À genoux/L’antique Mal

Alphonse Lemerre (p. 145-146).

XXX

L’ANTIQUE MAL


 
Rien de pur n’apparaît en cette âme perverse,
Seulement dans ses yeux obscurcis à moitié
Et que le noir chaos des larmes bouleverse
Surnage quelquefois un éclair de pitié.

Un éclair passager, invisible, éphémère,
Qui brille peu d’instants et qu’on ne revoit pas.
Mais c’est cette pitié douloureuse de mère
Qui fait que je l’adore et que je suis ses pas.


Oh ! qui sait quels torrents d’amour et d’espérance
Ont en des temps passés peuplé ce cœur si beau,
Pour qu’on y voie encore un reste de souffrance,
Comme un dernier vestige au dessus d’un tombeau !

Il en est des amours humains comme des fleuves.
Ils roulent, sous les yeux du temps, ce grand vainqueur,
Dans leur lit éternel leurs vagues toujours neuves.
L’amour change, mais c’est toujours le même cœur.