces éléments peut se trouver en un état différent de mouvement ou de repos, de liberté ou de contrainte, d’action ou de résistance, etc. Il y aurait donc tout autant de raison de faire un nouveau mot pour l’air fixe, mais heureusement on s’en est abstenu jusqu’ici ; ne vaut-il pas mieux en effet désigner par une épithète l’état d’un élément, que de faire un être nouveau de cet état en lui donnant un nom particulier ? Rien n’a plus retardé le progrès des sciences que la logomachie, et cette création de mots nouveaux à demi techniques, à demi métaphoriques, et qui dès lors ne représentent nettement ni l’effet ni la cause : j’ai même admiré la justesse de discernement des anciens ; ils ont appelé pyrites les matières minérales qui contiennent en abondance la substance du feu ; avons-nous eu raison de substituer à ce nom celui de soufre, puisque les minerais ne sont en effet que des pyrites ? Et de même les anciens chimistes ont entendu, par le mot de soufre, la matière du feu contenue dans les huiles, les résines, les esprits ardents, et dans tous les corps des animaux et des végétaux, ainsi que dans la substance des minéraux ; avons-nous aujourd’hui raison de lui substituer celui de phlogistique ? Le mieux eût été de n’adopter ni l’un ni l’autre : aussi n’ai-je employé, dans le cours de cet ouvrage, que l’expression de feu fixe[4] au lieu de phlogistique, comme je n’emploie ici que celle de pyrite au lieu de soufre minéral.

Au reste, si l’on veut distinguer l’idée du feu fixe de celle du phlogistique, il faudra, comme je l’ai dit[5], appeler phlogistique le feu qui, d’abord étant fixé dans les corps, est en même temps animé par l’air et peut en être séparé ; et laisser le nom de feu fixe à la matière propre du feu fixé dans ces mêmes corps et qui, sans l’adminicule de l’air auquel il se réunit, ne pourrait s’en dégager.

Le feu fixe est toujours combiné avec l’air fixe, et tous deux sont les principes inflammables de toutes les substances combustibles ; c’est en raison de la quantité de cet air et du feu fixe qu’elles sont plus ou moins inflammables : le soufre, qui n’est composé que d’acide pur et de feu fixe, brûle en entier et ne laisse aucun résidu après son inflammation ; les autres substances, qui sont mêlées de terres ou de parties fixes, laissent toutes des cendres ou des résidus charbonneux après leur combustion, et en général toute inflammation, toute combustion n’est que la mise en liberté, par le concours de l’air, du feu fixe contenu dans les corps, et c’est alors que ce feu animé par l’air devient phlogistique ; or le feu libre, l’air et l’eau, peuvent également rendre la liberté au feu fixe contenu dans les pyrites ; et comme, au moment qu’il est libre, le feu reprend sa volatilité, il emporte avec lui l’acide auquel il est uni, et forme du soufre par la seule condensation de cette vapeur.

On peut faire du soufre par la fusion ou par la sublimation : il faut pour cela choisir les pyrites qu’on a nommées sulfureuses, et qui contiennent la plus grande quantité de feu fixe et d’acide, avec la moindre quantité de fer, de cuivre, ou de toute autre matière fixe ; et, selon qu’on veut extraire une grande ou petite quantité de soufre, on emploie différents moyens[6], qui néanmoins se réduisent tous à donner du soufre par fusion ou par sublimation.

Cette substance, tirée des pyrites par notre art, est absolument semblable à celle du soufre que la nature produit par l’action de ses feux souterrains : sa couleur est d’un jaune citrin ; son odeur est désagréable, et plus forte lorsqu’il est frotté ou échauffé ; il est électrique comme l’ambre ou la résine ; sa saveur n’est insipide que parce que le principe aqueux de son acide y étant absorbé par l’excès du feu, il n’a aucune affinité avec la salive, et qu’en général, il n’a pas plus d’action sur les matières aqueuses qu’elles n’en ont sur lui ; sa densité est à peu près égale à celle de la pierre calcaire[7] ; il est cassant, presque friable, et se pulvérise aisément, il ne s’altère pas par l’impression des éléments humides, et même l’action du feu ne le décompose pas lorsqu’il est en vaisseaux clos, et privé de l’air nécessaire à toute inflammation. Il se sublime sous sa même forme, au haut du vaisseau clos, en petits cristaux auxquels on a donné le nom de fleurs de soufre : celui qu’on obtient par la fusion se cristallise de même en le laissant refroidir très lentement ; ces cristaux sont ordinairement en aiguilles, et cette forme aiguillée, propre au soufre, se voit dans les pyrites et dans presque tous les minéraux où le feu fixe et l’acide se trouvent combinés en grande quantité avec le métal ; il se cristallise aussi en octaèdres, dans les grands soupiraux des volcans.

Le degré de chaleur nécessaire pour fondre le soufre ne suffit pas pour l’enflammer : il faut pour qu’il s’allume porter de la flamme à sa surface, et dès qu’il aura reçu l’inflammation, il continuera de brûler. Sa flamme est légère et bleuâtre, et ne peut même communiquer l’inflammation aux autres matières combustibles, que quand on donne plus d’activité à la combustion du soufre en augmentant le degré de feu ; alors sa flamme devient plus lumineuse, plus intense, et peut enflammer les matières sèches et combustibles[8] : cette flamme du soufre, quelque intense qu’elle puisse être, n’en est pas moins pure ; elle est ardente dans toute sa substance, elle n’est accompagnée d’aucune fumée et ne produit point de suie : mais elle répand une vapeur suffocante qui n’est que celle de l’acide encore combiné avec le feu fixe, et à laquelle on a donné le nom d’acide sulfureux : au reste, plus lentement on fait brûler le soufre, plus la vapeur est suffocante, et plus l’acide qu’elle contient devient pénétrant ; c’est, comme l’on sait, avec cet acide sulfureux qu’on blanchit les étoffes, les plumes et les autres substances animales[9].

L’acide que le feu libre emporte ne s’élève avec lui qu’a une certaine hauteur ; car, dès qu’il est frappé par l’humidité de l’air, qui se combine avec l’acide, le feu est forcé de fuir, il quitte l’acide et s’exhale tout seul ; cet acide dégagé dans la combustion du soufre est du pur acide vitriolique : « Si l’on veut le recueillir au moment que le feu l’abandonne, il ne faut que placer un chapiteau au-dessus du vase, avec la précaution de le tenir assez éloigné pour permettre l’action de l’air qui doit entretenir la combustion, et de porter dans l’intérieur du chapiteau une certaine humidité par la vapeur de l’eau chaude ; on trouvera dans le récipient, ajusté au bec du chapiteau, l’acide vitriolique, connu sous le nom d’esprit de vitriol, c’est-à-dire un acide peu concentré et considérablement affaibli par l’eau[10]. On concentre cet acide et on le rend plus pur en le distillant : l’eau, comme plus volatile, s’élève la première et emporte un peu d’acide ; plus on réitère la distillation, plus il y a de déchet, mais aussi plus l’acide qui reste se concentre, et ce n’est que par ce moyen qu’on peut lui donner toute sa force et le rendre tout à fait pur[11]. » Au reste, on a imaginé depuis peu le moyen d’effectuer dans des vaisseaux clos la combustion du soufre : il suffit pour cela d’y joindre un peu de nitre qui fournit l’air nécessaire à cette combustion, et d’après ce principe, on a construit des appareils de vaisseaux clos pour tirer l’esprit de vitriol en grand, sans danger et sans perte ; c’est ainsi qu’on y procède actuellement dans plusieurs manufactures[12], et spécialement dans la belle fabrique de sels minéraux, établie à Javelle, sous le nom et les auspices de Mgr le comte d’Artois.

L’eau ne dissout point le soufre et ne fait même aucune impression à sa surface ; cependant, si l’on verse du soufre en fusion dans de l’eau, elle se mêle avec lui, et il reste mou tant qu’on ne le fait pas sécher à l’air ; il reprend sa solidité et toute sa sécheresse dès que l’eau dont il s’est humecté par force, et avec laquelle il n’a que peu ou point d’adhérence, est enlevée par l’évaporation.

Voilà, sur la composition de la substance du soufre et sur ses principales propriétés, ce que nos plus habiles chimistes ont reconnu et nous représentent comme choses incontestables et certaines ; cependant elles ont besoin d’être modifiées, et surtout de n’être pas prises dans un sens absolu si l’on veut s’approcher de la vérité, en se rapprochant des faits réels de la nature. Le soufre, quoique entièrement composé de feu fixe et d’acide, n’en contient pas moins les quatre éléments, puisque l’eau, la terre et l’air se trouvent unis dans l’acide vitriolique, et que le feu même ne se fixe que par l’intermède de l’air.

Le phlogistique n’est pas, comme on l’assure, une substance simple, identique et toujours la même dans tous les corps, puisque la matière du feu y est toujours unie à celle de l’air, et que, sans le concours de ce second élément, le feu fixe ne pourrait ni se dégager ni s’enflammer : on sait que l’air fixe prend souvent la place du feu fixe en s’emparant des matières que celui-ci quitte ; que l’air est même le seul intermède par lequel on puisse dégager le feu fixe, qui alors devient le phlogistique. Ainsi le soufre, indépendamment de l’air fixe qui est entré dans sa composition, se charge encore de nouvel air dans son état de fusion : cet air fixe s’unit à l’acide, la vapeur même du soufre fixe l’air et l’absorbe, et enfin le soufre, quoique contenant le feu fixe en plus grande quantité que toutes les autres substances combustibles, ne peut s’enflammer comme elles, et continuer à brûler que par le concours de l’air.

En comparant la combustion du soufre à celle du phosphore, on voit que dans le soufre l’air fixe prend la place du feu fixe à mesure qu’il se dégage et s’exhale en flamme, et que dans le phosphore, c’est l’air fixe qui se dégage le premier, et laisse le feu reprendre sa liberté ; cet effet s’opère sans le concours extérieur du feu libre, et par le seul contact de l’air, et dans toute matière où il se trouve des acides, l’air s’unit avec eux et se fixe encore plus aisément que le feu même dans les substances les plus combustibles.

Dans les explications chimiques on attribue tous les effets au phlogistique, c’est-à-dire au feu fixe seul, tandis qu’il n’est jamais seul, et que l’air fixe est très souvent la cause immédiate ou médiate de l’effet : heureusement que, dans ces dernières années, d’habiles physiciens, ayant suivi les traces du docteur Hales, ont fait entrer cet élément dans l’explication de plusieurs phénomènes, et ont démontré que l’air se fixait en s’unissant à tous les acides, en sorte qu’il contribue presque aussi essentiellement que le feu, non seulement à toute combustion, mais même à toute calcination, soit à chaud, soit à froid.

J’ai démontré[13] que la combustion et la calcination sont deux effets du même ordre, deux produits des mêmes causes ; et lorsque la calcination se fait à froid, comme celle de la céruse par l’acide de l’air, c’est que cet acide contient lui-même une assez grande quantité de feu fixe pour produire une petite combustion intérieure qui s’annonce par la calcination, de la même manière que la combustion intérieure des pyrites humectées se manifeste par l’inflammation.

On ne doit donc pas supposer, avec Stahl et tous les autres chimistes, que le soufre n’est composé que de phlogistique et d’acide, à moins qu’ils ne conviennent avec moi que le phlogistique n’est pas une substance simple, mais composée de feu et d’air, tous deux fixes ; que, de plus, ce phlogistique ne peut pas être identique et toujours le même, puisque l’air et le feu s’y trouvent combinés en différentes proportions et dans un état de fixité plus ou moins constant ; et de même on ne doit pas prononcer, dans un sens absolu, que le soufre, uniquement composé d’acide et de phlogistique, ne contient point d’eau, puisque l’acide vitriolique en contient, et qu’il a même avec cet élément assez d’affinité pour s’en saisir avidement.

L’eau, l’air et le feu peuvent également se fixer dans les corps, et l’on sera forcé, pour exposer au vrai leur composition, d’admettre une eau fixe, comme l’on a été obligé d’admettre un air fixe, après avoir admis le feu fixe ; et de même on sera conduit, par des réflexions fondées et par des observations ultérieures, à ne pas regarder l’élément de la terre comme absolument fixe, et on ne conclura pas, d’après l’idée que toute terre est fixe, qu’il n’existe point de terre dans le soufre, parce qu’il ne donne ni suie ni résidu après sa combustion : cela prouve seulement que la terre du soufre est volatile, comme celle du mercure, de l’arsenic et de plusieurs autres substances.

Rien ne détourne plus de la route qu’on doit suivre dans la recherche de la vérité que ces principes secondaires dont on fait de petits axiomes absolus, par lesquels on donne l’exclusion à tout ce qui n’y est pas compris : assurer que le soufre ne contient que le feu fixe et l’acide vitriolique, ce n’est pas en exclure l’eau, l’air et la terre, puisque dans la réalité ces trois éléments s’y trouvent comme celui du feu.

Après ces réflexions, qui serviront de préservatif contre l’extension qu’on pourrait donner à ce que nous avons dit, et à ce que nous dirons encore sur la nature du soufre, nous pourrons suivre les travaux de nos savants chimistes, et présenter les découvertes qu’ils ont faites sur ses autres propriétés. Ils ont trouvé moyen de faire du soufre artificiel, semblable au soufre naturel, en combinant l’acide vitriolique avec le phlogistique ou feu fixe animé par l’air[14] ; ils ont observé que le soufre, qui dissout toutes les matières métalliques, à l’exception de l’or et du zinc[15], n’attaque point les pierres ni les autres matières terreuses, mais qu’étant uni à l’alcali, il devient, pour ainsi dire, le dissolvant général de toutes matières : l’or même ne lui résiste pas[16], le zinc seul se refuse à toute combinaison avec le foie de soufre.

Les acides n’ont sur le soufre guère plus d’action que l’eau, mais tous les alcalis fixes ou volatils et les matières calcaires l’attaquent, le dissolvent et le rendent dissoluble dans l’eau : on a donné le nom de foie de soufre au composé artificiel du soufre et de l’alcali[17] ; mais ici, comme en tout le reste, notre art se trouve non seulement devancé, mais surpassé par la nature. Le foie de soufre est en effet l’une de ces combinaisons générales qu’elle a produites et produit même le plus continuellement et le plus universellement ; car, dans tous les lieux où l’acide vitriolique se rencontre avec les détriments des substances organisées, dont la putréfaction développe et fournit à la fois l’alcali et le phlogistique, il se forme du foie de soufre : on en trouve dans tous les cloaques, dans les terres des cimetières et des voiries, au fond des eaux croupies, dans les terres et pierres plâtreuses, etc., et la formation de ce composé des principes du soufre unis à l’alcali nous offre la production du soufre même sous un nouveau point de vue.

En effet, la nature le produit non seulement par le moyen du feu, au sommet des volcans et des autres fournaises souterraines, mais elle en forme incessamment par les effervescences particulières de toutes les matières qui en contiennent les principes : l’humidité est la première cause de cette effervescence ; ainsi l’eau contribue, quoique d’une manière moins apparente et plus sourde, plus que le feu peut-être, à la production et au développement des principes du soufre ; et ce soufre, produit par la voie humide, est de la même essence que le soufre produit par le feu des volcans, parce que la cause de leur production, quoique si différente en apparence, ne laisse pas d’être au fond la même : c’est toujours le feu qui s’unit à l’acide vitriolique, soit par l’inflammation des matières pyriteuses, soit par leur effervescence occasionnée par l’humidité ; car cette effervescence n’a pour cause que le feu renfermé dans l’acide, dont l’action lente et continue équivaut ici à l’action vive et brusque de la combustion et de l’inflammation.

Ainsi le soufre se produit sous nos yeux en une infinité d’endroits, où jamais les feux souterrains n’ont agi[18], et non seulement nous trouvons ce soufre tout formé partout où se sont décomposés les débris des substances du règne animal et végétal ; mais nous sommes forcés d’en reconnaître la présence dans tous les lieux où se manifeste celle du foie de soufre, c’est-à-dire dans une infinité de substances minérales qui ne portent aucune empreinte de l’action des feux souterrains.

Le foie de soufre répand une odeur très fétide, et par laquelle on ne peut manquer de le reconnaître : son action n’est pas moins sensible sur une infinité de substances, et seul il fait autant et peut-être plus de dissolutions, de changements et d’altérations dans le règne minéral que tous les acides ensemble : c’est par ce foie de soufre naturel, c’est-à-dire par le mélange de la décomposition des pyrites et des matières alcalines, que s’opère souvent la minéralisation des métaux ; il se mêle aussi aux substances terreuses et aux pierres calcaires ; plusieurs de ces substances annoncent, par leur odeur fétide, la présence du foie de soufre ; cependant les chimistes ignorent encore comment il agit sur elles. Le foie de soufre ou sa seule vapeur noircit et altère l’argent : il précipite en noir tous les métaux blancs ; il agit sur toutes les substances métalliques par la voie humide comme par la voie sèche ; lorsqu’il est en liqueur et qu’on y plonge des lames d’argent, il les noircit d’abord et les rend bientôt aigres et cassantes ; il convertit en un instant le mercure en éthiops[19], et la chaux de plomb en galène[20] ; il ternit sensiblement l’étain, il rouille le fer ; mais on n’a pas assez suivi l’ordre de ses combinaisons, soit avec les métaux, soit avec les terres ; on sait seulement qu’il attaque le cuivre, et l’on n’a point examiné la composition qui résulte de leur union ; on ne connaît pas mieux l’état dans lequel il réduit le fer par la voie sèche ; on ignore quelle est son action sur les demi-métaux[21], et quels peuvent être les résultats de son mélange avec les matières calcaires par la voie humide, comme par la voie sèche ; néanmoins ces connaissances, que la chimie aurait dû nous donner, seraient nécessaires pour reconnaître clairement l’action du foie de soufre dans le sein de la terre, et ses différentes influences sur les substances, tant métalliques que terreuses : on connaît mieux son action sur les substances animales et végétales ; il dissout le charbon même par la voie humide, et cette dissolution est de couleur verte.

La nature a de tout temps produit et produit encore tous les jours du foie de soufre par la voie humide ; la seule chaleur de la température de l’air ou de l’intérieur de la terre suffit pour que l’eau se corrompe, surtout l’eau qui se trouve chargée d’acide vitriolique, et cette eau putréfiée produit du vrai foie de soufre ; toute autre putréfaction, soit des animaux ou des végétaux, donnera de même du foie de soufre dès qu’elle se trouvera combinée avec les sels vitrioliques : ainsi le foie de soufre est une matière presque aussi commune que le soufre même ; ses effets sont aussi plus fréquents, plus nombreux que ceux du soufre qui ne peut se mêler avec l’eau qu’au moyen de l’alcali, c’est-à-dire en devenant foie de soufre.

Au reste, cette matière se décompose aussi facilement qu’elle se compose, et tout foie de soufre fournira du soufre en le mêlant avec un acide qui, s’emparant des matières alcalines, en séparera le soufre et le laissera précipiter : on a seulement observé que ce soufre précipité par les acides minéraux est blanc, et que celui qui est précipité par les acides végétaux, et particulièrement par l’acide du vinaigre, est d’un jaune presque orangé.

On sépare le soufre de toutes les substances métalliques et de toutes les matières pyriteuses par la simple torréfaction : l’arsenic et le mercure sont les seuls qui, étant plus volatils que le soufre, se subliment avec lui, et ne peuvent en être séparés par cette opération qu’il faut modifier, et faire alors en vaisseaux clos avec des précautions particulières.

L’huile paraît dissoudre le soufre comme l’eau dissout les sels[22] : les huiles grasses et par expression agissent plus promptement et plus puissamment que les huiles essentielles qui ne peuvent le dissoudre qu’avec le secours d’une chaleur assez forte pour le fondre ; et, malgré cette affinité très apparente du soufre avec les huiles, l’analyse chimique a démontré qu’il n’y a point d’huile dans la substance du soufre, et que dans aucune huile végétale ou animale il n’y a d’acide vitriolique ; mais, lorsque cet acide se mêle avec les huiles, il forme les bitumes, et comme les charbons de terre et les bitumes en général sont les principaux aliments des feux souterrains, il est évident qu’étant décomposés par l’embrasement produit par les pyrites, l’acide vitriolique des pyrites et des bitumes s’unit à la substance du feu, et produit le soufre qui se sublime, se condense et s’attache au haut de ces fournaises souterraines.

Nous donnerons ici une courte indication des différents lieux de la terre où l’on trouve du soufre en plus grande quantité et de plus belle qualité[23].

L’Islande est peut-être la contrée de l’univers où il y en a le plus[24], parce que cette île n’est pour ainsi dire qu’un faisceau de volcans. Le soufre des volcans de Kamtschatka[25], celui du Japon[26], de Ceylan[27], de Mindanao[28], de l’île Java, à l’entrée du golfe Persique[29] ; et dans les mers occidentales, celui du pic de Ténériffe[30], de Saint-Domingue[31], etc., sont également connus des voyageurs. Il se trouve aussi beaucoup de soufre au Chili[32], et encore plus dans les montagnes du Pérou, comme dans presque toutes les montagnes à volcans. Le soufre de Quito et celui de la Guadeloupe passent pour être les plus purs, et l’on en voit des morceaux si beaux et si transparents qu’on les prendrait au premier coup d’œil pour de bel ambre jaune[33]. Celui qui se recueille sur le Vésuve et sur l’Etna est rarement pur ; et il en est de même du soufre que certaines eaux thermales, comme celles d’Aix-la-Chapelle et de plusieurs sources en Pologne[34], déposent en assez grande quantité : il faut purifier tous ces soufres qui sont mélangés de parties hétérogènes, en les faisant fondre et sublimer pour les séparer de tout ce qu’ils ont d’impur. Presque tout le soufre qui est dans le commerce vient des volcans, des solfatares, et antres cavernes et grottes qui se trouvent ou se sont trouvées au-dessus des feux souterrains, et ce n’est guère que dans ces lieux que le soufre se présente en abondance et tout formé ; mais ses principes existent en bien d’autres endroits, et l’on peut même dire qu’ils sont universellement répandus dans la nature, et produits partout où l’acide vitriolique, rencontrant les débris des substances organisées, s’est saisi et surchargé de leur feu fixe, et n’attend qu’une dernière action de cet élément pour se dégager des masses terreuses ou métalliques dans lesquelles il se trouve comme enseveli et emprisonné : c’est ainsi que les principes du soufre existent dans les pyrites, et que le soufre se forme par leur combustion ; et partout où il y a des pyrites, on peut former du soufre ; mais ce n’est que dans les contrées où les matières combustibles, bois ou charbons de terre, sont abondantes, qu’on trouve quelque bénéfice à tirer le soufre des pyrites[35]. On ne fait ce travail en grand que dans quelques endroits de l’Allemagne et de la Suède, où les mines de cuivre se présentent sous la forme de pyrites ; on est forcé de les faire griller plusieurs fois pour en faire exhaler le soufre que l’on recueille comme le premier produit de ces mines. Le point essentiel de cette partie de l’exploitation des mines de cuivre, dont on peut voir ci-dessous les procédés en détail[36], est d’empêcher l’inflammation du soufre en même temps qu’on détermine son écoulement dans des bassins pour l’y recueillir ; cependant il est encore alors impur et mélangé, et ce n’est que du soufre brut qu’il faut purifier en le séparant des parties terreuses ou métalliques qui lui restent unies : on procède à cette purification en faisant fondre ce soufre brut dans de grands vases à un feu modéré ; les parties terreuses se précipitent et le soufre pur surnage[37] ; alors on le verse dans des moules ou lingotières dans lesquelles il prend la forme de canons ou de pains, sous laquelle on le connaît dans le commerce ; mais ce soufre, quoique déjà séparé de la plus grande partie de ses impuretés, n’est ni transparent ni aussi pur que celui qui se trouve formé en cristaux sur la plupart des volcans ; ce soufre cristallisé doit sa transparence et sa grande pureté à la sublimation qui s’en est faite dans ces volcans, et par la même raison le soufre artificiel le plus pur, ou ce que l’on appelle fleur de soufre, n’est autre chose que du soufre sublimé en vaisseaux clos, et qui se présente en poudre ou fleur très pure, qui est un amas de petits cristaux aiguillés et très fins, que l’œil, aidé de la loupe, y distingue.


Notes de Buffon
  1. Ils sont allés jusqu’à déterminer la proportion dans laquelle l’acide vitriolique et le feu fixe entrent chacun dans le soufre. Stahl a trouvé « que, dans la composition du soufre, l’acide vitriolique faisait environ quinze seizièmes du poids total, et même un peu plus, et que le phlogistique faisait un peu moins d’un seizième… M. Brandt dit, d’après ses propres expériences, que la proportion du principe inflammable à celle de l’acide vitriolique est à peu près de 3 à 50 (ou d’un dix-septième) en poids ; mais ni M. Brandt ni M. Stahl n’ont pas connu l’influence de l’air dans la combinaison de leurs expériences, en sorte que cette proportion n’est pas certaine. » Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Soufre.
  2. L’eau seule ne décompose pas les pyrites : le long des falaises des côtes de Normandie, les bords de la mer sont jonchés de pyrites que les pêcheurs ramassent pour en faire du vitriol.

    La rivière de Marne, dans la partie de la Champagne crayeuse qu’elle arrose, est jonchée de pyrites martiales qui restent intactes tant qu’elles sont dans l’eau, mais qui s’effleurissent dès qu’elles sont exposées à l’air.

  3. Le soufre des philosophes hermétiques était un tout autre être que le soufre commun ; ils le regardaient comme le principe de la lumière, comme celui du développement des germes et de la nutrition des corps organisés (voyez Georg Wolfgang Wedel, Éphémérides d’Allemagne, années 1678, 1679, et la Collection académique, partie étrangère, tome III, p. 415 et 416) ; et sous ces rapports il paraît qu’ils considéraient particulièrement, dans le soufre, son feu fixe, indépendamment de l’acide dans lequel il se trouve engagé : dans ce point de vue, ce n’est plus du soufre qu’il s’agit, mais du feu même, en tant que fixé dans les différents corps de la nature : il en fait l’activité, le développement et la vie, et, en ce sens, le soufre des alchimistes peut en effet être regardé comme le principe des phénomènes de la chaleur, de la lumière, du développement et de la nutrition des corps organisés. (Observation communiquée par M. l’abbé Bexon.)
  4. Le phlogistique et le feu fixe sont la même chose, dit très bien M. de Morveau, et le soufre n’est composé que de feu et d’acide vitriolique. Éléments de chimie, t. II, p. 21.
  5. Voyez l’introduction aux minéraux, t. II de cette Histoire naturelle.
  6. Pour tirer le soufre des pyrites, et particulièrement des pyrites cuivreuses, on forme, à l’air libre, des tas de pyrites qui ont environ vingt pieds en carré et neuf pieds de haut : on arrange ces pyrites sur un lit de bûches et de fagots ; on laisse à ces tas une ouverture qui sert d’évent, ou comme le cendrier sert à un fourneau ; on enduit les parois extérieures des tas, qui forment comme des espèces de murs, avec de la pyrite en poudre et en petites particules que l’on mouille ; alors on met le feu au bois, et on le laisse brûler pendant plusieurs mois ; on forme à la partie supérieure des tas ou de ces massifs des trous ou des creux qui forment comme des bassins dans lesquels le soufre fondu par l’action du feu va se rendre, et d’où on le puise avec des cuillers de fer ; mais ce soufre ainsi recueilli n’est point parfaitement pur, il a besoin d’être fondu de nouveau dans des chaudières de fer : alors les parties pierreuses et terreuses qui s’y trouvent mêlées tombent au fond de la chaudière, et le soufre pur nage à leur surface. Telle est la manière dont on fixe le soufre au Hartz

    Une autre manière, qui est aussi en usage en Allemagne, consiste à faire griller les pyrites ou la mine de cuivre sous un hangar couvert d’un toit qui va en pente ; ce toit oblige la fumée qui part du tas que l’on grille à passer par-dessus une auge remplie d’eau froide ; par ce moyen, cette fumée, qui n’est composée que de soufre, se condense et tombe dans l’auge…

    En Suède, on se sert de grandes retortes de fer qu’on remplit au tiers de pyrites, et on obtient le soufre par distillation ; on ne met qu’un tiers de pyrites, parce que le feu les fait gonfler considérablement : il passe une partie du soufre qui suinte au travers des retortes et qui est fort pur, on le débite pour de la fleur de soufre ; quant au reste du soufre, il est reçu dans des récipients remplis d’eau ; on enlève ce soufre des récipients, on le porte dans des chaudières de fer, où on le fait fondre, afin qu’il dépose les matières étrangères dont il était mêlé : lorsque les pyrites ont été dégagées du soufre qu’elles contenaient, on les jette dans un tas à l’air libre ; après qu’elles ont été exposées aux injures de l’air, ces tas sont sujets à s’enflammer d’eux-mêmes ; après quoi, le soufre en est totalement dégagé : mais, pour prévenir l’inflammation, on lave ces pyrites calcinées, et l’on en tire du vitriol, qu’elles ne donneraient point si on les avait laissées s’embraser ; après qu’il a été purifié, on le fond de nouveau, on le prend avec des cuillers de fer, et on le verse dans des moules qui lui donnent la forme de bâtons arrondis. C’est ce qu’on appelle soufre en canons

    Aux environs du mont Vésuve et dans d’autres endroits de l’Italie, où il se trouve du soufre, on met les terres qui sont imprégnées de cette substance dans des pots de terre, de la forme d’un pain de sucre ou d’un cône fermé par la base, et qui ont une ouverture au sommet : on arrange ces pots dans un grand fourneau destiné à cet usage, en observant de les coucher horizontalement ; on donne un feu modéré qui suffise pour faire fondre le soufre, qui découle par l’orifice qui est à la pointe des pots, et qui est reçu dans d’autres pots dans lesquels on a mis de l’eau froide où le soufre se fige.

    Après toutes ces purifications, le soufre renferme encore souvent des substances qui en rendraient l’usage dangereux, et il faut, pour le séparer de ces substances, le sublimer. (Encyclopédie, article Soufre.) — Voyez à peu près les mêmes procédés pour l’extraction du soufre des pyrites dans le pays de Liège, Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 10 ; et dans le Journal de Physique, mai 1781, p. 366, quelques vues utiles sur cette exploitation en général, et en particulier sur celle que l’on pourrait faire en Languedoc.

  7. Le soufre volatil pèse environ cent quarante-deux livres le pied cube, et le soufre en canon cent trente-neuf à cent quarante livres. Voyez la Table de M. Brisson.
  8. Si l’on ne donne au soufre que le petit degré de feu nécessaire pour commencer à le faire brûler, sa flamme bleuâtre ne se voit que dans l’obscurité, et ne peut pas allumer les corps les plus combustibles. M. Baumé a fait ainsi brûler tout le soufre qui est dans la poudre à tirer, sans l’enflammer. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Soufre.
  9. L’acide sulfureux volatil a la propriété de détruire et de décomposer les couleurs ; il blanchit les laines et les soies ; sa vapeur s’attache si fortement à ces sortes d’étoffes, que l’on ne peut plus leur faire prendre de couleur, à moins de les bouillir dans l’eau de savon ou dans une dissolution d’alcali fixe ; mais il faut prendre garde de laisser ces étoffes trop longtemps exposées à la vapeur du soufre, parce qu’elle pourrait les endommager et les rendre cassantes. Encyclopédie, article Soufre.
  10. Éléments de Chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 22.
  11. Idem, ibidem.
  12. C’est à Rouen où l’on a commencé à faire de l’huile de vitriol en grand par le soufre ; il s’en fait annuellement dans cette ville et dans les environs quatorze cents milliers : on en fait à Lyon sans intermède du salpêtre. (Note communiquée par M. de Grignon.)
  13. T. II, p. 240 et suiv.
  14. Pour prouver que c’est l’acide vitriolique qui forme le soufre avec le phlogistique ou feu fixe, il suffit de mettre cet acide dans une cornue, de lui présenter des charbons noirs, de l’huile ou autre matière que nous savons contenir du phlogistique, ou même de se servir d’une cornue fêlée, par où il puisse s’introduire quelque portion de la matière de la flamme, car tous ces moyens sont également bons : la liqueur qui passera dans le récipient ne sera plus simplement de l’acide, ce sera de l’acide et du feu fixe combinés, un véritable soufre, qui ne différera absolument du soufre solide que parce qu’il sera rendu miscible à l’eau par l’intermède de l’air uni à l’acide.

    On produit sur-le-champ le même soufre volatil en portant un charbon allumé à la surface de l’acide… Ceci n’est encore qu’un soufre liquide… Mais on fait du soufre solide avec les mêmes éléments, en prenant du tartre vitriolé qui soit d’acide vitriolique bien pur et d’alcali fixe ; on prend deux parties d’alcali fixe et une partie de poussière de charbon : ce mélange donnera en peu de temps, dans un creuset couvert et exposé au feu, une masse fondue que l’on pourra couler sur une pierre graissée, et cette masse sera rouge, cassante, exhalera une forte odeur désagréable, et c’est ce que l’on nomme foie de soufre.

    Le foie de soufre étant dissoluble dans l’eau de quelque manière qu’on le fasse, si on dissout celui dont nous venons de donner la préparation, et qu’on verse dans la dissolution un acide quelconque, il s’empare de l’alcali, qui était partie constituante du foie de soufre, et il se précipite à l’instant une poudre jaune, qui est un vrai soufre produit par l’art, que l’on peut réduire en masse, cristalliser ou sublimer en fleurs, tout de même que le soufre naturel. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 24 et suiv.

  15. Les affinités du soufre sont dans l’ordre suivant : les alcalis, le fer, le cuivre, l’étain, le plomb, l’argent, le bismuth, le régule d’antimoine, le mercure, l’arsenic et le cobalt. Dictionnaire de chimie, article Soufre.
  16. Le foie de soufre divise l’or au moyen du sel de tartre, mais il ne l’altère point. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 39. — Suivant Stahl, ce fut au moyen du foie de soufre que Moïse réduisit en poudre le Veau d’or, suivant les paroles de l’Exode, chap. xxxiii, v. 20 : « Tulit vitulum quem fecerant, et combussit igne, contrivitque donec in pulverem redegit, postea sparsit in superficiem aquarum, et potavit filios Israël. » Voyez son Traité intitulé : Vitulus aureus igne combustus.
  17. Le foie de soufre se prépare ordinairement avec l’alcali fixe végétal, mais il se fait aussi avec les autres alcalis. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 37.
  18. On trouve, en Franche-Comté, des géodes sulfureuses qui contiennent un soufre tout formé, et produit, suivant toute apparence, par l’efflorescence des pyrites dans des lieux où elles auront en même temps éprouvé la chaleur de la putréfaction et de la fermentation.
  19. On a observé que cet éthiops, fait par le foie de soufre en liqueur, devient d’un assez beau rouge au bout de quelques années, et que le foie de soufre volatil agit encore plus promptement sur le mercure, car le précipité passe au rouge en trois ou quatre jours, et se cristallise en aiguilles comme le cinabre. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 40 et 41.
  20. Le foie de soufre s’unit au plomb par la voie sèche… Si l’on fait chauffer du foie de soufre en liqueur, dans lequel on ait mis une chaux de plomb, elle se trouve convertie au bout de quelques instants en une sorte de galène artificielle. Idem, ibidem, p. 41.
  21. Le nickel fondu avec le foie de soufre forme une masse métallique d’un jaune verdâtre qui attire l’humidité de l’air ; sa dissolution filtrée laisse précipiter des écailles métalliques que l’on peut refondre : c’est un mélange de soufre et de nickel ; il ne détone pas avec le nitre. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 45.
  22. Il en est à peu près de cette dissolution du soufre par les huiles comme de celle de la plupart des sels dans l’eau : les huiles peuvent tenir en dissolution une plus grande quantité de soufre à chaud qu’à froid ; il arrive de là qu’après que l’huile a été saturée de soufre à chaud, il y a une partie de ce soufre qui se sépare de l’huile par le seul refroidissement, comme cela arrive à la plupart des sels ; et l’analogie est si marquée entre ces deux effets, que, lorsque le refroidissement des dissolutions de soufre est lent, cet excès de soufre se dissout à l’aide de la chaleur, se cristallise dans l’huile, de même que les sels se cristallisent dans l’eau en pareille circonstance. Le soufre n’est point décomposé par l’union qu’il contracte avec les huiles, tant qu’on ne lui fait supporter que le degré de chaleur nécessaire à sa dissolution, car on peut le séparer de l’huile, et on le retrouve pourvu de toutes ses propriétés. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Soufre.
  23. Le passage suivant de Pline indique quelques-uns des lieux d’où les anciens tiraient le soufre, et prouve que dès lors le territoire de Naples était tout volcanique. « Mira, dit-il, sulphuris natura quo plurima domantur ; nascitur in insulis Æoliis inter Siciliam et Italiam, quas ardere diximus ; sed nobilissimum in Melo insulâ. In Italiâ quoque invenitur, in Neapolitano, Campanoque agro collibus qui vocantur Leucogœi. Ibi e cuniculis effossum perficitur igni. Genera quatuor ; vivum quod Græci apyron vocant, nascitur solidum, hoc est gleba… vivum effoditur, translucetque, et viret. Alterum genus appellant glebam, fullonum tantum officinis familiare… egulæ vocatur hoc genus. Quarto autem ad ellychnia maximè conficienda. » Pline, lib. xxxv, cap. l.
  24. Anderson assure que le terrain de l’Islande est de soufre jusqu’à six pouces de profondeur ; cela ne peut être vrai que de quelques endroits ; mais il est certain que le soufre y est généralement fort abondant, car les districts de Huscoin et de Kriscvig en fournissent considérablement, soit sur la pente des montagnes, soit en différents endroits de la plaine. On peut charger dans une heure de temps quatre-vingts chevaux d’un soufre naturel, en supposant chaque charge de cent quatre-vingt-douze livres, ce qui fait quinze mille fois cent soixante livres. La terre qui couvre ce soufre est stérile, sèche et chaude ; elle est composée de sable, de limon et de gravier de différentes couleurs, blanc, rouge, jaune et bleu. On connaît les endroits où il y a du soufre par une élévation en dos d’âne, qui paraît sur la terre, et qui a des crevasses dans le milieu, d’où il sort une chaleur beaucoup plus forte que des autres endroits ; on ne fait qu’ôter la superficie de la terre, et on trouve dans le milieu le soufre en morceaux, pur, beau et assez ressemblant au sucre candi : il faut le casser pour le détacher du fond. On peut fouiller jusqu’à la profondeur de deux ou trois pieds ; mais la chaleur devient alors trop forte et le travail trop pénible : plus on s’écarte du milieu de cette veine, plus les morceaux de soufre deviennent rares et petits, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que comme du gravier. On ramasse ce soufre avec des pelles, et il est d’une qualité un peu inférieure à l’autre : ce n’est que dans les nuits claires de l’été que l’on y travaille, la chaleur du soleil incommoderait trop les ouvriers ; ils sont même obligés d’envelopper leurs souliers de quelques gros morceaux de vieux drap pour en garantir les semelles.

    Depuis 1722 jusqu’en 1728, on a tiré une grande quantité de soufre de ces deux endroits ; mais celui qui avait obtenu le privilège pour ce commerce étant mort, personne ne l’a continué : d’ailleurs les Islandais ne se livrent pas volontiers à ces travaux, qui leur ôtent le temps dont ils n’ont pas trop pour leurs pêches. Extrait des Mémoires de Horrebows sur l’Islande, dans le Journal étranger, mois d’avril 1758, et de ceux d’Anderson, dans la Bibliothèque raisonnée, mois de mars 1747.

  25. Les montagnes entre lesquelles coule la rivière d’Osernajo, qui sort du lac de Kurilly, renferment des marcassites cuivreuses, du soufre vierge transparent, de la mine de soufre dans une terre crayeuse… Vers le milieu du cours de cette rivière, sont deux volcans qui étaient encore enflammés en 1743, et vers sa source est une montagne blanchâtre, coupée à pic et formée de pierres blanches, semblables à des canots dressés perpendiculairement à côté les uns des autres…

    Le soufre vierge se trouve autour de Cambalinos, à Lopatka et à la montagne de Kronotzkoi, mais en plus grande quantité, et la plupart à la baie d’Olutor, où il suinte tout transparent comme celui de Casan, hors d’un rocher ; les morceaux n’ont pas au-dessus de la grosseur d’un pouce : on en trouve partout dans les cailloux près de la mer ; en général, il y en a dans tous les endroits où il y avait autrefois des sources chaudes. Journal de Physique, mois de juillet 1781, p. 40 et 41.

  26. Le soufre vient principalement de la province de Satzuma, où on le tire d’une petite île voisine, qui en produit une si grande quantité, qu’on l’appelle l’île du soufre : il n’y a pas plus de cent ans qu’on s’est hasardé d’y aller… On n’y trouva ni enfer ni diable (comme le peuple le croyait), mais un grand terrain plat qui était tellement couvert de soufre, que, de quelque côté qu’on marchât, une épaisse fumée sortait de dessous les pieds : depuis ce temps-là, cette île rapporte au prince de Satzuma environ vingt caisses d’argent par an, du soufre qu’on y tire de la terre… Le pays de Sinabarra, particulièrement aux environs des bains chauds, produit aussi d’excellent soufre ; mais les habitants n’osent pas le tirer de la terre, de peur d’offenser le génie tutélaire du lieu. Histoire naturelle et civile du Japon, par Kæmpfer ; La Haye, 1729, t. Ier, p. 92.
  27. Dans l’île de Ceylan, il y a du soufre, mais le roi défend qu’on le tire des mines. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 549.
  28. Les volcans de l’île de Mindanao, l’une des Philippines, donnent beaucoup de soufre, surtout celui de Sauxil. Idem, t. X, p. 399.
  29. Le terrain de l’île nommée Jerun, à l’entrée du golfe Persique, est si stérile qu’il ne produit presque que du sel et du soufre. Idem, t. Ier, p. 98.
  30. Il sort au sud du pic de Ténériffe plusieurs ruisseaux de soufre qui descendent dans la région de la neige ; aussi paraît-elle entremêlée dans plusieurs endroits de veines de soufre. Idem, t. II, p. 250.
  31. Dans l’île de Saint-Domingue, on trouve des minières de soufre et de pierres ponces. Idem, t. XII, p. 218.
  32. Dans le Corrégiment de Copiago, dons les Cordillères du Chili, à quarante lieues du port, vers l’est-sud-est, on trouve des mines du plus beau soufre du monde, qui se tire pur d’une veine d’environ deux pieds de large. Hist. générale des Voyages, t. XIII, p. 414. — Dans les hautes montagnes de la Cordillère, à quarante lieues vers l’est, sont des mines du plus beau soufre qu’on puisse voir : on le tire tout pur d’une veine d’environ deux pieds de large, sans qu’il ait besoin d’être purifié. Frezier, Voyage à la mer du Sud ; Paris, 1732, p. 128.
  33. La soufrière de la Guadeloupe est la montagne la plus élevée de cette île : elle a été autrefois volcan… Elle est encore embrasée dans son intérieur ; on y trouve une si grande quantité de soufre, qui se sublime par la chaleur souterraine en grande abondance, que cet endroit paraît inépuisable… Le cratère a environ vingt-cinq toises de diamètre, et il sort de la fumée par les fentes qui sont au-dessous ; dans toute cette étendue, il y a beaucoup de soufre dont l’odeur est suffocante… Il y a dans cette soufrière différentes sortes de soufre ; il y en a qui ressemble parfaitement à des fleurs de soufre ; d’autre se trouve en masses compactes, et est d’un beau jaune d’or ; enfin l’on en rencontre des morceaux qui sont d’un jaune transparent comme du succin. Encyclopédie, article Soufre.
  34. Une fontaine sulfureuse qui est auprès de Sklo ou de Jaworow, sur la droite du chemin en venant de Léopol, a ses environs d’un tuf sableux, jaunâtre, semblable à celui des montagnes que l’on passe en venant de Varsovie à Léopol ; le vrai bassin de la fontaine, dit M. Guettard, et qu’elle s’est formé elle même, peut avoir quatre à cinq pieds de largeur ; l’eau sort du milieu… Les plantes, les feuilles, les petits morceaux de bois qui peuvent se trouver dans le bassin ou sur ses bords sont chargés d’une matière blanche et sulfureuse, dont on voit aussi beaucoup de flocons qui nagent dans l’eau, et qui vont se déposer sur les bords du petit ruisseau qui sort du bassin… M. Guettard s’est assuré, par l’expérience, que cette source est sulfureuse. Mém. de l’Académie des sciences, année 1762, p. 312. — C’est particulièrement dans l’étendue de la Pologne, qui renferme les fontaines salées et les mines de sel gemme, que se trouvent encore les mines de soufre et les fontaines sulfureuses. Rzaczynski dit du moins qu’il y a des fontaines sulfureuses près des salines de Bochnia et de Wielizka. M. Schober parle d’une fontaine d’une odeur si disgracieuse, qu’il ne put se déterminer à en goûter ; l’eau de cette fontaine sort d’une montagne appelée Zarky, ou montagne de soufre… Son odeur disgracieuse lui vient probablement des parties sulfureuses qu’elle tire de la montagne Zarky, qui en est remplie : ce soufre est d’un beau jaune et renfermé dans une pierre bleuâtre calcaire. On a autrefois exploité cette mine ; elle est négligée maintenant.

    On tire du soufre, suivant Rzaczynski, des écumes que la rivière appelée Ropa forme sur ses bords ; cette rivière traverse Bieez, ville du palatinat de Cracovie. Humenne, ville qui appartient à la Hongrie, mais dont un faubourg dépend de la Pologne, a un petit ruisseau qui donne un soufre noir que l’on rend blanchâtre au feu. Idem, ibidem, p. 311.

  35. Pour connaître si les pyrites dont on veut tirer le soufre en contiennent assez pour payer les frais, il faut en mettre deux quintaux dans un scorificatoire pour les griller ; après quoi, on pèsera ces deux quintaux, et on verra combien il y aura eu de déchet, et cette perte est comptée pour la quantité de soufre qu’elle contenait.

    On connaîtra cette quantité plus précisément en distillant les pyrites dans une cornue : il faut alors les briser en petits morceaux ; on ramasse tout le soufre qui passe à la distillation dans l’eau qu’on tient dans le récipient ; on le fait sécher ensuite, et on le joint à celui qui demeure attaché au col de la cornue pour connaître le poids du total. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 255.

  36. Il y a des ateliers construits exprès à Schwartzenberg en Saxe, et en Bohême dans un endroit nommé Alten-Sattel : on y retire le soufre des pyrites sulfureuses ; les fourneaux construits pour cela reçoivent des tuyaux de terre dans lesquels on met ces pyrites ; et, après que ces tuyaux ont été bien lutés pour que le soufre ne puisse en sortir, on adapte les récipients de fer, dans lesquels on a mis un peu d’eau au bec de ces tuyaux qui sortent des fourneaux, et on lute ensemble ; ensuite on échauffe les fourneaux avec du bois, pour faire distiller le soufre des pyrites dans l’eau des récipients… On casse les pyrites de la grosseur d’une petite noix ; on en fait entrer trois quintaux dans onze tuyaux, de manière qu’il n’y en ait pas plus dans l’un que dans l’autre ; on bouche ensuite le tuyau du côté le plus ouvert avec des couvercles de terre… Après avoir bien luté, de l’autre côté du fourneau, ces mêmes tuyaux avec les récipients… on fait du feu dans le fourneau, mais peu à peu, afin que les tuyaux ne prennent de chaleur que ce qu’il en faut pour faire distiller le soufre… Et au bout d’environ huit heures de feu, on trouve que le soufre a passé dans les récipients… L’on fait alors sortir les pyrites usées pour en remettre de nouvelles à la même quantité de trois quintaux ; l’on répète les mêmes manœuvres que dans la première distillation, et on recommence une troisième opération.

    On retire ensuite du vitriol des pyrites usées ou brûlées. Ces onze tuyaux dans lesquels on a mis, en trois fois, neuf quintaux de pyrites, rendent, en douze heures, depuis cent jusqu’à cent cinquante livres de soufre cru ; et, comme on passe chaque semaine environ cent vingt-six quintaux de pyrites par le fourneau, on en retire depuis quatorze jusqu’à dix-sept quintaux de soufre cru. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. II, p. 235 et suiv.M. Jars, dans ses Voyages métallurgiques, t. III, p. 308, ajoute ce qui suit au procédé décrit par Schlutter.

    On met dans ce fourneau onze tuyaux de terre que l’on a auparavant enduits avec de l’argile, et on y introduit, par leur plus grande ouverture, trente à trente-cinq livres de pyrite réduite en petits morceaux : on les bouche ensuite très exactement, de même que les récipients de forme carrée, qu’on remplit d’eau et qu’on recouvre avec leur couvercle de plomb bien luté : après quatre heures de feu, on ôte les pyrites et on les jette dans l’eau pour en faire une lessive que l’on fait évaporer pour en obtenir le vitriol ; on met de nouvelles pyrites concassées dans les tuyaux, et l’on répète la même opération toutes les quatre heures, et toutes les douze heures, on ouvre les récipients pour en retirer le soufre ; de sorte que le travail d’une semaine est d’environ cent quarante quintaux de pyrites, pour lesquels on consomme quatre cordes et demie de bois, ou quinze cent cinquante-trois pieds cubes, y compris celui que l’on brûle pour la purification du soufre, comme le dit Schlutter. Cette opération se fait dans un fourneau plus petit que celui que décrit cet auteur, car il ne peut y entrer que trois cucurbites de chaque côté : elles sont de fer, ayant deux pieds et demi de hauteur, dix-huit pouces dans leur plus grand diamètre, et une ouverture de sept pouces, à laquelle il y a un chapiteau de terre, dont le bec entre dans un récipient de fer, que Schlutter nomme avant-coulant.

    Ces cucurbites se remplissent avec du soufre cru que l’on a retiré des pyrites, et en contiennent ensemble sept quintaux ; pour la conduite de l’opération et la manière d’en obtenir le soufre et de le mouler, on suit le même procédé que Schlutter a décrit. — Dans le haut Hartz, quand le grillage de la mine de plomb tenant argent de Ramelsberg a resté au feu pendant quinze jours ou environ, le minerai et le noyau de vitriol qui est par-dessus deviennent très gras, c’est-à-dire qu’ils paraissent comme enduits d’une espèce de vernis ; alors il faut faire dans le dessus du grillage vingt ou vingt-cinq trous avec une barre de fer, au bout de laquelle il y a un globe de plomb : on unit ces trous avec du menu vitriol, et c’est là ou le soufre se rassemble ; on l’y puise trois fois par jour, le matin, à midi et le soir, pour le jeter dans un sceau où l’on a mis un peu d’eau. Ce soufre, tel qu’il vient des grillages, se nomme soufre cru ; on l’envoie aux fabriques de soufre pour le purifier : lorsque les trous dont on vient de parler sont ajustés, on ramasse tout autour la matière du grillage, c’est-à-dire qu’on ôte le minéral du bas du grillage, d’un pied ou environ, afin que l’air puisse pénétrer dans ce grillage, et par la chaleur du feu qui l’anime y séparer le soufre ; s’il arrive que ce soufre reste un peu en arrière, on ramasse une seconde fois le grillage pour introduire plus d’air, ce qui se fait jusqu’à trois fois. Pendant toute cette manœuvre, il faut bien prendre garde que le grillage ne se refende, soit par-dessus, soit par les côtés ; si cela arrivait, il faudrait boucher les fentes sur-le-champ, car, faute de cette précaution, il arrive souvent que le grillage se met en feu, que tout le soufre se brûle et se consume, aussi bien que la partie supérieure du noyau de vitriol. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. II, p. 167 et 168.

    Le printemps et l’automne sont les saisons les plus convenables pour rassembler le soufre dans les trous dont on a parlé, surtout quand l’air est sec : c’est donc selon que l’air est sec ou humide qu’on peut puiser peu à peu, depuis dix jusqu’à vingt quintaux de soufre cru. Idem, ibidem, p. 169.

    S’il arrive que pendant un beau temps le grillage devienne extrêmement gras d’un côté ou de l’autre, que le soufre perce et traverse le menu vitriol qui en fait la couverture, on y fait une autre couverture avec du même métal, qu’on humecte auparavant d’un peu d’eau, et l’on choisit pour cela les côtés du grillage qui ne sont pas exposés au vent d’est, parce qu’il les sèche trop : lorsque cette ouverture est fermée, on ouvre et l’on creuse un peu le grillage, d’abord seulement d’un pied, et l’on met des planches devant pour en entretenir la chaleur, en empêchant le vent d’y entrer ; alors le soufre y dégoutte, et forme différentes figures que l’on ôte le matin et le soir… Mais il n’y a point de soufre à espérer pendant l’hiver, dans les fortes pluies, quand l’air est trop chaud, et quand le vent d’est souffle un peu fort. Idem, ibidem, p. 170.

  37. Dans les travaux du bas Hartz, le soufre cru, tel qu’il a d’abord été tiré des pyrites, se porte dans des fabriques où il est purifié… On en met d’abord deux quintaux et demi, tel qu’il vient des grillages, dans un chaudron de fer encastré dans un fourneau ; on le casse en morceaux, que l’on met l’un après l’autre dans le chaudron, où on le fond avec un feu doux de bois de sapin ; il faut cinq heures pour cette première opération, mais la seconde n’en exige que trois ou environ. Le vitriol et la mine qui se trouvent encore dans le soufre se précipitent par leur poids au fond du chaudron d’où on les retire, après quoi on verse le soufre liquide dans un vase pour le faire refroidir ; s’il contient encore quelque impureté, elle se dépose pendant le refroidissement du soufre, tant au fond que sur les parois du vase ; si, après cette dépuration, le soufre paraît clair et jaune, on le coule dans des moules de bois, qu’on a trempés dans l’eau auparavant, afin que le soufre puisse s’en détacher aisément et se retirer des moules, qui sont en forme de cylindre creux. C’est ce qu’on nomme soufre jaune : on peut le vendre tel qu’il est…

    Ce qui se précipite dans le commencement de la fonte du soufre brut ne sert plus de rien ; mais ce qui se dépose et s’attache dans le fond et contre les parois du vase est du soufre gris. Lorsqu’on en a une quantité suffisante, on le remet dans un chaudron pour le refondre ; de là on le verse dans un vase ou chaudron de cuivre, où le tout se refroidit pendant que les impuretés se déposent, ce qui forme des pains de soufre de près de deux cents livres ; le dessous en est encore gris, mais le soufre jaunâtre qui est par-dessus se perfectionne par la distillation, et se convertit en soufre jaune.

    Il ne faut pas que le feu soit trop violent pendant la purification du soufre, parce qu’il perdrait sa belle couleur jaune et deviendrait gris.

    On purifie aussi par la distillation le soufre qui n’est que jaunâtre, pour lui donner une plus belle couleur.

    Cette distillation se fait dans un fourneau où il y a huit cucurbites de fer fondu, dans lesquelles on met huit quintaux de soufre jaunâtre ; on adapte au-devant de ces cucurbites des tuyaux qui aboutissent à des pots de terre ; ces pots sont percés au fond et par devant, afin de laisser un passage au soufre qui doit y tomber pour se rendre ensuite dans un bassin ; à mesure que les bassins se remplissent, on en retire le soufre, que l’on met dans un vase ou chaudron de cuivre, où il se refroidit, comme dans la précédente purification ; ensuite on le coule dans les moules : lorsque ce vase ou chaudron est plein, les cucurbites ne sont plus qu’à moitié pleines ; on cesse le feu pendant environ une demi-heure, pendant que l’on coule en moule le soufre déjà purifié ; ensuite on recommence le feu pour achever la distillation, et répéter ensuite la même manœuvre que dans la première distillation. Il ne faut pas faire un trop grand feu, car on risquerait de faire embraser le soufre : cette distillation dure huit heures. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. II, p. 222 et suiv.

Notes de l’éditeur
  1. Passage très remarquable.
  2. Tout ce qui concerne la chimie du soufre est absolument faux. Le soufre est un corps simple ; il ne peut donc être question de rechercher en lui « la matière du feu rendue fixe par l’acide ».
  3. Buffon, on le voit, admettait encore la théorie « des quatre éléments » : l’eau, la terre, l’air et le feu. Il me paraît tout à fait inutile de relever les innombrables erreurs contenues dans cet article.