École des arts et métiers mise à la portée de la jeunesse/Le Brossier


Anonyme
Traduction par T. P. Bertin.
L. Duprat-Duverger, libraire (1p. 128-138).


LE BROSSIER.





Le travail de cette profession est très-bien développé dans la vignette. L’ouvrier fait des brosses de toutes espèces, des balais de crin, des balais caniches, et même des balais de bouleau ; c’est encore le brossier qui se charge de faire des mesures en bois pour le grain et le charbon de terre.
Le Brossier.

Le dos ou le bois des brosses est ordinairement de chêne ; le brossier lui donne les dimensions convenables avec l’instrument dont on voit qu’il se sert dans la vignette. Cet instrument est un grand couteau attaché à l’une de ses extrémités par un crochet à un billot de bois, et de manière qu’il puisse se mouvoir de haut en bas ; à l’autre extrémité est un manche de bois. L’ouvrier tient le bois à couper de la main gauche, tandis qu’il fait agir le couteau de la main droite. Il faut toujours que cet instrument soit bien tranchant ; sa forme et la manière de s’en servir parviennent promptement à réduire le bois aux dimensions désirées. Quand le bois est taillé on le perce d’autant de trous qu’il est nécessaire, et c’est dans ces trous que l’on insère le crin.

Le brossier emploie des soies de sanglier pour faire des vergettes : une grande quantité de ces soies est importée tous les ans, en temps de paix, de l’Allemagne ; mais elles paient des droits considérables à leur entrée. Il y a des brosses de différentes espèces et de différentes formes ; elles portent les noms suivans : brosses à l’apprêt ; ce sont des brosses courtes : brosses de carrosses ; elles sont à queue large : brosses à cheval ; ce sont celles avec lesquelles on étrille les chevaux : brosses à chirurgien ; celles avec lesquelles on fait des frictions aux malades attaqués de rhumatismes : brosses à dents ; le poil en est très-court et attaché au dos sur un fût d’ivoire : brosses à trois faces ; elles s’emploient par les tapissiers, et sont faites de soies de sanglier : brosses d’imprimerie ; ce sont celles avec lesquelles les imprimeurs lavent leurs formes : brosses à ligne ; les peintres s’en servent à tracer des moulures sur leurs tableaux : brosses à plancher ; ce sont celles dont se servent les frotteurs d’appartement : brosses à tuyau ; les doreurs sur bois les emploient pour coucher d’assiette dans les filets.

Il se fait des brosses et vergettes de différentes autres formes ; les matières qu’on y emploie sont de trois sortes, de poil ou crin, de bruyère et de chiendent. Il est encore des brosses appelées décrotoires ; d’autres nommées polissoires ; il y en a qui servent de peignes pour les enfans et pour les personnes qui se font couper les cheveux à la Titus ; enfin il se fait des balais de crin ou de soies de sanglier qui ne sont, à proprement parler, que des brosses. Quelques brosses sont garnies d’une manicle, comme celles à l’usage des cochers ; d’autres d’une courroie de pied ; ces dernières sont à l’usage des frotteurs.

La vergette est un ustensile de ménage qui sert à nettoyer les habits. La structure de toutes les brosses est à peu près la même. Lorsqu’on a trié et assorti les crins ou soies on les noue dans le milieu avec du fil de laiton, et dans cet état on les enfonce dans le bois, où on les y fixe avec de la colle-forte ; on en coupe ensuite les crins, de manière que la surface en soit horizontale et très-unie. Le crin des balais se double en deux ; chaque mèche se fixe dans les trous avec de la poix mêlée de résine. Dans quelques brosses, comme celles suspendues à une traverse à droite derrière l’ouvrier, le fil de laiton est visible sur le dos ; à d’autres le dos est lisse, parce que des lamelles de bois très-minces sont collées sur le fil de laiton. Les brosses de frotteur, que l’on voit suspendues au-dessus de la tête de l’homme, sont recouvertes d’une plaque de plomb, pour que leur pesanteur facilite le travail de celui qui frotte les appartemens. Les balais appelés balais caniches se font avec des haillons de laine que de vieilles pauvres femmes ramassent dans les rues.

Les vaisseaux propres à mesurer le charbon ou à le porter au foyer sont ordinairement en chêne, avec des anses en fer ou en bois ; ils ne sont pas si propres que ceux de cuivre ou de tôle vernie, mais aussi ils coûtent bien moins cher et durent beaucoup plus longtemps que ceux en métal.

La fabrication des mesures que l’on voit derrière l’ouvrier dans la vignette exige la plus grande précision ; elles doivent contenir avec exactitude une quantité de grain ou de charbon de terre déterminée.

La division des travaux de ce genre se fait de telle manière dans la Grande-Bretagne que ce ne sont pas les mêmes personnes qui font les balais et les manches ; il y a dans le Kent-Street et dans plusieurs autres quartiers à Londres des manufactures de manches à balai.

Les balais de bouleau forment un commerce distinct et très-lucratif.

Le bouleau est un arbre qui croît sur un sol où rien autre chose ne peut venir. Des terrains couverts de mousse produisent des bouleaux en telle abondance que l’on en retire dix livres sterling par acre, et que ces produits augmentent considérablement d’année en année.

Les marchands de balais ne sont pas les seuls qui achètent le bouleau ; ceux qui lient des cercles de tonneau en font le plus grand usage ; ces derniers achètent les arbres qui sont parvenus à toute leur grosseur, et ce bois leur sert à faire des jougs et autres instrumens d’agriculture. Dans les contrées septentrionales de l’Europe le bois de bouleau sert à faire des roues de voiture. On dit familièrement et figurément se prendre aux crins en parlant de deux hommes qui se prennent aux cheveux.