Éloge funèbre de Césaire/Notice


Traduction par Édouard Sommer.
Librairie Hachette et Cie (p. 1-2).

NOTICE

SUR SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE.




Saint Grégoire naquit, l’an 330, dans le bourg d’Arianze, en Cappadoce, d’une mère chrétienne, et d’un père qui resta longtemps attaché à une secte de déistes illuminés. Cependant le père de Grégoire finit par se convertir au christianisme, et fut élu évêque de Nazianze. Quant à Grégoire, il alla étudier successivement à Césarée, à Alexandrie, puis à Athènes, où il fut le condisciple et l’ami de saint Basile, et où il connut Julien, qui fut plus tard empereur. Lorsque Basile se fut retiré dans la solitude, Grégoire ne tarda pas à l’y rejoindre, et passa plusieurs années avec lui dans l’étude et la méditation. Élevé à l’évêché de Césarée, qui le faisait chef de toute l’Église de Cappadoce, saint Basile nomma saint Grégoire évêque de la petite bourgade de Sasime. Saint Grégoire se plaignit amèrement de ce qu’il regardait comme un exil, et quitta bientôt Sasime pour venir aider son père dans l’administration de l’Église de Nazianze. Après la mort de son père, saint Grégoire, persécuté par les ariens, se retira dans l’Isaurie ; mais il revint bientôt fonder à Constantinople même une petite chapelle qu’il appela Anastasie, et son éloquence enleva aux ariens de nombreux partisans. À l’avénement de Théodose, l’arianisme fut persécuté et la foi de Nicée triomphante ; saint Grégoire se montra plein de douceur pour ses anciens ennemis. Théodose le fit nommer par un concile archevêque de Constantinople ; mais Grégoire fut bientôt forcé de se démettre[1]. Il alla achever ses jours près des lieux où il était né, tout entier à l’étude des lettres et à la poésie. C’est dans cette retraite qu’il mourut, l’an 390.

Le caractère des poésies de saint Grégoire est la mélancolie, la réflexion, la rêverie. « Sous ce rapport, dit M. Villemain, le génie poétique de saint Grégoire se confond avec son éloquence, et nous fait mieux comprendre ces talents d’une espèce nouvelle, suscités par le christianisme et l’étude des lettres profanes, cette nature à la fois attique et orientale, qui mêlait toutes les grâces, toutes les délicatesses du langage à l’éclat irrégulier de l’imagination, toute la science d’un rhéteur à l’austérité d’un apôtre, et quelquefois le luxe affecté du langage à l’émotion la plus naïve et la plus profonde. Nulle part ce caractère, qui fut si puissant sur les peuples de Grèce et d’Italie, vieillis par le malheur social, mais toujours jeunes d’esprit et de curiosité, nulle part ce charme de la parole, qui semble une mélodie religieuse, n’est porté plus loin que dans les écrits de l’évêque de Sasime. Ses éloges funèbres sont des hymnes ; ses invectives contre Julien ont quelque chose de la malédiction des prophètes. On l’a appelé le théologien de l’Orient ; il faudrait l’appeler aussi le poëte du christianisme oriental. »

  1. On trouvera dans la seconde partie de notre Recueil des Pères de l’Église grecque, avec quelques détails historiques de plus, les adieux touchants adressés par saint Grégoire à son Église de Constantinople.