École des arts et métiers mise à la portée de la jeunesse/Le Charron


Anonyme
Traduction par T. P. Bertin.
L. Duprat-Duverger, libraire (2p. Gravure-28).

Le Charron.


LE CHARRON.





Le métier de charron consiste à faire des roues de voiture.

La roue se compose de différentes parties, telles que le moyeu, qui en est le centre, et les rayons ou rais qui vont s’enchâsser dans les jantes : ces trois parties constituent une roue. Pour donner de la solidité au tout on emploie du fer.

Le moyeu est un gros morceau de bois taillé en olive et placé au centre de la roue ; il est percé d’un trou par lequel il reçoit l’essieu : on en voit un représenté au coin gauche de la vignette. Il y a un certain nombre de trous destinés à recevoir les extrémités des rais ; lorsque les rais sont entrés dans le moyeu on les ajuste dedans les jantes. Chaque jante doit être d’une longueur suffisante pour recevoir deux rais, de sorte que s’il y a douze rais dans une roue elle doit avoir six jantes.

Le moyeu a ses extrémités extérieure et intérieure entourées de cercles de fer appelés cordons et frettes ; ils servent à empêcher qu’il ne se fende ou qu’il ne s’use par le frottement. Les bandes sont fixées sur les jantes avec des clous à têtes très-fortes. On fait chauffer les différentes parties des bandes avant de les placer sur les roues, pour qu’elles en brûlent la superficie ou au moins toutes les inégalités qui pourraient les empêcher de poser à plat sur le bois ; il est plus aisé, d’ailleurs, quand elles sont dans cet état, de les faire ployer et prendre la courbure de la roue. Un autre avantage qui résulte de l’usage de faire rougir les bandes, c’est que le fer prend de l’expansion quand il est chaud, et qu’en refroidissant il se contracte ou se raccourcit, et que les bandes, en se rétrécissant, font joindre ensemble les différentes parties des jantes. Pour que l’ouvrier puisse se trouver au-dessus de son ouvrage, il place la roue dans une espèce de fosse pratiquée dans son atelier ou sa boutique ; le moyeu repose sur les côtés de cette fosse, de sorte qu’il n’y a que la moitié de la roue qui soit au-dessus de sa surface. Le charron représenté dans la vignette est occupé à fixer la bande sur la roue, dont le bois s’enflamme et donne beaucoup de fumée. Les grandes tenailles qui sont à ses pieds lui servent à tirer le fer tout chaud de la forge, et à le placer sur les jantes.

La hache que l’on voit debout contre l’autre roue est recourbée comme celle d’une doloire et lui sert à creuser les jantes.

En creusant ou en chantournant ainsi le bois des jantes pour leur faire prendre une forme circulaire, les fibres du bois se trouvent coupées et leur force en est singulièrement affaiblie ; pour remédier à cet inconvénient, on a trouvé le moyen de courber le bois en grume, c’est à dire celui qui n’est ni débité, ni scié, et qui a encore son écorce. La périphérie ou le cercle de la roue ne se compose alors que de deux jantes qui sont fixées par des tenons, des mortaises et par la bande. Au moyen de ce mode de construction cette circonférence est également forte sur tous les points, et plus solide que celle des roues faites à la manière ordinaire, quoiqu’elle n’emploie que la moitié du bois de celles-ci.

Dans les campagnes les charrons font aussi des charrettes, des fourgons et des tombereaux ; le bois dont ils se servent le plus souvent est l’orme ; ils emploient aussi le chêne. Leur profession est très-pénible, et elle exige des personnes qui l’exercent une forte constitution.

L’orme dont se servent les charrons est fort utile pour faire des billots ou hachoirs, en ce qu’il n’est pas sujet à s’émietter. Les sculpteurs s’en servent pour exécuter des feuillages et autres ouvrages de fantaisie.

Les ouvrages du charron ont donné lieu aux proverbes suivans :

On dit figurément et familièrement pousser à la roue, pour dire aider à quelqu’un à réussir dans une affaire.

On dit figurément la roue de la fortune, pour signifier les révolutions et les vicissitudes dans les événemens humains : les uns montent, les autres descendent ; ainsi va la roue de la fortune.