À genoux/La Fleur divine

Alphonse Lemerre (p. 38-39).

XV

LA FLEUR DIVINE


 
Elle faisait avec des fleurs une couronne.
À genoux au milieu de l’herbe elle cueillait
Toutes ces fleurs de pourpre et d’or que juin nous donne,
La tulipe, la rose immortelle, et l’œillet.

De ma route je la voyais dans la prairie.
Je l’appelai. L’enfant leva ses yeux vers moi.
Et je lui dis : « Pourquoi, femme, t’es-tu fleurie ?
Toutes les fleurs des prés sont vivantes en toi,


Toutes les fleurs de juin sont sur tes lèvres closes,
Toutes les fleurs les plus belles que nous ayons !
Et ta poitrine a des parfums comme les roses,
Et comme les bluets tes yeux ont des rayons. »

Elle me répondit, levant ses yeux superbes
Et m’en éblouissant à travers ses cheveux :
« J’ai ramassé ces fleurs pour toi, parmi les herbes,
Pour te les rapporter pleines de mes aveux ;

Pour que, le soir, du fond de tes mélancolies,
Dévoré jusqu’au cœur par les jours assassins,
Tu songes, en voyant ces fleurs que j’ai cueillies,
À l’immortel amour qui fleurit dans mes seins ;

Et pour que ta mémoire orgueilleuse et brûlante,
En respirant ces fleurs que fit germer ta foi,
Y retrouve l’odeur de l’éternelle plante
Que j’ai gardée intacte en mon âme pour toi ! »