Pruneau et Kirouac ; V. Retaux et fils (p. 133-134).


XXI


Comme nous savons tous, après bien des négociations, Québec fut rendu à la France : et, le 23 mars 1633, Samuel de Champlain s’embarquait à Dieppe, pour aller reprendre possession de la colonie.

Dans l’intervalle, Gisèle l’avait vu souvent, et son intimité lui avait été grandement utile.

Cet homme si fort, si peu occupé de lui-même, la fortifiait ; il l’élevait au dessus des personnels regrets.

De son côté, M. de Champlain aimait à causer avec cette grave jeune fille. Il aimait surtout à l’entendre chanter.

Sa voix céleste réveillait cette sensibilité poétique et profonde qui était en lui ; elle l’enlevait aux pesantes et chétives réalités et le plongeait dans des rêveries enchantées.

Il oubliait la vieillesse qui approchait ; il oubliait les amères expériences, les amères pensées. Il se retrouvait jeune, ardent, comme à l’heure immortelle où la beauté de Québec, se révélant à ses yeux, avait charmé son cœur.

Quelle douleur lorsqu’il lui avait fallu abandonner son œuvre !

Mais, grâce à la Vierge Marie, il allait reprendre possession de sa Nouvelle-France. C’est sous sa protection qu’il avait mis ses démarches ; c’est à elle qu’il en attribuait le succès, et il aimait à parler de la chapelle qu’il avait fait vœu de lui ériger à Québec.

Bien des fois, le soir, Gisèle l’avait vu, le crayon à la main, se reposer des fatigues du jour, en dessinant le plan de sa chapelle : — Je l’appellerai, disait-il, Notre-Dame de Recouvrance.

Quand il fut parti, le petit salon de la rue Saint-Germain-l’Auxerrois lui parut bien triste, bien désolé. Mais un vide autrement douloureux ne devait pas tarder à se faire autour d’elle.