Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 016

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 19-20).

FABLE XVI.

L’HOMME ET LA CHENILLE.


Cueillant des fruits dans son jardin
Un jardinier voit tomber sur sa main
Une chenille monstrueuse.
Quelle bête ! dit-il, brillante, mais hideuse,
Ravageant tout soir et matin ;
Je ne puis conserver pêche, œillet, ni jasmin,

Et pourtant quelquefois la bizarre nature
Des plus riches couleurs compose sa parure.
Mais on n’en hait pas moins sa dévorante faim :
Ce beau corps nuancé déplaît, dégoûte enfin,
Eh, que n’es-tu morbleu la dernière à détruire !
La chenille répond : et pourquoi m’offenser
Et contre moi vous courroucer ?
Quand le ciel me donna le pouvoir de vous nuire
Ne vous donna-t-il pas celui de m’écraser ?
Ne m’insultez donc plus, c’est une barbarie :
Oh ! l’injure est de trop quand on ôte la vie.