Épîtres (Voltaire)/Épître 94

Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 10 (p. 383-384).


ÉPÎTRE XCIV.


AU DUC DE LA VALLIÈRE,
GRAND FAUCONNIER DE FRANCE.


(1761)


Illustre protecteur des perdrix de Mont-Rouge[1],
Des faucons, des auteurs, et surtout des catins ;
Vous dont l’auguste sceptre au cuir blanc, au bout rouge,
Est l’effroi des cocus et l’amour des p…,
Vous daignez vous servir de votre aimable plume
Pour dire à la postérité
Que vous avez aimé certain Suisse effronté,
Très-indiscret auteur de plus d’un gros volume,
Mais dont l’esprit encor conserve sa gaîté.
Il pense comme monsieur Hume,
Il rit de la sotte âpreté
De tout dévot plein d’amertume ;
Tranquillement il s’accoutume
À l’humaine méchanceté ;
Le flambeau de la Vérité
Quelquefois dans ses mains s’allume ;
Il doit être bientôt compté
Dans le rang d’un auteur posthume :
Mais quand le temps qui tout consume

Au néant l’aura rapporté,
Son nom, comme je le présume,
Ira, par votre grâce, à l’immortalité.



  1. Son château était à Mont-Rouge. Voyez encore, dans la Correspondance, la lettre de Voltaire au duc, de cette même année.