Épitres (Horace, Leconte de Lisle)/I/5

1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Épitre V. — À TORQUATUS.


Si tu peux te coucher, en convive, sur un lit d’Archias, et si tu ne crains pas de souper d’un petit plat de légumes, je t’attendrai à la maison, Torquatus, au coucher du soleil. Tu boiras un vin qui coula sous le deuxième consulat de Taurus, entre les marais de Minturnæ et le coteau de Sinuessa. Si tu en as de meilleur, apporte-le, ou soumets-toi. Déjà le foyer resplendit et tout le ménage reluit pour toi. Quitte les vaines espérances, les luttes de richesse et la cause de Moschus. Demain est le jour de naissance de Cæsar, demain est un jour de repos et de sommeil ; et nous pourrons impunément passer une nuit d’été à causer amicalement. À quoi sert la richesse, si on n’en peut jouir ? L’avare, sévère pour soi, en vue de son héritier, est presque insensé. Je boirai et répandrai des fleurs et souffrirai qu’on me tienne pour peu sage. Que ne dévoile point l’ivresse ? Elle révèle les secrets, elle réalise les espérances, elle traîne le lâche au combat, elle soulève le fardeau des inquiétudes, elle enseigne les arts. Quel est celui que les coupes fécondes n’ont pas fait éloquent ? Qui ne délivrent-elles pas des chaînes de la pauvreté ? Je m’occupe volontiers des soins auxquels je m’entends : je m’inquiète que les lits soient propres, que l’état de la nappe n’offense pas les narines, que tu puisses te voir dans les coupes et dans les plats, que personne ne porte au dehors ce qui se dit entre amis intimes, et que ceux qui se conviennent soient ensemble. J’aurai avec toi Butra, Septicius, et, s’il ne préfère pas souper avec quelque jeune fille, Sabinus. Il y a place pour quelques ombres ; mais des convives trop serrés sont gênés par l’odeur de la chèvre. Écris-moi combien nous devons être, et, toute affaire mise de côté, passe par une porte dérobée, laissant le client dans l’atrium.