Épisode de la vie d’un artiste

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Episode
DE
LA VIE D’UN ARTISTE


SYMPHONIE FANTASTIQUE EN CINQ PARTIES,
Par Hector Berlioz ;


exécutée pour la première fois le 5 décembre 1830,
Au Conservatoire de Musique de Paris.




Programme.

Le compositeur a eu pour but de développer, dans ce qu’elles ont de musical, différentes situations de la vie d’un artiste. Le plan du drame instrumental, privé du secours de la parole, a besoin d’être exposé d’avance. Le programme suivant doit donc être considéré comme le texte parlé d’un opéra, servant à amener des morceaux de musique, dont il motive le caractère et l’expression.

RÉVERIES. – PASSIONS.
(Première Partie.)

L’auteur suppose qu’un jeune musicien, affecté de cette maladie morale qu’un écrivain célèbre appelle le vague des passions, voit pour la première fois une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal que rêvait son imagination, et en devient éperdûment épris. Par une singulière bizarrerie, l’image chérie ne se présente jamais à l’esprit de l’artiste que liée à une pensée musicale, dans laquelle il trouve un certain caractère passionné, mais noble et timide comme celui qu’il prête à l’objet aimé.

Ce reflet mélodique avec son modèle le poursuivent sans cesse comme une double idée fixe. Telle est la raison de l’apparition constante, dans tous les morceaux de la symphonie, de la mélodie qui commence le premier allegro. Le passage de cet état de rêverie mélancolique, interrompue par quelques accès de joie sans sujet, à celui d’une passion délirante, avec ses mouvemens de fureur, de jalousie, ses retours de tendresse, ses larmes, etc., est le sujet du premier morceau.

UN BAL.
(Deuxième Partie.)

L’artiste est placé dans les circonstances de la vie les plus diverses, au milieu du tumulte d’une fête, dans la paisible contemplation des beautés de la nature ; mais partout, à la ville, aux champs, l’image chérie vient se présenter à lui et jeter le trouble dans son âme.

SCÈNE AUX CHAMPS.
(Troisième Partie.)

Se trouvant un soir à la campagne, il entend au loin deux pâtres qui dialoguent un ranz de vaches ; ce duo pastoral, le lieu de la scène, le léger bruissement des arbres doucement agités par le vent, quelques motifs d’espérance qu’il a conçus depuis peu, tout concourt à rendre à son cœur un calme inaccoutumé et à donner à ses idées une couleur plus riante. Il réfléchit sur son isolement ; il espère n’être bientôt plus seul… Mais si elle le trompait !… Ce mélange d’espoir et de crainte, ces idées de bonheur troublées par quelques noirs pressentimens, forment le sujet de l’adagio. À la fin, l’un des pâtres reprend le ranz de vaches ; l’autre ne répond plus… Bruit éloigné de tonnerre… Solitude… Silence…

MARCHE DU SUPPLICE.
(Quatrième Partie.)
Ayant acquis la certitude que non-seulement celle qu’il adore ne répond pas à son amour, mais qu’elle est incapable de le comprendre, et que, de plus, elle en est indigne, l’artiste s’empoisonne avec de l’opium. La dose du narcotique, trop faible pour lui donner la mort, le plonge dans un sommeil accompagné des plus horribles visions. Il rêve qu’il a tué celle qu’il aimait, qu’il est condamné, conduit au supplice, et qu’il assiste à sa propre exécution. Le cortége s’avance aux sons d’une marche tantôt sombre et farouche, tantôt brillante et solennelle, dans laquelle un bruit sourd de pas graves succède sans transition aux éclats les plus bruyans. À la fin de la marche, les quatre premières mesures de l’idée fixe reparaissent comme une dernière pensée d’amour interrompue par le coup fatal.
SONGE D’UNE NUIT DU SABBAT.
(Cinquième Partie.)

Il se voit au sabbat, au milieu d’une troupe affreuse d’ombres, de sorciers, de monstres de toute espèce, réunis pour ses funérailles. Bruits étranges gémissemens, éclats de rire, cris lointains auxquels d’autres cris semblent répondre. La mélodie aimée reparaît encore, mais elle a perdu son caractère de noblesse et de timidité ; ce n’est plus qu’un air de danse ignoble, trivial et grotesque : c’est elle qui vient au sabbat……… Rugissement de joie à son arrivée… Elle se mêle à l’orgie diabolique… Glas funèbre, parodie burlesque du Dies iræ[1], ronde du Sabbat. La ronde du Sabbat et le Dies iræ ensemble.


  1. Hymne chanté dans les cérémonies funèbres de l’église catholique.