Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 118

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 132-133).

FABLE CXVIII.

L’OURS ET LE SINGE.


Le théâtre d’un singe étoit le dos d’un ours ;
C’étoit là qu’il faisoit grimaces et gambades…
Ces animaux étoient amis et camarades :
On s’attache à l’objet qui nous prête secours.
L’ours, en dansant, souffloit, grondoit toujours ;
Ce philosophe du vieil âge
Semble nous dire en son langage
Que le gai flageolet ou le triste bâton
Ne le font point changer ni d’humeur, ni de ton,
Et que la danse enfin n’est point l’art du vrai sage.
Un jour, à l’heure du repas,
Où leur maître à danser venoit de disparoître :
L’homme, dit l’ours au singe, est bien ingrat, bien traître ;
Au moment du repos, quand l’argent ne vient pas,
Il assomme, il meurtrit et nos reins et nos têtes ;
S’il parle, c’est pour dire : Ô les maudites bêtes !

De lui depuis long-temps nous devons être las :
De ses chaînes comment éviter l’embarras ?
Je saurois les briser, ce n’est pas une affaire,
Si je pouvois gagner mon abri solitaire.
— Ami, maître cruel a magasin de fers :
Le moyen d’échapper à tous ses soins pervers !
Nouvelle chaîne auroit plus de poids que les nôtres ;
Je dirois : Brisons-les, s’il n’en étoit pas d’autres.