Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 053

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 60-61).

FABLE LIII.

L’ÉLÉPHANT ET LE SINGE.


Qui le croiroit ? un singe encore enfant,
Se jouoit, se moquoit d’un superbe éléphant.
Il lui vantoit avec audace
Son joli métier de bouffon,
Et force tours de passe-passe :
À rien l’éléphant n’étoit bon,
Ce n’étoit qu’une informe masse.
Des animaux l’éléphant est, dit-on,
Le Caton :
Notre railleur aisément il fit taire.
Il vaut mieux être sans talens
Que d’avoir, lui dit-il celui de contrefaire.
Cet art de grimacer a fait dans tous les temps
Des singes mépriser l’espèce.
Voit-on quelque farceur, plat copiste, ou méchant,
On dit par tout pays, s’il montre de l’adresse,
Ce n’est qu’un singe absolument.
Porte donc loin de moi gambades et souplesse ;
Ne viens plus me railler, ou de ma trompe en l’air
Je te ferai sauter plus vite que l’éclair.
Pour cette fois j’excuse ta jeunesse ;
Mais de moi, pour toujours, retiens ce peu de mots :
Le ton moqueur est la gaîté des sots.