À MA CHAMBRE.


De mon indépendance,
Adieu premier séjour,
Où mon adolescence
A duré moins d’un jour !
Bien que peu je regrette
Un passé déchirant,
Pourtant, pauvre chambrette,
Je vous quitte en pleurant !

Du sort, avec courage,
J’ai subi tous les coups ;
Et, du moins, mon partage
N’a pu faire un jaloux.
La faim, dans ma retraite,
M’accueillait en rentrant ;
Pourtant, pauvre chambrette,
Je vous quitte en pleurant !


Au sein de la détresse,
Quand je suçais mon lait,
Une tendre maîtresse
Point ne me consolait.
Solitaire couchette
M’endormait soupirant ;
Pourtant, pauvre chambrette,
Je vous quitte en pleurant !

De ma muse, si tendre,
Un dieu capricieux
Ne venait point entendre
Les sons ambitieux.
Briller pour l’indiscrète
Est besoin dévorant ;
Pourtant, pauvre chambrette,
Je vous quitte en pleurant !


Adieu ! Le sort m’appelle
Vers un monde nouveau ;
Dans couchette plus belle,
J’oublirai mon berceau.
Peut-être, humble poëte
Loin de vous sera grand ;
Pourtant, pauvre chambrette,
Je vous quitte en pleurant !


Victor Escousse (1831.)