Œuvres complètes de Bernard Palissy/Discours admirables de la Nature des eaux et fontaines, etc./Traité des Métaux et alchimie

Texte établi par Paul-Antoine CapJ.-J. Dubochet et Cie (p. 190-223).

TRAITÉ DES METAVX ET ALCHIMIE.


Theorique.


I l me semble que tu as assez parlé des fontaines : ie voudrois que suyuant ta promesse tu m’eusses donné quelque connoissance du fait des metaux. Car ie sçay qu’il y a vn grand nombre d’hommes en France, qui se trauaillent tous les iours à l’œuure de l’Alchimie, et plusieurs y font de grands proufits, ayants trouué de beaux secrets, tant pour augmenter l’or et l’argent, qu’autres effects : choses que ie voudrois bien sçauoir et entendre.

Practique.

Par là tu peux connoistre combien l’insatiable auarice des hommes amene de maux en ce bas siecle. Il n’est abus entre les hommes qui cause plus de larcins et tromperies que l’auarice, ainsi qu’il est escrit, que l’auarice est racine de tous maux. Il est certain que plusieurs desirans d’estre riches se sont enuelopez en plusieurs douleurs : suyuant quoy ie ne puis mieux connoistre que tu veux estre compris au rang des auaricieux, que de ce que tu desires sçauoir, faire ou augmenter l’or ou l’argent. Car plusieurs actes auaricieux se peuuent cacher par hypocrisie. Mais quant est de ceux qui veulent faire l’or et l’argent, leur auarice ne se peut cacher, et leurs intentions ne peuuent estre mises en autre rang qu’en celuy des conuoiteux et ventres paresseux, qui pour obuier à trauailler à quelque art vtile et iuste, voudroyent sçauoir faire de l’or et de l’argent, afin de viure à leur aise, et se faire grands à peu de labeur : et estants menez d’vne telle conuoitise, ne pouuant paruenir à faire ce qu’ils cherchent, ils vsent de ce qu’ils peuuent, iuste ou iniuste. Voila vn point que tout homme de bon esprit auroit honte de me le nier : parquoy si tu m’en veux croire tu ne mettras iamais ton affection à ces choses.

Theorique.

Tu me donnes ici de terribles traits, tu me veux quasi accuser d’vn mal que ie n’ay pas encores fait : d’autre part, me veux tu faire croire que ce soit mal fait de prendre de l’huile d’antimoine ou de l’huile d’or, et auec lesdites huiles par vn art philosophal puisse teindre l’argent en couleur d’or ? est-ce mal fait de conuertir l’argent en or ? Si ie prens du fin cuyure et que ie vienne à luy oster son flegme, ou teincture rouge, et que ie le puisse reduire en couleur d’argent, ie dis en telle sorte qu’il endurera la coupelle et tous autres examens, quel mal est ce si ie le puis faire, moyennant que ce soit bon argent ?

Practique.

Tu as beau faire ; et trauaille tant que tu voudras, et consomme tes iours et tes biens comme tant de milliers d’autres ont fait, tu n’y paruiendras iamais.

Theorique.

Et ne sçay-ie pas bien que plusieurs par cy deuant sont paruenus à ce que ie di ? n’auons nous pas tant de beaux liures qu’ils nous ont laissé par escrit ; entre autres vn Gebert, vn Arnault de Villeneufue, le Roman de la Rose, et tant d’autres : mesmes que quelqu’vns de nos anciens ont fait autrefois vne pierre Philosophale, laquelle en mettant vn certain poids dedans l’or elle l’augmentoit de cent fois autant, et c’est ce que plusieurs cherchent auiourd’huy, sçachant bien que cela a esté fait autre fois, et cela s’appelle le grand œuure.

Practique.

Et vray Dieu ! és tu encores si ignorant de croire cela ? cuides tu que les hommes du temps passé n’eussent en eux quelque mensonge, pour sçauoir attirer l’argent par fallace, aussi bien que ceux du iourd’huy ? sçais-tu pas ce que dit Dauid de son temps : Seigneur aide nous : car nous sommes tous desnuez d’hommes droits. Les hommes (dit-il) sont tous pleins de flaterie, et parlent tout au contraire de leurs pensées. Et Salomon dit que l’iniquité est si grande qu’il n’y a pas vn artisan qui ne soit enuieux contre son semblable. Cuides tu que ie vueille croire vn Gebert[1], vn Arnauld de Villeneufue, ou vn Roman de la Rose, en ce qu’ils auront parlé contre les œuures de Dieu ? Et cuides tu que ie sois si mal instruit, que ie ne sçache bien que l’or et l’argent et tous autres metaux sont vne œuure diuine, et que c’est temerairement entrepris contre la gloire de Dieu, de vouloir vsurper sur ce qui est de son estat. Or tout ce qui est donné à l’homme de pouuoir faire enuers les metaux, c’est d’en tirer les excremens, et les purifier et examiner, et en former telles especes de vaisseaux ou monnoyes que bon luy semblera ; et est chose semblable aux cueillettes et cultiuement des semences. Car c’est à l’homme seulement de trier le grain d’auec la paille, le son d’auec la farine, et de la farine en faire du pain, et de pressurer les grappes pour en tirer le vin : Mais c’est à Dieu de leur donner le croistre, la saueur et couleur : ie di qu’ainsi que l’homme ne peut rien en cest endroit, aussi ne peut-il enuers les metaux.

Theorique.

Comment ? tu parles icy de semer ; comme si les metaux venoyent de semence, comme le bled ou autres vegetatifs.

Practique.

Ie n’ay pas entrepris un tel propos, ny mis vn tel argument en auant sans quelque raison. Ne sçay-ie pas bien que tous ces conuoiteurs de richesses, qui taschent de sçauoir faire l’or et l’argent, quand on leur dit qu’il y a long-temps qu’ils sont apres, et que l’on ne voit aucune experience, ils disent que tout en cas pareil que le laboureur attend patiemment le temps et saison de la cueillette, apres auoir semé : aussi faut qu’ils attendent, et que cela ne se peut faire qu’auec la generation qu’ils ont conclud faire dedans leurs vaisseaux, qu’ils ont destinez à besongner et seruir comme vne matrice à la generation des metaux. Et cela, disent ils, a esté bien consideré et preueu par les Philosophes antiques : car tout ainsi que l’on iette la semence du bled pour causer l’augmentation en sa seconde generation : aussi (disent ils) qu’apres qu’ils ont separé par calcinations, distillations ou autres manieres de faire, les matieres l’vne de l’autre, ils mettent couuer ou generer selon leurs desseings, leurs matieres, par poids et mesure, telle qu’ils ont imaginee, et ce fait ils mettent lesdites choses en vn feu fort lent, voulant imiter la matrice de la femme ou de la beste : sçachant bien que la generation se fait par vne lente chaleur : et afin d’auoir tousiours vn feu continuel et d’vne mesme sorte, ils se sont aduisez de faire vne lampe auec vne mesche toute d’vne grosseur, et leurs matieres estans dedans la matrice, ils les font chaufer de la chaleur de la lampe, et attendent ainsi long-temps à couuer les œufs : ie di aucuns ont attendu plusieurs annees, tesmoing le magnifique Maigret, homme docte et fort experimenté en ces choses, qui toutesfois ne pouuant venir à son desseing, se venta que si les guerres n’eussent esteint sa lampe deuant le temps, qu’il auoit trouué la féue. Autres font des fourneaux que le feu vient d’vn degré assez loing de là où l’on a mis couuer les œufs : Mais afin qu’il continuë tousiours à vne chaleur lente et de mesure, ils font quelques portes de fer, lesquelles ils ouurent selon le degré qu’ils veulent donner à leur feu. Telles gens ne dorment gueres et ont beaucoup de pensees en leurs poitrines, et tourments d’esprit, languissans apres le temps de la visitation de la couuée. Voila l’vn des points par lequel ie preuue que les Alchimistes vsent (abusent) de ce mot de semence et autres termes. Ce n’est pas sans cause que i’ay dit que c’est l’œuure de Dieu que de semer la matiere des metaux et leur donner l’accroissement, et aux hommes de les recueillir, purifier et examiner, fondre et mallier, pour les mettre en telle forme que bon leur semblera, pour leur seruice[2].

Theorique.

Voila vn propos qui est assez long, et toutesfois ie ne le puis entendre : d’autant que ie sçay qu’il est permis à l’homme de semer de toutes especes de semences, et ce pendant tu appelles les metaux semences diuines, et tu me veux empescher de les semer.

Practique.

Tu as beaucoup mieux dit que tu ne pensois, que les matieres des metaux sont semences diuines. Ie di tellement diuines qu’elles sont inconnuës aux hommes, voire inuisibles : et de ce n’en faut douter, et croy que si me mets apres pour te le prouuer, ie te le monstreray si clairement que tu seras contraint d’accorder mes fins et conclusions.

Theorique.

Ie te prie donc de m’en faire le discours tout au long, par lequel ie puisse connoistre ton dire estre veritable.

Practique.

Il faut donc que tu tiennes pour chose certaine, que toutes les eaux qui sont au monde qui ont esté et seront, furent toutes creées en vn mesme iour, et si ainsi est des eaux, ie te di que les semences des metaux et de tous mineraux et de toutes pierres ont esté creées aussi en vn mesme iour : autant en est il de la terre, de l’air et du feu, car le souuerain createur n’a rien laissé de vuide, et comme il est parfaict, il n’a rien laissé d’imparfait. Mais (comme ie t’ay dit tant de fois, en te parlant des fontaines) il a commandé à nature de trauailler, produire et engendrer, consommer et dissiper ; comme tu vois que le feu consomme plusieurs choses, aussi il nourrit et soustient plusieurs choses ; les eaux desbordees dissipent et gastent plusieurs choses, et toutesfois sans elles nulle chose ne pourroit dire ie suis. Et tout ainsi que l’eau et le feu dissipent d’vne part, ils engendrent et produisent d’autre. Suyuant quoy ie ne puis dire autre chose des metaux, sinon que la matiere d’iceux est vn sel dissoult et liquifié parmy les eaux communes, lequel sel est inconneu aux hommes : d’autant qu’iceluy estant entremeslé parmi les eaux, estant de la mesme couleur que les eaux liquides et diafanes ou transparentes, il est indistinguible et inconnu à tous : n’ayant aucun signe apparent, par lequel les hommes le puissent distinguer d’auec les eaux communes. Voila vn trait singulier, lequel (comme ie pense) est caché et inconneu à beaucoup d’hommes qui pensent estre bons philosophes : et te souuienne de ce point, et le garde pour t’en seruir contre tous ceux qui te voudront faire accroire que la generation des metaux se peut faire par œuure manuelle. Car quand tu n’aurois que ce seul poinct, il suffira pour conuaincre toutes les opinions des alchimistes.

Theorique.

Voire ! mais comment les pourroy-ie vaincre par ce point ? ie ne voy point que pour cela ils puissent estre vaincus.

Practique.

Ie me romps la teste en vain. Ie te demande, di moy par quel moyen les alchimistes besongnent à la generation, multiplication ou augmentation des metaux, et quand tu me l’auras dit, ie te montreray que tu n’as pas bien entendu le principe que ie t’ay baillé.

Theorique.

Les Alchimistes besongnent par feux de reuerberation, calcination, distillation, putrefaction, et infusion.

Practique.

Et pourquoy vsent ils de tant de sortes de feux ?

Theorique.

Parce qu’ils en font aucuns pour destruire le cuyure, l’or et l’argent, et autres metaux : et quand ils les ont destruits, calcinez et puluerisez, ils font un amas de plusieurs desdites matieres : Et par ce que le vif argent duquel ils vsent volontiers, s’exaleroit à vn grand feu, il est requis qu’ils vsent de feux gueres chauds, et ayant enclos le vif argent, qu’ils appellent Mercure, dedans des vaisseaux bien lutez et fermez, ils taschent à le fixer petit à petit, et le captiuer à vn petit feu, pour le contraindre de se congeler (fixer, cristalliser) ; afin que puis apres il puisse endurer vn plus grand feu. C’est pourquoy ils ont beaucoup de sortes de vaisseaux, et diuerses especes de fourneaux.

Practique.

Ie ne demande autre preuue que celle que tu m’as alleguée pour te monstrer, et par ta confession mesme, que autant qu’il y a d’Alchimistes en France cherchent la generation des metaux par feu, et toutesfois ie t’ay dit pour regle certaine et methode asseuree, que les metaux sont engendrez d’vne eau, à scauoir d’eau salee, ou pour mieux dire d’vn sel dissout, et si ainsi est (comme la verité est telle), tous les Alchimistes cherchent à edifier par le destructeur. Le feu est destructeur de l’eau, et en quelque part qu’il entre, il faut qu’il chasse l’eau, ou s’il ne la chasse, elle le fera mourir : puis qu’ainsi est que le feu et l’eau sont contraires, c’est donc vne pure folie de vouloir generer les metaux par feu : veu qu’il est ennemy et destructeur d’iceux.

Theorique.

I’ay bien entendu que tu m’as dit que les metaux estoyent engendrez d’vn sel liquifié : Mais cela ne fait rien contre mes propos ; ains au contraire il me iustifie. La raison est telle, que ce sel qui est dissout parmy les eaux de la mer est inconneu, comme sont les sels metalliques : et toutesfois il se congele et distingue d’auec les eaux par feu.

Practique.

Tu t’abuses. Toutes congelations faites par froidure se dissoudent par chaleur ; et toutes congelations faites par chaleur, se dissoudent par humidité : comme le sel que tu as allegué, il se congele par chaleur et se dissout par humidité. Or les metaux se dissoudent tous par chaleur, il s’ensuit donc qu’ils sont engendrez et congelez par humidité. Te voila forclos de deffences à la mode des practiciens.

Theorique.

Tu me la bailles belle, de me vouloir faire croire que les metaux soyent engendrez ou congelez en humidité.

Practique.

Et si tu ne le veux croire, va voir les minieres où l’on tire l’or et l’argent, et autres metaux, et tu trouueras dedans la pluspart d’icelles qu’il faut espuizer l’eau nuit et iour, pour auoir le metal qui est dans icelles. Vn iour Antoine, Roy de Nauarre commanda de poursuyure la veine de quelques mines d’argent qui auoyent esté trouuees aux montagnes Pyrenées. Mais quand l’on en eut tiré quelque quantité, les eaux qui y estoyent contraignirent les maistres des minieres de quitter tout. Et l’on sçait bien que plusieurs minieres ont esté delaissées par tel moyen. Tu trouueras donc bien estrange quand ie te prouueray cy apres que nulle pierre ne peut estre congelée ny formée sans eau, et s’il y a de l’eau, c’est donc par humidité, chose directement contraire à ceux qui cherchent la generation des metaux par feu. Ie t’en dirois beaucoup de preuues fort propres pour soustenir mon propos : Mais d’autant qu’il se trouuera beaucoup meilleur en parlant de l’essence, matiere et congelation de toutes pierres : ie laisseray le reste de mes preuues pour ce temps la.

Theorique.

Tu diras ce que tu voudras : mais i’ay veu vn Philosophe qui augmenta vn teston deuant moy : et affin qu’il n’y eust tromperie il me la fit faire à moy mesme.

Practique.

Et comment ?

Theorique.

Il me fit peser un teston et autant de vif argent, et me fit mettre le tout dedans vn creuset, lequel ayant mis dedans le feu, il me bailla d’vne poudre pour mesler, laquelle auoit vertu d’arrester le vif argent : Et puis me fit soufler iusques à ce que le tout fut fondu ensemble, et estant fondu il se trouua le poids de deux testons de bon argent : car le vif argent s’estoit fixé par la vertu de la poudre qu’il m’auoit baillee, et moy-mesme auois mis toutes choses : parquoy n’y auoit nulle tromperie.

Practique.

Dy moy vn peu comment c’est que tu faisois ?

Theorique.

Pendant que les matieres fondoyent ie les remuois d’vn baston.

Practique.

Où auois tu pris ce baston là ?

Theorique.

En vn coing, le premier que ie trouuay à la main.

Practique.

Ie sçauois bien que l’on t’auoit trompé. Car ce maistre Philosophe auoit mis ce baston aupres de toy, sçachant bien qu’il te le feroit prendre pour mesler les matieres : et voila comment il te trompa, car il auoit mis de l’argent au bout du baston, et pendant que tu remuois les matieres dedans le creuset, la cire, de laquelle il auoit fermé l’argent au bout du baston, se fondit, et l’argent tomba dedans le creuset, et le vif argent et la poudre s’en alloit en fumee : et par tel moyen ne demeuroit rien dans le creuset sinon l’argent du teston, et autant poisant d’argent qu’il auoit mis au bout du baston : Voila comment il augmenta ton teston de moytié.

Theorique.

Est il bien possible qu’il se fut aduisé de me tromper par ce moyen ?

Practique.

Et, mon amy, c’est la moindre des finesses desquelles ils trompent les hommes : si ie voulois dire toutes les tromperies qu’ils sçauent faire, et dont i’ay esté aduerty, ie n’aurois iamais fait. Si par tel moyen il n’eut mis l’argent dans le creuset, il t’eust baillé d’une poudre d’argent, laquelle t’eust esté inconnue, et t’eust fait acroire que ladite poudre auroit arresté le vif argent : et ceste poudre eut pesé autant comme il eut voulu faire l’augmentation : ou s’il n’eust mis l’augmentation par vn tel moyen, il eut mis l’argent en cachette de toy, dedans vn grand charbon, duquel il t’eut fait couurir ton creuset, et le charbon et l’argent fut tombé dans ton creuset : par ainsi tu ne pouuois eschaper la tromperie. Di moy ie te prie, te monstra il à faire la multiplication de l’argent ?

Theorique.

Non.

Practique.

Et pourquoy faisoit il donc cela en ta présence ?

Theorique.

C’estoit qu’il me le vouloit monstrer pour de l’argent.

Practique.

T’ay-ie pas bien dit que ce n’estoit que tromperie ? Car si la science estoit veritable il n’auroit garde de te la monstrer : mais il tendoit ses filets pour attraper ton argent. Et quand tu eusses esté afronté, tu n’eusses eu garde de t’en venter. Car il n’en eust esté autre chose, sinon que tu eusses esté assez moqué ; ie sçay bien qu’il y en a en France plus de deux mil, qui ont esté afrontez pour cest affaire, que iamais l’on en vist vn qui ait intenté procés pour recouurer son argent.

Theorique.

Et tu estimes donc qu’il y a beaucoup de gens qui se meslent d’affronter les hommes par tels moyens ?

Practique.

Ie ne di pas tels moyens seulement ; car ie say qu’ils ont vn millier d’autres moyens plus subtils, desquels ils afrontent les plus fins, et ceux mesme qui se pensent mieux donner de garde. Le sieur de Courlange, valet de chambre du Roy, sçauoit beaucoup de telles finesses, s’il en eut voulu vser. Car quelque iour venant à disputer de ces choses deuant le Roy Charles neufieme, il se venta par maniere de facetie, qu’il luy apprendroit à faire l’or et l’argent, pour laquelle chose experimenter, il commanda audit de Courlange qu’il eut à besongner promptement : ce qui fut fait, et au iour de l’experience ledit de Courlange apporta deux phioles plaines d’eau claire comme eau de fontaine, laquelle estoit si bien accoustree que mettant vne esguille ou autre piece de fer tremper dans l’vne desdites phioles, elle deuenoit soudain de couleur d’or, et le fer estant trempé dans l’autre phiole, venoit de couleur d’argent[3] : puis fut mis du vif argent dedans lesdites phioles, qui soudain se congela ; celuy de l’vne des phioles, en couleur d’or, et celuy de l’autre en couleur d’argent : dont le Roy print les deux lingots et s’alla vanter à sa mere, qu’il auoit appris à faire de l’or et de l’argent. Et toutesfois c’estoit vne tromperie, comme ledit de Courlange me l’a dit de sa propre bouche. Voila pourquoy ie t’ay dit que la tromperie de laquelle l’autre te vouloit empoigner, estoit des plus grossieres.

Theorique.

Or di ce que tu voudras : mais ie sçay que plusieurs alchimistes ont trouué de sçauoir faire vn medium d’argent et vn tiercelet d’or, desquels ils besongnent ordinairement : car i’en suis tout asseuré.

Practique.

Et moy ie suis tout asseuré que si leur medium d’argent et tiercelet d’or estoit mis à la coupelle, il ne s’y trouueroit rien de bon que ce qui y auroit esté mis de naturel, et le surplus de ce qui y auroit este adiousté seroit connu estre faux : et ie sçay bien que toute les additions et sophistiqueries, qu’ils sçauent faire, ont causé vn millier de faux monnoyeurs : par ce qu’ils ne se peuuent deffaire de leur marchandise sinon en monnoye, car s’ils la vendoyent en lingots la fausseté se trouueroit à la fonte. Mais ils se desfont aisément de monnoye à toutes gens. C’est pourquoy quand ils ont bien trauaillé et ne se peuuent releuer de leurs pertes, ils sont contraints se ietter sur la monnoye. Il fut pris vn faux monnoyeur (Bearnois) au diocese de Xaintonge, auquel fut trouué quatre cents testons prets à marquer, que s’ils eussent esté marquez, il n’y auoit orfeure n’y autre qui ne les eut pris pour bons. Car ils enduroyent le mail, la touche, la fonte, et le ton ; tout semblable aux bons. Mais quand ils furent mis à la coupelle, la fausseté fut descouuerte. En ce temps là il y auoit vn preuost à Xaintes, nommé Grimaut, qui m’asseura qu’en faisant le proces à vn faux monnoyeur, iceluy luy bailla le nom et surnom de huit vints hommes, qui se mesloyent de son mestier, ensemble leurs aages, qualitez et demeurances et autres enseignements asseurez. Et quant ie dis audit preuost pourquoy il ne faisoit prendre lesdits monnoyeurs nommez en son rolle, il me respondit qu’il n’oseroit l’entreprendre : par ce qu’au nombre d’iceux il y auoit plusieurs Iuges et Magistrats, tant du Bordellois, Perigord, que de Limosin : et que s’il auoit entrepris de les fascher, qu’ils trouueroyent moyen de le faire mourir. Quand l’iniquité est entre les grands, et entre ceux qui doiuent punir les autres, c’est vn si grand feu allumé qu’il n’est possible de l’esteindre par forces d’hommes. Si ie voulois dire tous les abus qui se commettent sous ombre de iuste labeur, ie n’aurois iamais fait. Ie t’ay donné seulement cet exemple, afin qu’il ne te prenne iamais enuie de chercher generation, augmentation n’y congelation des metaux : par ce aussi que c’est vne œuure qui se fait par le commandement de Dieu, inuisiblement et par vne nature si tres-occulte qu’il ne fut iamais donné à homme de le connoistre.

Theorique.

Tu m’as beau prescher, car ie sçay qu’il y a plusieurs gens de bien et grands personnages, qui cherchent tous les iours ces choses, et qui pour rien du monde ne se voudroyent attacher à la monnoye : aussi qu’ils ont bien le moyen de s’en passer.

Practique.

Ie confesse qu’il y a plusieurs Seigneurs, gens de bien et grands personnages, qui s’occupent à l’alchimie, et y despendent beaucoup. Laisse les faire : cela les garentist d’vn plus grand vice : et puis ils ont du reuenu pour approuuer ces choses. Quant aux medecins, en cherchant l’alchymie ils apprendront à connoistre les natures : et cela leur seruira en leur art : et en ce faisant ils connoistront l’impossibilité de la chose. I’ay recouuert certaines pierres transparentes comme cristal, sans nulle couleur ni tache, ce neantmoins par examen l’on peut faire apparoir directement qu’il y a du metal parmy lesdites pierres, combien qu’elles soyent aussi claires, nettes et transparentes, que lors qu’elles estoyent encor en eau.

Theorique.

Tu dis tousiours qu’il est impossible : et ton opinion veut surmonter celles de plusieurs milliers d’hommes, qui sont plus doctes sans comparaison que toy, lesquels te feroyent rougir, si tu auois entrepris de disputer contre eux : Car tu n’as pas beaucoup de raisons, et ils t’en ameneroyent vn milier, ausquelles tu ne sçaurois contredire.

Practique.

S’il n’estoit question que de raisons, i’en ay vn grand nombre, que la moindre suffira pour vaincre toutes celles qu’ils me sçauroyent amener.

Theorique.

Ie te prie donc donne moy vne de ces belles raisons que tu dis.

Practique.

Quand les alchimistes veulent faire de l’or ou de l’argent ils calcinent et puluerisent leurs metaux, et les ayans puluerisez par calcinations, ils se trauaillent pour faire regenerer lesdites matieres. Or si par ce moyen ils peuuent faire nouuelle generation des metaux hors la matrice ou ils ont esté faits premierement, il leur serait beaucoup plus aisé de faire regenerer vne noix, vne poire, ou vne pomme, qu’ils auroyent mise en poudre. Di donc au plus braue d’iceux qu’il pile vne noix, i’entens la coquille et le noyau, et l’ayant puluerisée qu’il la mette dedans son vaisseau alchymistal, et s’il fait rassembler les matières d’vne noix, ou d’vne chastaigne pilée, les remettant au mesme estat qu’elles estoyent auparauant, ie diray lors qu’ils pourront faire l’or et l’argent, voire mais ie m’abuse, car ores qu’ils peussent rassembler et regenerer vne noix ou une chastaigne, encore ne seroit ce pas la multiplier ny augmenter de cent parties, comme ils disent que s’ils auoyent trouué la pierre des Philosophes, chascun poix d’icelles augmenterent de cent. Or ie sçay qu’ils feront aussi bien l’vn que l’autre.

Theorique.

Pourquoy est ce que tu m’allegues des noix, des chastaignes et autres fruits ? veu que ce sont ames vegetatiues, ne pouuant estre formees sinon auec vn long temps, et faut que premierement elles soyent venues de semences. Mais quant aux metaux, il n’y a nulle raison de les accomparager aux fruicts : d’autant que leurs corps et leur effect est insensible.

Practique.

À ce ie respond qu’il est beaucoup plus aisé de contrefaire vne chose visible, que non pas celle qui est inuisible, les fruits sont formez visiblement et toutesfois il est impossible de les contrefaire : mais encores est-il plus aisé que non pas les metaux. Et quant est de ce que tu dis que les fruits se forment par vne action vegetatiue, et que les metaux sont corps morts et insensibles, en cest endroit ie te veux reueler un secret que tu n’entends pas. Sçache donc que deslors que Dieu crea la terre, il mist en icelle toutes les substances qui y sont et qui y seront : car autrement nulle chose ne pourroit vegeter, n’y prendre forme : et faut croire que les arbres plantez et semencés, ont pris accroissement des le commencement de leur nature par le commandement de Dieu, et depuis (comme i’ay dit en parlant des fontaines) les hommes ayans des semences sauuages les ont semees, cultiuees, transplantees. Mais lesdites semences ne pourroyent prendre accroissement si la matiere de l’accroissement n’estoit en terre. Il faut donc conclure que deslors que la terre fust creée, qu’auec elle furent creées toutes matieres vegetatiues, toutes douceurs et amertumes, toutes couleurs, senteurs et vertus, et de là vient, que chacune des semences estant iettee en terre, attire à soy odeurs et vertus. Aucunes attirent des matieres veneneuses et pernicieuses, prenant toutes ces choses en la terre.

Theorique.

Tout ce que tu m’as allegué cy dessus ne fait rien contre mon opinion.

Practique.

Si fait : car tout ainsi que ie t’ay dit que les semences ou matieres de toutes choses vegetatiues, estoyent creées des le commencement du monde auec la terre : Aussi t’ay ie dit que toutes les matieres minerales (que tu appelles corps morts) furent aussi creées comme les vegetatiues, et se trauaillent à produire semences pour engendrer d’autres. Aussi les minerales ne sont pas tellement mortes qu’elles n’enfantent et produisent de degré en degré choses plus excellentes, et pour mieux te le faire entendre, les matieres minerales sont entremeslees et inconnues parmy les eaux, en la matrice de la terre, ainsi que toute humaine creature et brutale est engendree sous espece d’eau en sa formation : et estant entremeslees parmy les eaux, il y a quelque matiere supresme, qui attire les autres qui sont de sa nature pour se former. Et ne faut penser qu’au paravant leur formation et congelation, leur couleur fust connuë parmy les eaux. Mais comme tu vois que les chastaignes sont blanches en leur premiere formation, et noires en leur maturité : les pommes noires au commencement, et rouges en leur maturité : les raisins verds en leur premiere essence, et noirs en leur maturité : Semblablement les metaux en leur premier estre n’ont aucune couleur que d’eau seulement : et cela ay-ie connu auecques vn grand trauail ; protestant que iamais ie n’en ay rien cherché en intention de pretendre au fait de l’alchimie. Car i’ay tousiours estimé la chose impossible : ie dis si fort impossible, qu’il n’y a homme qui me sçeust donner raisons legitimes, que cela se puisse faire. Quand i’ai contemplé les diuerses œuures et le bel ordre que Dieu a mis en la terre, ie me suis tout esmerueillé de l’outrecuidance des hommes ; car ie voy qu’il y a plusieurs coquilles de poissons, lesquelles ont vn si beau polissement qu’il n’y a perle au monde si belle. Entre les autres y en a vne au cabinet de monsieur Rasce, qui a vn tel lustre, qu’elle semble vne escarboucle, à cause de son beau polissement, et voyant telles choses ie dy en moy-mesme, pourquoy est ce que ceux qui disent sçauoir faire l’or ne puluerisent vn nombre desdites coquilles et en faire de la paste pour en former quelque belle coupe ? ie suis asseuré qu’vne coupe bien faitte de telle matiere seroit plus precieuse que l’or. Ou bien que ne regardent ils dequoy le poisson à formé ceste belle maison, et prendre de semblables matieres, pour faire quelque beau vaisseau. Le poisson qui fait sadite coquille n’est si glorieux que l’homme, c’est vn animal qui a bien peu de forme, et toutesfois il sçait faire ce que l’homme ne sçauroit faire. En quelque partie de la mer Oceane se trouue vne grande quantité de poissons portans chascun vne coquille sur le dos, lequel s’atache contre le roc, et par ce qu’il est couuert de sa coquille, il forme au dessus d’icelle six trous, pour auoir air, ou pour receuoir nourriture ; et ainsi qu’il augmente sa coquille il fait vn nouueau trou, et en ferme un autre ; La plus grande desdites coquilles n’est pas plus grande que la main de l’homme : Le dedans de ladite coquille est de couleur de perle, et plus beau : par ce qu’il tient des couleurs de l’arc celeste, comme la pierre que l’on appelle opale : Le dessus de ladite coquille est assez rude et mal plaisant, à cause de l’eau de la mer qui donne dessus : Mais quant la croûte en est ostée, le dessus de ladite coquille est aussi beau que le dedans. Ledit poisson n’a aucune forme, et toutesfois il sçait faire ce que les alchymistes ne sçauroyent faire. Il y a vne isle en laquelle se trouve si grande quantité dudit poisson, que les habitans d’icelle en engraissent les pourceaux, et pour les arracher de leurs coquilles, ils les font bouillir, et font brusler lesdites coquilles, pour faire de la chaux.

Theorique.

Pourquoy est ce que tu me fais vn si long discours d’vne coquille, veu que nostre propos n’est autre que du fait de l’alchimie ?

Practique.

C’est pour vaincre ton erreur et de tous ceux qui sont de ton opinion, que i’ay mis en auant vn poisson le plus difforme que l’on sçauroit trouuer en toutes les parties maritimes, lequel sçait faire vne maison peinte d’vne telle beauté que tous les alchimistes du monde n’en sçauroyent faire vne semblable. I’ay plusieurs fois admiré les couleurs qui sont esdites coquilles, et n’ay peu comprendre la cause d’icelles : toutefois enfin i’ay considéré que la cause de l’arc celeste n’estoit sinon d’autant que le Soleil passe directement au trauers des pluyes qui sont opposites de l’aspect du Soleil : car l’on ne vist iamais l’arc celeste que le Soleil ne luy fust opposite ; Aussi ne vist on iamais l’arc celeste que la pluye ne tombast deuers la partie de sa formation : Suyuant quoy i’ay pensé que quand ledit poisson fait sa maison, il se met sur quelque roche, à l’endroit de laquelle l’eau de la mer n’a pas beaucoup d’espoisseur, et que pendant le temps que ledit poisson forme sa maison, le Soleil donne au trauers de l’eau et cause les couleurs de l’arc celeste en laditte eau, et les matieres desdites coquilles estant aqueuses et liquides en leur formation et congelation retiennent les couleurs actionnées par la reverberation du Soleil passant au trauers desdites eaux. Voila comment il y a temps et saison aussi bien pour les hommes que pour les bestes, les vegetatifs qui n’ont aucun sentiment nous donnent enseignement de ces choses, i’ai veu plusieurs fois besongner les limaces à bastir leurs maisons ; mais, iamais homme ne les vist bastir en temps d’hyuer. Les abeilles ou mouches à miel et autres animaux ne le font pas aussi, parquoy il est aisé à conclure que les metaux et tous mineraux ont quelque saison pour leur formation, qui nous est inconnue. Nous pouuons connoistre en ces choses, la folie de ceux qui veulent entreprendre de generer l’or et l’argent hors la matrice de la terre, et qui plus est, les veulent engendrer sans connoistre les matieres propres à leur essence : et (encore piz) veulent faire par feu ce qui est naturellement fait par eau. Et (comme i’ai dit cy dessus) les matieres des metaux sont en telle sorte cachées, qu’il est impossible à l’homme de les connoistre auparavant qu’elles soyent congelées, non plus qu’vne eau en laquelle l’on auroit fait dissoudre du sel, nul ne sçauroit dire qu’elle fust salée sans la taster à la langue.

Theorique.

Et comment sçais tu ces choses, et sur quoy te fondes tu, pour entreprendre de parler à l’encontre de tant de sçauans Philosophes, qui ont fait de si beaux liures d’alchimie ? veu que tu n’es ny Grec ny Latin, ny gueres bon François.

Practique.

Ie te le diray. Il aduint vn iour que ie fis bouillir et dissoudre vne liure de salpetre dedans vn chauderon plein d’eau, et puis ie la mis refroidir, et quand elle fust froide, ie trouuay le salpetre qui en se conglaçant s’estoit attaché audit chauderon par glaçons longs, ayant forme quadrangulaire. Quelque temps apres i’achetay du cristal qui auoit esté apporté d’Espaigne, qui estoit formé, ainsi que le salpestre que i’auois fait dissoudre. Ie connuz lors que combien que les metaux soyent corps morts (comme tu as dit) toutesfois le cristal n’est pas tellement mort qu’il ne luy soit donné de se sçauoir separer des autres eaux, et au milieu d’icelles se former par angles et pointes de diamants : et comme il est donné au cristal, salpestre et sel commun, de se sçauoir congeler et faire vn corps à part au milieu de l’eau commune, il est donné aussi aux matieres minerales de faire le semblable, comme ie prouue par vne ardoise que tu vois icy, en laquelle sont plusieurs marcassites formees. Et non sans cause t’ay-ie mis en auant le propos de ceste ardoise : car elle me donne à connoistre la conclusion de ce que i’ay allegué cy dessus. Tu vois que les marcassites metalliques qui sont en icelles sont quarrees par faces semblables à un dé. Si ie te demande lequel des deux a esté formé le premier, ou l’ardoise ou la marcassite, tu ne me sçaurois respondre ; ie seray donc le prestre Martin, ie me respondray moy mesme, prenant pour argument les coquilles, lesquelles ie preuue estre formees dedans l’eau qui depuis ont esté petrifiees, et l’eau et les vases où elles habitoyent. Et tout ainsi comme les coquilles estoient formees au parauant qu’estre petrifiees, et le lieu où elles habitoyent : semblablement les marcassites qui sont en ceste ardoise estoyent formees au parauant l’ardoise, et est chose certaine que quand elles se formoyent elles estoyent couuertes d’eau meslee de terre, laquelle depuis s’est reduite en ardoise, et les marcassites ont demeuré en leurs propres formes enchassees dedans laditte ardoise, comme les coquilles se trouuent enchassees dedans la pierre. Conclus donc que lesdites marcassites sont formees d’vne matiere qui (au parauant sa formation) estoit inconnue dedans les eaux, et par vn ordre que Dieu a mis en nature, les matieres, qui au parauant estoyent vagantes, se sont formees en telle sorte, que les hommes deuroyent grandement s’esmerueiller des œuures de Dieu, et connoistre que c’est vne grande folie de le penser imiter en telle chose. Quelque temps apres que i’eus pris garde à ce que dessus, ie m’en allois par les champs, la teste baissee, pour contempler les œuures de nature : lors ie trouuay certains mercenaires qui tiroyent de la mine de fer, assez bas dans la terre, et laditte mine estoit en pierres d’enuiron la grosseur d’un œuf, ie nomme la grosseur par ce qu’és Ardennes la mine de fer y est fort menue. Or celle que lesdits mercenaires tiroyent n’auoit aucune forme, les vnes pierres estoient longues et les autres rondes, bicornues, selon le lieu où la matiere s’estoit arrestee au temps de sa congelation. Quelque temps apres i’en trouuay certaines pierres asses grosses, que toute la superficie estoit formee à pointes de diamants, ie fus plusieurs ans à songer qui pourroit estre la cause de la forme desdites pointes, et ne pouuant entendre la cause, ie la mis quelque temps à nonchaloir, ne m’en souciant plus. Et comme vne autre fois ie cherchois la cause de la formation de toutes pierres, qui d’vn costé estoyent formees à pointes de diamants, et estoyent lesdittes pointes pures, nettes, candides, et transparantes comme cristal, et de l’autre costé elles estoyent tenebreuses, rudes, et mal plaisantes. Or d’autant qu’elles auoyent esté congelees en ce mesme lieu, i’ay conneu que la partie diaphane estoit formee d’eau pure, et la partie tenebreuse d’vne eau trouble meslee de terre : Mais quant aux pointes de diamants, ie n’en sçeus encores pour lors entendre la cause, il aduint vn iour que quelqu’un me monstra de la mine d’estain qui estoit ainsi formee par pointes, vne autre fois me fust monstré de la mine d’argent tenant encores auec la roche, ou les matieres dudit argent auoyent esté congelees, laquelle mine estoit aussi formée en pointe de diamans. Quand i’ay eu consideré toutes ces choses i’ay conneu que toutes pierres et especes de sels, marcassites et autres mineraux, desquels la congelation est faitte dans l’eau, apportent en soy quelque forme triangulaire, ou quadrangulaire, ou pentagone, et le costé qui est en terre et contre le roc, ne peut porter autre forme que celle de l’assiete du lieu où elle reposoit au temps de sa congelation. Voila qui suffira pour renuerser les opinions de tous ceux qui cherchent à faire l’or et l’argent par son contraire. Car puis qu’il y a des formes de pointes de diamant és minieres d’or, d’argent, de plomb, d’estain et autres metaux, tu te peux asseurer que la principale matiere d’iceux n’est autre chose qu’vn sel dissoult, lequel habitant auec les autres eaux se separe d’auec icelles, attirant à soy les choses qu’il aime, pour les congeler et reduire en metal. Et combien que tous les Philosophes ayent conclud que l’or est fait de souphre, et d’argent vif, ie maintiens que le souphre que nous voyons, ne se sçauroit mesler auec les matieres minerales ou semences d’icelles ; bien confesseray-ie que parmy les eaux il y a quelque genre d’huile, lequel estant meslé auec l’eau et le sel minerai, ayde à la generation des metaux, et les metaux estans paruenuz en leur parfaite decoction, l’huile est lors congelee parmy le metal, et prend le nom de souphre. Il y a des secrets si fort cachez et inconneuz en toutes natures, que de tant plus vn homme sera sçauant en philosophie, de tant plus il craindra les hazards qui suruiennent ordinairement en toutes entreprises fusibles, metalliques, et vulcanistes. N’est ce pas chose estrange et de grande consideration qu’il y a à Montpelier certaines eaux où l’on reduit le cuyure en verd de griz, et tout auprez d’icelle, il y a autres eaux où l’on n’en sçauroit faire ? N’y a il pas aussi des eaux qui sont bonnes aux teintures et à cuire legumes, et autres eaux bien pres d’icelles n’y vaudront rien. I’ai veu du temps que les vitriers auoyent grand vogue, à cause qu’ils faisoyent des figures és vitreaux des temples, que ceux qui peignoyent lesdittes figures n’eussent osé manger aux, ny oignons. Car s’ils en eussent mangé la peinture n’eust pas tenu sur le verre. I’en ay connu vn nommé Iean de Connet, par ce qu’il auoit l’alene punaise, toute la peinture qu’il faisoit sur le verre ne pouuoit tenir aucunement, combien qu’il fust sçauant en son art. Les historiens disent que s’il y a vne palme plantee sur le bord d’vn fleuue, et vne autre de l’autre costé dudit fleuue, que les racines iront de l’vn à l’autre par dessous ledit fleuue, à cause de l’amitié ou affinité qu’elles ont ensemble[4]. Il est certain aussi que les femmes alaictantes, estans loing de leurs enfans endormis, sentent à leurs mammelles quand ils crient estant esueillez. I’ay veu vne femme pudique, saige et honorable, que quand son mary estoit aux champs, elle sentoit par quelque mouuement secret, le iour que son mary deuoit arriuer. Tels mouvemens ne sont pas seulement aux creatures humaines et brutales, mais aussi aux vegetatiues et metalliques. Et tout ainsi comme les matieres animées se servent de choses alimentaires, et en ayant pris la substance nutritiue, enuoyent le demeurant és vaisseaux excrementaires, semblablement les metaux engendrent quelques excrements inutiles apres leur formation. Ie prens donc le souphre comme vne colofaigne (colophane) ou excrement qui a servi à la generation, laquelle estant perfaite les excrements n’y seruent plus de rien, et si cela aduient és creatures humaines et brutales, aussi fait il à tous vegetatifs. Et qu’ainsi ne soit, tu vois les noix et les chastaignes qui ont vne robbe excrementale, et deslors qu’elles viennent à leur perfection elles iettent en bas leurs robbes comme vn excrement inutile. Ainsi toutes semences ou plantes vegetatiues, produisent quelque chose pour leur aider et seruir pour vn temps seulement. Semblablement ceux qui affinent les mines des metaux, separent le souphre d’auec le metal, comme chose inutile, tout ainsi comme le laboureur separe le bled d’auec la paille. Voila pourquoy ie te di que le souphre vulgaire n’est pas tel comme lors qu’il a generé les metaux, et qu’au parauant ce ne pouuoit estre qu’vne huile inconnue ; tout ainsi que tu vois que la gomme n’est qu’vne eau quand elle est au dedans de l’arbre, et quand elle est sortie, et qu’elle decoule le long de l’arbre elle se desseche et endurcist, et lors elle prend le nom de gomme. La terebentine est vne huile qui distille des piniers, et quand elle est cuitte elle s’endurcist, et puis s’appelle poix rasine. Voila comment il faut que tu entendes que la generation des metaux est faite par matieres et vertus incognues aux hommes. Et ne pense pas que le vif argent soit autre chose qu’vn commencement de metal, fait ou commencé par vne matiere aqueuse et salsitive. Ie ne dis pas de sel commun : car ie sçay que le nombre des especes de sels est infiny à nostre connoissance, comme ie te feray entendre cy apres en parlant des sels.

Theorique.

Tu es terriblement prompt à detracter des Philosophes, et c’est la plus belle chose du monde que la Philosophie, car par Philosophie l’on fait des distillations les plus vtiles pour la medecine que chose que l’on sçauroit trouuer : mesme l’on tire par Philosophie toutes senteurs, vertus et saueurs, tant des espiceries que de toutes choses odoriferantes.

Practique.

Tu te moques bien de moy, de dire que i’ay en haine la Philosophie, et tu sçais bien que ie n’ay rien en plus grande recommandation, et que ie la cherche tous les iours, et ce que i’en parle n’est pas contre les Philosophes actuels et dignes de ce nom. Mais ie parle contre ceux qui meritent plus d’estre appellez antiphilosophes que Philosophes. Car ie louë grandement les distillateurs et tireurs d’essences, et estime cette science grandement vtile et proufitable. Ie n’entens parler sinon contre ceux qui veulent vsurper (pour viure à leur aise) vn secret que Dieu a reserué à soy, aussi bien comme la puissance de faire vegeter et croistre toutes plantes et toutes choses. Car c’est Dieu luy mesme qui a ietté la semence des metaux en la terre. Et ils veulent entreprendre de faire vne œuure qui se fait occultement dans la terre, de laquelle ils ne connoissent ny le moyen ny les matieres, ny par quelle vertu ny comment, ny en combien de temps la chose peut paruenir à sa perfection. L’on a quelque connoissance du temps qu’il fault pour la maturité des bleds et autres semences : Mais quant est de la semence des metaux, ils n’en ont aucun tesmoignage, ny connoissance de la vertu par laquelle les matieres se lient et congelent. Ie sçay bien que ces choses ont quelque vertu d’attirer l’vn et l’autre, comme l’aimant tire le fer. Aussi sçay-ie bien que quelque fois i’ay pris vne pierre de matiere fusible, qu’apres l’auoir pilee et broyee aussi finement que fumee, et l’ayant ainsi puluerisee ie la meslay parmy de la terre d’argile, et quelques iours apres quand ie vouluz besongner de laditte terre, ie trouuay que laditte pierre s’estoit commencee à rassembler, combien qu’elle fust meslee si subtilement parmy la terre, que nul homme n’en eust sçeu trouuer vne pierre aussi grosse que les petits atomes que l’on void dedans les rayons du soleil, entrant dans la chambre, chose que i’ay trouuee merueilleusement admirable. Cela te doit faire croire que les matieres des metaux se rassemblent et congelent admirablement, suyuant l’ordre et vertu admirable que Dieu leur a ordonné.

Theorique.

Tu as beau parler contre l’alchimie, toutefois i’ay veu plusieurs Philosophes, qui m’ont baillé de grandes raisons du fait de la generation de l’or et autres metaux.

Practique.

Ie me doute que ceux que tu appelles Philosophes, ne soyent les plus grands ennemis de Philosophie. Car si tu sçauois que c’est que Philosophie tu connoistrois que ceux qui cherchent à faire l’or et l’argent, ne meritent pas ce titre : par ce que Philosophe veut dire amateur de sapience. Or Dieu est sapience : l’on ne peut donc aimer sapience sans aymer Dieu. Et ie m’emerueille comment vn tas de faux monnoyeurs, lesquels ne s’estudient qu’à tromperies et malices, n’ont honte de se mettre au rang des Philosophes. Or comme i’ay dit dés le commencement, l’auarice est racine de tous maux, et ceux qui cherchent à faire l’or et l’argent, ne peuuent estre exemps du titre d’auaricieux, et estants auaricieux, ne peuuent estre dits Philosophes ny compris au nombre de ceux qui aiment sapience. I’ay mis ce propos en auant par ce que tous ceux qui cherchent à faire l’or et l’argent, ont tousiours ce mot en la bouche, que les secrets de sçauoir faire les metaux n’appartiennent sinon aux enfans de Philosophie, et non seulement le disent de bouche, mais le mettent és liures imprimez : comme ainsi soit qu’il fut imprimé à Lyon vn liure de l’or potable, du temps que le Roy Henry troisieme y estoit à son retour de Polongne, auquel liure est clairement escrit, que l’alchimie ne doit estre reuelee sinon aux enfans de Philosophie : S’ils sont enfans de Philosophie, ils sont enfans de Sapience, et consequemment enfans de Dieu. Si ainsi estoit il seroit bon que nous fussions tous de la religion des Alchimistes.

Theorique.

Tu m’as allegué cy dessus des chastaignes, des noix, et autres fruits : Mais cela ne fait rien contre moy, parce que les metaux sont vn et les fruits sont vn autre.

Practique.

I’ay grand honte que ce propos dure si longuement : toutesfois à cause de ton opiniatrise ie parleray encores de ce fait. Que ne consideres tu le fait de l’aimant, qui par vne vertu singuliere attire à soy le fer : combien qu’il n’ait nulle ame vegetatiue : et si ainsi est hors de la matrice de la terre, combien cuides tu qu’il aye plus grande vertu en la terre, quand il est encores en matiere liquide ? l’aimant n’est pas seul qui ait pouuoir d’attirer à soy les choses qu’il aime : Ne vois tu pas le Iayet et l’Ambre, lesquels attirent le festu ? Item, de l’huille estant iettee dedans l’eau se ramasse à part de laditte eau, veux tu meilleures preuues que du sel commun, du salpestre, de l’alun, de la coperoze, et de toutes especes de sels, lesquels estans dissouz dedans l’eau se sçauent bien separer et faire vn corps à part distingué et separé d’auec l’eau ? et en confirmant ce que i’ay dit cy dessus, ie te di encores, que la semence des metaux est liquide et inconnue aux hommes : Et tout ainsi que ie t’ay dit que la semence du sel liquide se sçait separer de l’eau commune, pour se congeler, autant en est il des matieres metalliques. Et te faut icy philosopher encores de plus pres : regarde les semences quand on les iette en terre, elles n’ont qu’vne seule couleur, et venant à leur croissance et maturité elles se forment plusieurs couleurs : les fleurs, les branches, les feuilles et les boutons, ce seront toutes couleurs diuerses, et mesme en vne seule fleur il y aura diuerses couleurs. Semblablement tu trouueras des serpens, des chenilles, et papillons, qui seront de plusieurs belles couleurs. Venons à présent à philosopher plus outre, tu me confesseras que d’autant que toutes ces choses prennent nourriture en la terre, que leur couleur procede aussi de la terre : Et ie te diray par quel moyen ? et qui en est la cause ? Si tu peux attirer de la terre par art alchimistal, les couleurs diuerses comme font ces petits animaux, ie t’accorderay que tu peux aussi attirer les matieres metalliques et les rassembler pour faire l’or et l’argent. Mais (comme ie t’ay dit tant de fois) tu y procedes tout au contraire de la nature. Tu as entendu par mes arguments que toutes matieres metalliques sont aqueuses et se forment dedans l’eau, et cependant tu les veux former par le feu, qui est son contraire. Ne t’ay-ie pas monstré euidemment par vne ardoise remplie de marcassites, que les matieres metalliques estant encores fluides dedans les eaux, elles s’atirent l’vne à l’autre pour se reduire en corps : et comme i’ay tousiours dit, elles sont inconnues et indistinguibles des autres eaux, iusques à leur congelation[5].

Theorique.

Ie trouue fort estrange que tu dis que les matieres metalliques sont inconnues dedans les eaux, et toutesfois l’on void le contraire, car tous tant qu’il y a de Philosophes disent que tous metaux sont composez de souphre et de vif argent. S’il est ainsi pourquoy croiray-ie qu’ils ne se peuuent connoistre dedans l’eau ? car ie suis certain que s’il y en auoit dedans l’eau ie les connoistrois bien.

Practique.

Et comment n’as tu point de souuenance que ie t’ay allegué le sel commun et autres, pour te faire entendre que tout ainsi que le sel n’a aucune couleur estant liquide dedans l’eau, que aussi les matieres metalliques n’ont aucune couleur, iusques à leur congelation. Mais ils la prennent en se r’assemblant et congelant : tout ainsi que toutes especes de fruits changent de couleur en leur croissance et maturité. Si ie voulois alleguer les semences humaines et brutales, y trouuera on quelque couleur au parauant leur formation ? non, non plus qu’aux metaux. Ie t’ay desia dit-cy dessus que tu n’as iamais veu souphre, ne vif argent, qui ne fut congelé, et qu’au parauant ils n’estoyent pas de la couleur qui sont à present, et qu’ils estoyent inconnus, comme le sel est inconnu dedans l’eau de la mer. Il y a long temps que ie pensois faire fin au propos de l’alchimie, estimant qu’en parlant des pierres tu pourrois connoistre la verité de mes preuues : Mais par ce que ie te trouue de dure ceruelle et par trop arresté en ton opinion, ie suis contraint pour conclure à ce que dessus, te dire qu’il ne se peur entendre autre chose des metaux, sinon ce que les natures humaines, brutales et vegetatiues me donnent à connoistre : Qui est, que quand la chastaigne, la noix et tous autres fruits, sont semez en terre, en iceux sont enclos les racines, les branches, les feuilles, et toutes les parties, vertus, senteurs et couleurs, que l’arbre sçauroit produire quand il sera né. Aussi qu’en la semence des natures humaines et brutales, les os, la chair, le sang et toutes les autres parties sont comprises en laditte semence. Et tout ainsi que tu vois que nulle de ces choses ne demeure en sa premiere couleur : mais en la croissance d’iceux ils changent de couleur, et en vne mesme chose y a plusieurs couleurs : En cas pareil te faut croire que les semences des metaux (qui sont matieres liquides et aqueuses) changent de couleur, pesanteur et dureté. La premiere connoissance que i’ay eu de ces choses, fut à vne miniere de terre argileuse, qui estoit à vne tuilerie pres saint Sorlin de Marennes és isles de Xaintonge, là où ie trouuay parmy laditte terre vn grand nombre de marcassites de diuerses grandeurs et pesanteurs, toutes lesquelles estoyent formees de telle sorte que l’on pouuoit iuger, que la matiere de leur formation estoit liquide, et qu’elle estoit cheute du haut en bas, és iours de sa congelation, tout ainsi que si l’on auoit laissé tomber de la cire fondue petit à petit pour la faire congeler.

Theorique.

I’ay bien entendu tes raisons. Mais ne seroit ce pas vn grand bien en France, s’il y auoit cinq ou six hommes qui fussent paruenuz à leur fin, touchant la pierre des anciens Philosophes ? Car i’ay entendu par le dire de plusieurs alchimistes que s’ils y estoyent paruenuz, ils feroyent assez d’or, pour faire la guerre contre tous aduersaires, et mesme contre le Turc.

Practique.

Entre tous les propos que tu as dit par cy deuant, il n’y en a pas vn si esloigné de sapience que celuy que tu viens de dire : Mais ie di au contraire qu’il vaudroit mieux vne peste, vne guerre, et vne famine en France, que non pas six hommes qui sçeussent faire l’or en si grande abondance que tu dis. Car apres que l’on seroit asseuré que la chose se pourroit faire, tout le monde mespriseroit le cultiuement de la terre, et s’estudieroit à chercher de faire de l’or, et par ce moyen la terre demeureroit en friche, et toutes les forests de la France ne sçauroyent fournir de charbon tous les alchimistes l’espace de six ans. Ceux qui ont veu les histoires disent qu’vn Roy ayant trouué quelques mines d’or en son Royaume, employa la plus grande partie de ses suiets pour tirer et affiner laditte mine, qui causa que les terres demeuroyent en frische, et la famine commença audit Royaume. Mais la Royne (comme prudente et esmeüe de charité enuers ses suiets) fist faire secretement des chapons, poulets, pigeons, et autres viandes de pur or, et quand le Roy voulust disner, elle le fist seruir desdittes viandes, dont il fust ioyeux, n’entendant pas à quoy la Royne tendoit : mais voyant qu’on ne luy apportoit point d’autres viandes, commença à se fascher, quoy voyant la Royne le supplia de considerer que l’or n’estoit pas nourriture, et qu’il valoit mieux employer ses suiets à cultiver la terre que non pas à chercher les mines d’or. Si tu ne te veux arrester à vn si bel exemple, entre en toy mesmes, et t’asseure que s’il y auoit six hommes en France, comme tu dis, qui sçeussent faire l’or, ils en feroyent si grande quantité que le moindre d’eux se voudroit faire monarque, et ils se feroyent la guerre entr’eux, et apres que la science seroit diuulguee, il se feroit si grande quantité d’or qu’il viendroit à tel mespris, que nul n’en voudroit bailler pain ne vin pour eschange. Ie ne di pas que ce ne soit chose iuste que les princes commettent gens és minieres, mesmes des forfaires criminels, pour extraire lesdites mines, afin de s’en ayder, tant pour le commerce que pour les instruments necessaires, que l’on forme desdits metaux.

Theorique.

Tu m’as cy dessus donné beaucoup d’arguments contre ceux qui veulent generer les metaux par chaleur, et mesme t’es vanté de prouuer vn cinquiesme element : desquelles choses ie ne puis me contenter, si ie n’ay vne conclusion plus certaine.

Practique.

Ie ne puis conclure autre chose sur le fait des metaux, sinon la mesme chose que i’ay dit cy dessus : que toutes matieres metalliques sont liquides, fluides, et diafanes, et inconneues parmy les eaux communes, iusques à leur congelation, et quand est du cinquiesme element, ie ne puis donner autre preuue que celle que i’ay donné publiquement deuant mes auditeurs, où tu estois présent, dont la preuue a esté faite par vne pierre, que tu vois icy.

Ne te souuient il pas qu’en faisant la demonstration de ceste pierre, que ie disois que toutes pierres ayans forme triangulaire, ou pentagonne, ou quadrangulaire, ou à pointes de diamants, estoyent formees dedans l’eau, et qu’autrement elles ne pouuoyent prendre les formes susdittes : ayant donc résolu vn tel argument, ie leur monstrois laditte pierre, laquelle est composee de trois matieres diuerses, sçauoir est, le dessus de laditte pierre est de cristal pur et net, formé en la superficie superieure en pointes de diamants, et l’autre partie suyuante au dessouz d’icelle, est de mine d’argent : et la troisiesme partie est d’vne pierre commune, qui donne clairement à entendre que celle que i’appelle commune, qu’aucuns appellent tuf, semblable à celle des carrieres, estoit formee la premiere, et depuis sa formation la matiere d’argent descendant d’en haut auparauant sa congelation, s’est arrestee sur la carriere de laditte pierre, et quelque temps apres s’est congelee en mine d’argent, et en vn autre temps, la matiere cristaline s’est arrestee sur laditte mine, et s’est congelee et formee en pointes de diamants, et ce durant le temps que les eaux communes estoyent plus hautes que lesdittes matieres : car autrement iamais le cristal ne se fust formé par pointes. Tu sçais bien que tous ceux à qui i’ay fait demonstration de laditte pierre ont approuué mes arguments, sans aucune contradiction. Et pour venir à la preuue du cinquiesme element, ladite pierre m’a aussi serui de preuue : par ce que leur ay prouué que iamais ne se forma cristal ny autres pierres à pointes ou à faces, qu’elles ne fussent dedans les eaux communes, et que la verité est telle, que le cristal, le diamant, et toutes pierres diaphanes ne sont formees que de matieres aqueuses, et puis que le cristal et autres pierres diaphanes se forment au milieu des eaux communes, ne voulant avoir aucune affinité auec elles en leur congelation, non plus que le suif, la graisse, les huiles, la poix-rasine et autres telles matieres, lesquelles se separent des eaux communes : Il faut conclure donc que l’eau de laquelle le cristal est formé, est d’vn autre genre que non pas les eaux communes : et si elle est d’vn autre genre, nous pouuons donques asseurer qu’il y a deux eaux, l’vne est exalatiue et l’autre essenciue, congelatiue et generatiue, lesquelles deux eaux sont entremeslees l’vne parmi l’autre, en telle sorte qu’il est impossible les distinguer au parauant que l’vne des deux soit congelee[6].

Theorique.

Si tu mets vn tel propos en auant l’on se moquera de toy : par ce que les Philosophes tiennent pour chose certaine qu’il n’y a que quatre elements : et s’il y auoit deux genres d’eau, comme tu dis, il y en auroit cinq.

Practique.

Ie te l’ay assez fait entendre par le cristal, lequel quand il se veut congeler le plus souuent dedans les neiges, il se separe des autres eaux, et les eaux communes qui sont demeurees en neiges, se dissoluent, et le cristal ne se peut dissoudre, ny au soleil ny au feu : qui est vn argument bien certain que les eaux communes ne font qu’aller et venir, monter et descendre, comme i’ay dit en parlant des fontaines, et t’ose dire encores, que les eaux congelatiues sont aussi euaporatiues et exalatiues, et leur habitation et demeure est parmy l’eau commune, iusques à leur congelation.

Theorique.

Il y a bien peu d’hommes qui veulent croire ce que tu dis : par ce qu’ils voudront s’arrester aux Philosophes antiques.

Practique.

Tu diras ce que tu voudras : Mais si est ce, que quand tu auras bien examiné toutes choses par les effets du feu, tu trouueras mon dire veritable, et me confesseras que le commencement et origine de toutes choses naturelles est eau : l’eau generatiue de la semence humaine et brutale n’est pas eau commune ; l’eau qui cause la germination de tous arbres et plantes, n’est pas eau commune, et combien que nul arbre, ny plante, ny nature humaine, ny brutale, ne sçauroit viure sans l’ayde de l’eau commune, si est ce que parmy icelle, il y en a vne autre germinatiue, congelatiue, sans laquelle nulle chose ne pourroit dire ie suis : c’est celle qui germine tous arbres et plantes, et qui soustient et entretient leur formation iusques à la fin : et mesme quand la fin et consommation d’iceux est suruenue par feu, icelle eau generatiue se trouue és cendres, desquelles l’on peut faire du verre semblable à l’eau de laquelle le cristal est formé, et ne faut que tu penses que autrement les bleds et autres plantes seiches se puissent soustenir : par ce que l’eau exalatiue qui estoit auparauant leur maturité, s’est exalee par l’attraction du Soleil : Mais l’eau congelatiue a tousiours soustenu la forme de la paille. En ce cas pareil te faut croire que combien que l’homme ne boiue que de l’eau commune en apparence, si est ce qu’en beuuant et mangeant il attire de ladite eau generatiue, ce qui est en toutes matieres nutritiues : et selon l’effect de nature, la dureté des os est causee par l’action de l’eau congelatiue, et pour ces causes, il y a plusieurs especes d’os qui endurent plus grand feu que non pas les pierres naturelles. Il te sera plus aisé de consumer au feu vne pierre naturelle, que non pas les os d’vn pied de mouton, ou les coquilles d’œufs. Tu peux par là connoistre que l’eau cristaline, qui cause la veuë, à quelque affinité auec l’eau generatiue, de laquelle les lunettes, le cristal et miroir sont faits.

Theorique.

Il me semble que tu te contredis en parlant de ceste eau generatiue : par ce qu’en parlant des sels tu dis qu’il y a du sel en toutes choses, et que sans iceluy nulle chose ne pourroit estre.

Practique.

Tu ne trouueras point de contradiction en mes propos. Veux tu que i’appelle l’eau de la mer sel, tandis qu’elle sera vagante parmy les eaux communes ? ie ne puis appeller les choses fluides et liquides ou aqueuses (pendant qu’elles sont inconneues parmy les eaux communes) sinon eau. Non pas mesme les metaux au parauant leur congelation : par ce que ie t’ay dit que les matieres metalliques n’ont aucune couleur sinon d’eau, iusques à leur congelation.

Theorique.

Tu m’as tant de fois dit que les matieres metalliques estoyent liquides comme l’eau commune, au parauant leur congelation, toutesfois ie ne puis comprendre comment cela peut estre veritable, si tu ne me donnes preuues plus intelligibles.

Practique.

Ie ne te sçaurois donner preuues plus suffisantes que celles que i’ay monstré euidemment en ta présence à mes disciples, qui est (comme tu sçais) vn grand nombre de bois reduit en metal. Ne te souuient il pas que quand ie faisois montre desdits bois, ie leur disois, comment seroit-il possible que le bois se fust reduit en metal, s’il n’eut premierement long temps reposé dans les eaux metalliques entremeslees parmy les eaux communes ? et si les eaux metalliques n’eussent esté autant liquides et subtiles comme les communes, comment eussent elles peu entrer dans le bois et l’embiber par toutes ses parties, sans luy oster aucunement sa forme premiere ? c’est vn point que tous ceux qui le considerent seront contrains condescendre à mon opinion : et te diray encores vne autre preuue plus asseuree, pour te monstrer combien il faut que les matieres metalliques soyent subtiles pour actioner et reduire en metal, sans les desformer, les choses desquelles ie te veux parler. Premierement il se treuue grand nombre de coquilles de poisson qui pour auoir croupi quelque temps dans les eaux metalliques sont reduites en metal sans perdre leur forme, desquelles coquilles i’en ay veu quelque quantité au cabinet de Monsieur de Roisi. De ma part i’en ay vne que i’ay monstré au maistre Maçon des fortifications de Brest, en basse Bretaigne, qui m’a attesté qu’il s’en trouuoit grande quantité en icelle contrée. Au cabinet de Monsieur Race, Chirurgien fameux de ceste ville de Paris, y a vne pierre de mine d’airain, où il y auoit vn poisson de mesme matiere. Au pays de Mansfeld se trouue grande quantité de poissons reduits en metal, et cela est trouué fort estrange à ceux qui viuent sans Philosophie : Et ne peuuent iamais paruenir à la connaissance de la cause ; combien qu’elle soit assez facile, comme ie feray entendre cy apres : mais premierement il faut que i’anticipe sur le discours que i’ay à te faire de la cause des coquilles et bois petrifiez, qui est que les coquilles sont formees d’vne matiere alise, serree et fort compacte, et bien fort dure : et toutesfois quand lesdites coquilles ont long temps crouppi dedans les eaux communes, elles font atraction d’vne eau cristaline generatiue, de laquelle i’ay tant parlé, laquelle les rend de matieres de coquilles en matiere de pierre, sans rien changer de leur forme. Ie n’en demande autre tesmoing que toy, qui as esté présent quand i’ay monstré à mes auditeurs vn grand nombre de coquilles de diuerses especes reduites en pierre, et non seulement les coquilles, mais aussi les poissons : aussi plusieurs pieces de bois. Il est donques aisé à conclure que les poissons qui sont reduits en metal ont esté viuants dans certaines eaux et estangs, esquelles eaux se sont entremeslées autres eaux metalliques, qui depuis se sont congelees en miniere d’airain, et ont congelé le poisson et le vase, et les eaux communes se sont exalées suiuant l’ordre commun, qui leur est ordonné, comme ie t’ay dit cy dessus ; et si lors que les eaux se sont congelées en metal il y eut eu en icelles quelque corps mort, soit d’homme ou de beste, il se fut aussi reduit en metal : et de ce n’en faut aucunement douter. Et tout ainsi que tu vois que les eaux communes descendantes amenent auec elles plusieurs incommoditez, comme terres, sables, et autres ordures, aussi les eaux metalliques estans impures en leur congelation, elles congellent toutes choses qui sont en icelles : parquoy les affineurs ont grand peine à separer le pur d’avec l’impur, comme tu pourras plus clairement entendre en la conclusion que ie feray sur le traitté des pierres. Tu sçais bien que la cause qui m’a meu de te remonstrer ces choses, n’est autre sinon afin que iamais ne te prenne enuie de t’associer auec ceux qui veulent generer les metaux. Car par les instructions que ie t’ay donné tu peux aisément connoistre qu’ils s’abusent, de vouloir faire par feu ce qui se fait par eau. Ie te puis asseurer auoir connu vn grand nombre des cercheurs susdits qui sont si ignorants qu’ils pensent retenir les esprits enfermez dans des vaisseaux de terre, chose à eux impossible.

Theorique.

Et qu’est ce qu’ils appellent esprits ?

Practique.

Ils appellent esprits toutes matieres exalatiues, et singulierement le vif argent, qui est vne eau qui s’exale comme l’eau commune, quand elle est pressée du feu, et ils ont opinion que s’ils pouuoyent trouuer quelque terre, de laquelle ils pussent faire des vaisseaux pour faire chauffer le vif argent, estant enclos dedans iceux, qu’iceluy se congeleroit en argent, et seroit rendu maleable. Mais les pauures gens s’abusent si lourdement que i’ay honte de le dire. Car quand le vaisseau auroit cent toises d’espoisseur, il seroit impossible de le garder de creuer, s’il estoit tout clos, partant qu’il y eut au dedans tant peu soit d’humidité : comme ie t’ay fait entendre en parlant des tremblements de terre, que les matieres humides estans touchées par le feu font de merveilleux efforts, et ne peuuent endurer estre encloses sans aër, comme tu as entendu par vne pomme d’airain ; et mesme les œufs, les chastaignes, les pommes, et autres fruits sont contrains se creuer, quand l’humeur est eschauffee : et voyla pourquoy l’on est contraint de creuer la peau des chastaignes, afin que l’humeur eschauffee ne les face petter : si ces bonnes gens consideroyent ces effects, ils ne chercheroyent point de terre pour retenir les esprits.

Theorique.

Tu m’as allegué cy dessus des chastaignes, des noix et autres fruits, contre mon opinion de l’alchimie : mais cela ne fait rien contre moy : par ce que les metaux sont vn, et les fruits sont vn autre.

Practique[7].

I’ay grand honte que ce propos dure si longuement : toutes fois à cause de ton opiniatrise ie suis contraint de parler encores de ce fait. Es tu si grand’ beste que tu ne consideres le fait de l’aymant, qui par vne vertu singuliere attire à soy le fer, combien qu’il n’ait aucun ame vegetatiue, et si ainsi est hors de la matrice de la terre, combien cuides tu qu’il y aye plus de vertu estant en la terre, quand il est encores en matiere liquide ? Et cuides tu que l’aymant soit seul qui ait pouuoir d’attirer à soy les choses qu’il aime ? ne voy tu pas bien que le Iayet et l’Ambre attirent à eux le festu ? Item, ne voy tu pas bien que l’huille estant ietté dedans l’eau se ramasse à part de l’eau ? Veux tu meilleure preuue que du sel commun, du salpestre, de l’alun, de la coperoze, et de toutes especes de sels, qui estans dissoulz dedans l’eau se sçauent tres-bien separer et faire vn corps à part, distingué et separé d’auec l’eau ? En confirmant ce que ie t’ay dit cy dessus, ie te dy encores que la semence des metaux est liquide et inconnue aux hommes, tout ainsi comme le sel dissoult, ne se peut connoistre parmy l’eau commune iusques à sa parfaite congelation : Aussi pour tout certain la semence des metaux ne se peut connoistre estant en matiere liquide entremeslée parmi les eaux, iusques à sa congelation : Et tout ainsi que ie t’ay dit que la semence du sel liquide se sçait separer de l’eau commune pour se congeler, autant en est-il des matieres metalliques. Et te faut ici philosopher encores de plus pres. Regarde les semences, quand tu les iettes en terre, elles n’ont qu’vne seule couleur, et en venant à leur croissance et maturité elles se forment plusieurs couleurs, la fleur, les fueilles, les branches, les rameaux et les boutons, seront toutes couleurs diuerses, et mesme à vne seule fleur il y aura diuerses couleurs. Semblablement tu trouueras des serpens, des chenilles et des papillons, qui seront figurez de merueilleuses couleurs, voire par vn labeur tel que nul peintre ny brodeur ne sçauroit imiter leurs beaux ouurages. Venons à present à philosopher plus outre : tu me confesseras, que d’autant que toutes ces choses prennent nourriture en la terre, que leur couleur procede aussi de la terre : et ie te diray par quel moyen, et qui en est la cause ? Si tu me donnes raisons apparentes de ce que dessus, et que tu puisses attirer de la terre par ton art alchimistal, les couleurs diuerses, comme font ces petits animaux, ie te confesseray que tu peux aussi attirer les matieres metalliques, et les rassembler, pour faire l’or et l’argent. Mais quoy ! ie t’ay dit tant de fois que tu y procedes tout au contraire de la nature, et tu vois bien par mes arguments que les matieres metalliques sont toutes aqueuses, et se forment dedans l’eau, et tu les veux former par le feu, qui est son contraire. Ne t’ay-ie pas monstré euidemment cy dessus par vne ardoise remplie de marcassites et autres pierres et mineraux, que les matieres metalliques estant encores fluides dedans les eaux, elles s’attirent l’vne à l’autre pour se reduire en corps metallique et (comme i’ay tousiours dit) elles sont inconnues et indistinguibles des autres eaux, iusques à leur congelation.

Theorique.

Ie trouue fort estrange que tu dis que les matieres metalliques sont inconnues dedans les eaux, et toutesfois on voit le contraire : car autant qu’il y a de Philosophes disent, que tous metaux sont composez de souphre et de vif argent. S’il est ainsi, me veux tu faire croire que le souphre et l’argent vif ne se peuuent connoistre dedans l’eau ? Ie me tiens pour certain que s’il y auoit du souphre et du vif argent dedans l’eau, ie le connoistrois.

Practique.

Ie voy bien que ie pers mon temps : Tu es aussi grand beste auiourd’huy comme hier. Et n’as tu point de souuenance que ie t’ay allegué le sel commun et autres : pour te faire entendre que tout ainsi que le sel n’a aucune couleur cependant qu’il est liquide dedans l’eau, que aussi les matieres metalliques n’ont aucune couleur iusques à leur congelation, mais prennent leur couleur en se rassemblant et congelant : tout ainsi que tu vois toutes especes de fruits changer de couleur en leurs croissances et maturitez. Si ie voulois alleguer les semences des natures humaines et brutales, y trouueroit on quelque couleur au parauant leur formation non plus qu’aux metaux ? T’ay ie pas dit cy dessus que tu ne sçaurois dire iamais auoir veu souphre ne vif argent qui ne fut congelé ? penses tu que le vif argent que tu vois et le souphre ayent esté dés le commencement des couleurs qu’ils sont à présent ? ie sçay bien que non, et qu’au parauant ils estoyent inconnuz, comme le sel est inconnu dedans l’eau de la mer.

  1. Geber ou Yeber, Arabe d’origine, vivait au commencement du ixe siècle. Il écrivit beaucoup sur la science hermétique, mais il insista peu sur la transmutation des métaux. Geber était l’oracle des alchimistes.

    Arnaud de Bachuone, ou de Villeneuve, florissait au commencement du xiiie siècle. On lui attribue à tort la découverte de la distillation, déjà connue, et décrite dans les ouvrages des chimistes des iiie et ive siècles de notre ère. Arnaud de Villeneuve n’était autre qu’un charlatan, et l’un des meilleurs types des alchimistes-jongleurs du moyen âge.


    Le Roman de la Rose, l’un des plus anciens poèmes de notre langue, fut commencé vers la fin du xiiie siècle par Guillaume de Lorris, et achevé par Jean de Méun (Jehan de Meung), surnommé Clopinel ou le Boiteux, poète favori de Philippe-le-Bel. Il renferme deux écrits alchimiques en vers. Quant au Miroir d’alchimie, c’est un ouvrage supposé et attribué faussement à Jean de Méun.

  2. Palissy est un des premiers savants qui, par la seule force de son génie, ait compris la vanité et le ridicule de certaines recherches alchimiques. Son Traité des métaux date de 1580, et deux cent cinquante ans après il y avait encore des hommes qui se livraient à ces folies.
  3. Il semblerait que l’ont eut déjà connu à cette époque le moyen de dorer et d’argenter par la voie humide.
  4. Il est peut-être inutile de remarquer qu’il s’agit ici d’un phénomène interprété, à cette époque, à l’aide d’une supposition erronée, mais aujourd’hui parfaitement expliqué par le transport du pollen de la plante mâle à la plante femelle par l’intermédiaire des vents.
  5. Il est facile de reconnaître aujourd’hui à quel point les idées de Palissy ont dû influer, deux siècles après lui, sur celles de Werner et de l’école des Neptunistes.
  6. Palissy donne une trop grande extension à une idée d’ailleurs ingénieuse et qui n’est pas sans quelque fondement. L’eau qui entre dans la composition intime des végétaux et de certains minéraux ne diffère pas de celle que la chaleur peut en séparer ; de même que le calorique retenu par les corps, dans leurs divers états, ne diffère point de celui que l’on peut apprécier par le thermomètre. Néanmoins, pour montrer que, sans changer de nature, l’une et l’autre se trouvent dans des états différents, on nomme la première : eau de végétation, de cristallisation, comme on distingue le calorique latent du calorique sensible.
  7. Quoique ce passage soit la répétition presque littérale de ce qui a été rapporté ci-dessus, page 211, nous avons cru devoir le reproduire, comme les précédents éditeurs, et conserver religieusement le texte, tel qu’il fut publié du vivant de l’auteur.